Le grand entretien politique du Diplomate avec Guillaume Bigot

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Guillaume Bigot

Après l’euphorie des Jeux Olympiques, Le Diplomate revient sur la situation politique française paralysée depuis plus d’un mois, avec Guillaume Bigot, député RN de la 2e circonscription le Territoire de Belfort.

Propos recueillis par Angélique Bouchard

Le Diplomate : Cela fait désormais plus d’un mois que le poste de Premier ministre est vacant. Comment interprétez-vous cette situation ? Est-ce une stratégie délibérée de la part d’Emmanuel Macron pour gagner du temps, ou cela révèle-t-il une difficulté plus profonde à trouver un consensus politique ?

Guillaume Bigot : La contradiction est forte entre d’un côté une dissolution qui ne pouvait attendre plus de quinze minutes après la proclamation du résultat des européennes et les quarante jours sans gouvernement depuis l’annonce par le Premier Ministre Gabriel Attal de sa démission.

De prime abord, on pourrait considérer que le président de la République était fondé à sanctuariser les JO en déclarant une trêve olympique qui était en fait une pause politique.

En réalité, Emmanuel Macron voulait être seul à profiter du prestige de la cérémonie et des médaillés français. Quant à la sanctuarisation des Jeux, pourquoi ne pas avoir attendu la fin des jeux paralympiques pour prononcer la dissolution ?

Donc, la dissolution pressante suivie d’un interminable flottement relève d’une logique du bon plaisir de Sa Majesté.

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Mais vous avez raison, la difficulté à nommer un Premier ministre qui dispose de la confiance de l’Assemblée est réelle. Cette dissolution qui devait aboutir à confirmer la victoire du RN a fait pschitt. La grenade dégoupillée que le chef de l’État a voulue jeter sur le RN s’est révélée être une grenade à fragmentation qui n’a pas affaibli le parti majoritaire, mais qui a blessé le président lui-même. Pour le dire autrement, la dissolution de l’Assemblée nationale est une auto-dissolution de l’Élysée.

Mélenchon souhaite que le président se soumette ou se démette comme l’avait fait Mac-Mahon, mais il s’est déjà démis tout seul et ne sait plus à quelle majorité se soumettre.

Dans le dernier communiqué du Président ce matin, Emmanuel Macron fait encore preuve d’un certain culot, en gros : « le chaos, l’ingouvernabilité, ce sont eux, les partis et les députés. Et pas moi » !

Alors que la dissolution, le barrage, c’est lui. Le chaos, c’est lui. C’est Ponce Pilate !

De même, il semble dire « je suis bien gentil, j’ai voulu donner le pouvoir au NFP mais les autres députés sont irresponsables donc il y aura censure. Moi, je suis le gardien de la constitution » alors que les Français lui ont dit : « tout sauf Macron », il répond en creux tout sauf ma démission.

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Il continue à distribuer des bons points aux partis du système : LR, PS et les centristes. Les euro techno compatibles. Gros sabots cloutés. La techno parade maastrichienne, croit-il, pourra continuer.

Les autres (dont le RN, premier parti, 11 millions de voix), on n’en parle même plus.

On va finir par donner le pouvoir à un front euro-techno des minoritaires pour que rien ne change. C’est un déni de démocratie et un retour aux apparentements de la IVe République.

Le macronisme, c’est encore Macron qui en parle le mieux. Qu’est-ce que le macronisme ? C’est le gouvernement par les technos et pour le chaos. Il faut que la France meure pour que l’UE vive.

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Cette situation est dangereuse car le Président, s’il ne veut pas démissionner de lui-même, ouvre une crise de régime.

Tous les Français sont contre lui. Tous les partis sont contre lui. La destitution de Macron est impossible seul le NFP va la voter et ils n’ont même pas la majorité simple.

Mélenchon et ses sbires vont donc jouer le troisième tour social. L’émeute.

À ce moment, la seule issue sera la démission de Macron et une présidentielle dans la foulée. Mais à l’arrivée, les institutions auront été abimées.

Affaiblir Macron oui. Abîmer la présidence non.

Au final, cet homme aura tout saccagé, tout aggravé et tout abîmé. Du nucléaire en passant par les joyaux industriels, des Dom Tom jusqu’au Bac, des grands corps de l’État jusqu’au services publics. Record de dette, d’immigration, de violences, de fermetures de lit.

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À dire vrai, c’est la stratégie des notables euro-techno qu’il n’a pas inventée.

Mais il restait quelque chose de solide. Les institutions de la Ve. Ce grand chêne gaullien qu’il est en train de scier et sur lequel le petit influenceur d’Amiens ne comprend pas qu’il est assis.

LD : La situation actuelle semble fragiliser la droite républicaine, tandis que le Rassemblement National, sous la direction de Marine Le Pen, consolide ses positions mais semble silencieuse et effacée. Comment analysez-vous la dynamique de pouvoir à droite ? Assiste-t-on à une recomposition de la droite autour du RN, ou cette période d’incertitude pourrait-elle revitaliser Les Républicains ? Et qu’en est-il de l’alliance RN/Ciotti et comment se passe-t-il à l’Assemblée ?

GB : Pour saisir la dynamique politique actuelle, il faut laisser un peu la poussière de la bataille électorale retomber et prendre un peu de recul.

Nos électeurs qui voulaient nous confier les rênes du gouvernement sont forcément déçus. Mais pour autant, nous sommes une des rares forces politiques à progresser. Le centre s’est liquéfié. La droite LR européiste et mondialiste s’est tassée. Sur les quatre formations qui composaient le NFP, seuls les socialistes remontent un peu. LFI qui ne cesse de célébrer son triomphe, a perdu des députés depuis la mandature précédente.

Certes peu, mais la plupart des députés de l’Assemblée nationale qui ont été élus grâce au barrage républicain ne l’auraient jamais été si les électeurs qui habituellement combattent leurs idées et leurs programmes ne s’étaient pas bouchés le nez pour empêcher le RN de gagner.

Donc, aux électeurs déçus du RN, il faut rappeler que cette fois, il a fallu pour nous empêcher de gagner que tous les autres partis (sauf les LR tendance Ciotti) se liguent contre nous. Il aura fallu ce tous contre un pour nous empêcher de gouverner.

Il faut aussi leur expliquer que la victoire de ce front républicain est une victoire à la Pyrrhus, car si toutes ces formations sont d’accord pour barrer la route au RN et à son allié, ils ne sont d’accord sur rien.

Donc oui, la dynamique électorale du RN se renforce. Mais de manière plus fondamentale, il ne reste plus que trois offres politiques, trois stratégies pour la France.

D’abord, la stratégie du pareil au même, on continue dans la direction prise depuis Maastricht avec toujours plus d’Union européenne, plus de mondialisation, plus d’américanisation et plus d’immigration. Ce que j’appellerai la mondialisaxonisation est un bloc. Il y a la libre circulation des capitaux, des marchandises et des hommes garantis par l’UE et l’OTAN. Cette politique n’est pas née avec Macron et ne disparaîtra pas avec lui. C’est la stratégie des notables, des importants, celle des classes moyennes supérieures. Du PS à LR en passant par toutes les 50 nuances de centre, c’est la même ligne au fond.

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Mais si cette politique ravit les bénéficiaires de la mondialisation et correspond à l’idéologie de la classe dirigeante française, elle n’est plus du tout majoritaire.

Cette première stratégie est contestée par un altermondialisme ultra-immigrationniste et communautariste, doux à l’islamisme conquérant et évidemment écologiste ultra. Ces gens-là qui portent une deuxième stratégie veulent changer de cap, mais en abîmant l’économie (ils veulent mettre à bas le capitalisme) et même l’État-nation.

LFI et EELV sont les deux vecteurs électoraux de cette stratégie de rupture.

Et puis, il y a nous. La troisième voie, en quelque sorte. Nous, le RN, qui exprimons la vieille politique française, celle qui court de Louis XIV à De Gaulle en passant par Bonaparte et Clemenceau. Un État fort qui s’appuie sur les petits pour brider les grands qui sont tentés de jouer la carte du parti de l’étranger. D’ailleurs, nos adversaires se reconnaissent davantage dans le drapeau européen ou LGBT ou palestinien que dans nos trois couleurs.

De LFI à LR, le tricolore n’est plus qu’une bannière sportive, il n’est plus un idéal politique, le symbole de la légitimité populaire.

LD : La gauche française est fortement divisée entre une France Insoumise radicale, un Parti Socialiste affaibli, et des écologistes peinant à s’imposer. Selon vous que reste-t-il du NPF et dans ce contexte, quelle est, selon vous, la capacité de la gauche à proposer une alternative crédible à la majorité présidentielle ? Y a-t-il un risque d’effondrement complet de la gauche traditionnelle en France ?

GB : Le parti euro-atlantique peut parfaitement changer de couleur comme un caméléon pour survivre au discrédit de E. Macron.

Lors de la prochaine présidentielle, un R. Glucksmann peut ainsi badigeonner l’éternel politique maastrichtienne d’un vernis vintage rocardien. Il se présentera comme de gauche, car social-démocrate, il sera tout de même un bon petit soldat de Bruxelles et de Washington.

LD : La France Insoumise traverse une période tumultueuse, notamment avec des dissensions internes et des accusations d’autoritarisme envers Jean-Luc Mélenchon. Comment voyez-vous l’avenir de ce mouvement ? Pensez-vous que LFI puisse encore se poser en force de contestation majeure, ou sommes-nous face à un début de déclin ?

GB : LFI va continuer sur sa lancée : faisant semblant d’ignorer le fossé qui se creuse entre l’imaginaire politique des banlieues réislamisées (le succès de la stratégie « à Gaza toute » en offre la preuve) et celui de la France périphérique. Cette ignorance est d’autant plus volontaire que LFI contribue à rendre cette distance symbolique et affective chaque jour plus grande et plus dangereuse sur le long terme.

L’expression quartier populaire est d’ailleurs effarante tant elle tente de camoufler l’avènement d’un nouveau peuple qui n’est pas du tout homogène d’ailleurs, mais qui est hostile au peuple historique.

Cette alter gauche Mélenchoniste me parait aussi éloignée de l’extrême gauche que R. Glucksmann de la social-démocratie.

In fine, Jean-Luc Mélenchon et ses amis se comportent comme les porteurs de valise de l’extrême-droite islamique.

LD : L’opposition politique en France semble traverser une crise de leadership et de vision. Dans ce contexte de flottement, que pourrait faire l’opposition, toutes tendances confondues, pour retrouver de la crédibilité et du poids face à Emmanuel Macron ? Existe-t-il des figures émergentes capables de fédérer une opposition solide ?

GB : L’opposition du PS ou de LR canal historique ne sont que des oppositions factices.

Entre L. Wauquiez, B. Cazeneuve, R. Glucksmann et E. Macron, il y a autant de différences qu’entre Coca et Pepsi. Cela n’a pas exactement le même goût et ce n’est pas du tout le même packaging ou la même marque, mais c’est du cola.

Ce parti central élargi, cet euro mondialisme atlantiste me fait d’ailleurs penser aux apparentements de la quatrième République. Ils sont tous unis pour empêcher toute alternative.

À l’époque, il s’agissait d’empêcher le PCF et le RPF de renverser la table. Aujourd’hui, c’est précisément le même mécanisme.

Les partis sont unis pour empêcher la France Insoumise et le RN d’arriver aux affaires.

C’est frappant de constater à quel point LFI ressemble au PCF : c’est un nouveau parti de l’étranger, simplement la Palestine a remplacé l’union soviétique et, comme son prédécesseur, son programme totalement idéologique menace les fondements de l’économie.

Le RN, comme le RPF, porte une volonté de rupture et de redressement autour des idées d’indépendance nationale et de souveraineté populaire. Une rupture raisonnable et réaliste, mais surtout une rupture rationnelle avec la politique du chien crevé au fil de l’eau qui est celle des notables. Toujours plus d’entreprises françaises rachetées, toujours plus de dette, toujours plus de produits chinois, toujours plus d’étrangers : la stratégie maastrichtienne est une stratégie de renoncement, mais c’est in fine un suicide collectif.

Nous n’avons pas de De Gaulle dans nos rangs. Car ce sont des événements exceptionnels, souvent tragiques et historiques qui forgent des statures et des caractères de cette trempe et non l’inverse.

Mais Marine Le Pen et Jordan Bardella forment un duo parfaitement complémentaire de dirigeants qui, avec le soutien de la majorité des Français, sont aptes à redresser le pays.


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