HISTOIRE MILITAIRE – Malplaquet : la bataille la plus meurtrière de son temps

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Bataille de Malplaquet
HISTOIRE MILITAIRE – Malplaquet : la bataille la plus meurtrière de son temps

Par Sylvain Ferreira

Le 11 septembre 1709, sur ce qui est aujourd’hui la frontière franco-belge au nord de Bavay, l’armée du Roi Soleil commandée par le maréchal Villars affronte les armées coalisées menées par Marlborough et Eugène de Savoie. Le choc entre les deux armées va mettre un terme à la spirale des défaites françaises depuis le début de la guerre de Succession d’Espagne démarrée huit ans auparavant. Foch comparera plus tard ce coup d’arrêt à la victoire de la Marne en septembre 1914.

Un impressionnant déploiement

En cette fin d’été 1709, les Français, qui viennent de perdre le contrôle de Tournai après un siège de deux mois et demi, s’apprêtent à défendre Mons contre les troupes coalisées. Pour cela, le maréchal Villars dispose d’environ 85 000 hommes (dont des Bavarois, des Suisses et des Irlandais) et 80 pièces d’artillerie. Marlborough et le prince Eugène de Savoie alignent quant à eux d’environ 105 000 hommes et 90 canons. Marlborough informé des intentions de Villars se porte au devant des Français pour leur barrer la route de Mons. A partir du 9 septembre, les deux armées s’installent face à face dans la trouée de Malplaquet. Le 10 septembre, la bataille aurait pu débuter, mais Villars souhaite renforcer ses positions défensives. A la fin de la journée, tout est prêt. L’armée française occupe une position s’étendant du village de La Folie au bois de Lainières, protégée par des retranchements et des redoutes, avec des fortifications au bois de Sars. Villars commande lui-même la gauche, de la Colonie dirige le centre, tandis que la droite, où Villars a placé la majeure partie de l’infanterie, est dirigée par le maréchal Louis-François de Boufflers, âgé de 67 ans, qui est supérieur à Villars en grade mais a volontairement accepté de servir sous ses ordres. L’infanterie tient une ligne continue de retranchements soutenue par l’artillerie, avec la cavalerie massée à l’arrière. Face aux Français, Le comte d’Orkney commande le centre allié, avec 8 000 fantassins majoritairement britanniques, soutenus par la majeure partie des 30 000 cavaliers placés en retrait. L’aile gauche alliée est tenue par les Néerlandais, avec 18 000 fantassins sous les ordres du prince d’Orange, ainsi que 10 000 cavaliers dirigés par le prince de Hesse-Cassel. Le commandement de cette aile est exercé par le comte Tilly, qui a succédé à Lord Overkirk en tant que commandant en chef néerlandais.

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Le choc

Le mercredi 11 septembre à 7 heures du matin, l’armée alliée se prépare à attaquer les lignes françaises sous un épais brouillard. À 8 h 30, Marlborough donne l’ordre à ses canons de tirer pour lancer l’assaut. Les 83 bataillons de l’aile droite alliée avancent vers le bois de Sars, où les Français ouvrent le feu à 50 mètres, infligeant de lourdes pertes. L’aile droite alliée perd sa cohésion sous les tirs français, tandis que le contingent de Withers parvient à pénétrer le bois sans résistance. À gauche, les troupes de Lottum, embourbées dans les marécages, sont dévastées par l’artillerie et les mousquets français. Désespérés, ils attaquent les abattis à mains nues, mais il leur faut trois heures de combats acharnés pour s’emparer d’une partie des positions françaises. Vers 9 heures du matin, le Prince d’Orange lance une attaque sur le flanc gauche allié avec ses 30 bataillons néerlandais, suisses et écossais, visant les défenses françaises le long du Bois de Lanières. Une batterie française cachée inflige de lourdes pertes aux alliés, mais les bataillons continuent d’avancer malgré le feu intense. Le Prince d’Orange, bien que son cheval soit abattu, poursuit l’assaut à pied. Environ 5 000 alliés sont touchés, mais le prince reforme ses lignes et reprend l’attaque. Finalement, les alliés se dispersent sous la concentration de feu français, perdant plus de la moitié de leurs forces, et doivent se retirer, abandonnant la ferme de Blairon aux Français. Les régiments français de Picardie et Navarre mènent alors une charge à la baïonnette, mais ils sont arrêtés par les escadrons de Hesse-Cassel et les bataillons hanovriens, qui subissent également de lourdes pertes.

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Une opportunité manquée

Les Français auraient pu obtenir la victoire avec une attaque à grande échelle sur cette partie du champ de bataille, mais le maréchal Boufflers, croyant probablement qu’il devait se limiter à défendre ses positions, reste en retrait, ratant ainsi l’occasion de porter un coup décisif. Pendant ce temps, les généraux Schulenburg et Lottum continuent leurs assauts sur le bois de Sars. À 10 heures, Schulenburg perce le côté nord du bois, forçant les Français à se replier pour établir une nouvelle ligne de défense. Cependant, Lottum n’arrive pas à pénétrer le saillant sud et subit de lourdes pertes sous le feu en enfilade des mousquets français. Deux bataillons britanniques frais sont envoyés pour renforcer le flanc gauche de Lottum. Le général Chemerault prépare douze bataillons pour attaquer ce flanc désorganisé, mais Marlborough, avec le Prince d’Auvergne et sa cavalerie, arrive et ordonne de lancer sans délai la charge. Villars, voyant le danger, annule la contre-attaque et déplace ses troupes pour soutenir la ligne française. En l’absence de contre-attaques françaises, les forces de Lottum et les nouveaux bataillons britanniques attaquent finalement la pointe sud du Bois de Sars. Les combats sont acharnés et chaotiques, avec des milliers d’hommes se battant dans un espace réduit. Les soldats, malgré la confusion et la fumée qui les enveloppent, tirent à bout portant et les officiers se mêlent aux combats.

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Marlborough intervient sur son flanc gauche

Vers 11 heures, Marlborough, rejoint par le prince Eugène, se rend sur le flanc gauche où il découvre la situation désastreuse et annule une troisième attaque du prince d’Orange contre les positions françaises. Marlborough prend conscience de son erreur de ne pas avoir mieux expliqué son plan au prince néerlandais et accepte la responsabilité du carnage. Après avoir stoppé que les attaques suicidaires lancées par le prince d’Orange et ordonné que le flanc gauche se limite à contenir les Français, Marlborough et Eugène retournent au centre pour évaluer la situation dans le Bois de Sars. À 11h30, les Alliés, qui font face à une résistance acharnée, comptent déjà de lourdes pertes. Les Français ont en effet préparé d’autres obstacles pour les contrer après la perte de leur première ligne de défense. Les bataillons et escadrons alliés peinent à dégager les bois et à menacer le flanc exposé des Français. Villars, conscient du danger, renforce sa défense en formant une seconde ligne et déplace plusieurs brigades pour soutenir son flanc gauche. Vers 12h15, Marlborough et Eugène inspectent les bois. Le prince Eugène est alors blessé mais il refuse d’être soigné. Schulenburg fait passer des canons à travers les bois pour tirer sur la cavalerie française et la contraint à se replier. Les canons alliés se concentrent ensuite sur les redoutes françaises. Schulenburg conseille alors à Marlborough de profiter de la situation pour envoyer les bataillons du centre occuper les positions françaises abandonnées. Marlborough donne l’ordre de préparer une attaque pour 13 heures avec la cavalerie en appui.

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Villars est blessé

Vers 11 heures, Villars, qui se prépare à contrer les Alliés, est gravement blessé par une balle de mousquet et doit être évacué du champ de bataille. Les généraux Albergotti et Chemerault sont également touchés, le commandement du flanc gauche français passe au général Puységur, qui, débordé, ne prend pas de mesures décisives pour inverser la situation. Les unités alliées de Withers, après avoir enfin traversé les bois, arrivent au nord-est de La Folie mais elles sont attaquées par la cavalerie française du général de Rozel et doivent se retirer dans les bois. À 13 heures, les escadrons alliés appuient l’infanterie et commencent à se déverser autour des redoutes françaises. C’est alors que les vingt escadrons néerlandais du général Auvergne sont chargés par la cavalerie d’élite française, mais le feu des fantassins alliés arrête les Français. Boufflers relance plusieurs charges de cavalerie mais elles sont repoussées. En effet, le prince Eugène dirige alors une grande masse de cavalerie alliée qui contraint Boufflers à se concentrer sur la défense de la plaine autour de Malplaquet. Sur le flanc gauche, Puységur se replie vers Quiévrain, laissant les Alliés épuisés incapables de le poursuivre. À droite, le prince d’Orange s’avance et fait face à la faible résistance des troupes du général d’Artagnan qui se retire en bon ordre. A 15 heures Boufflers ordonne la retraite de l’armée française en direction du Quesnoy, ce qui met fin à la bataille. Le champ de bataille est couvert de morts et de blessés. Bien maîtres du terrain au soir de la bataille, les Alliés ont subi de telles pertes qu’ils ne peuvent poursuivre l’armée française. C’est donc une victoire stratégique française. Villars, qui survit à sa blessure, informe Louis XIV en ces termes : « Si Dieu nous fait la grâce de perdre encore une pareille bataille, Votre Majesté peut compter que ses ennemis sont détruits ». 

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Le bilan d’un carnage

L’évaluation des pertes alliées oscille entre 21 000 et 25 000 hommes tués ou blessés, dont 8 462 pour la seule infanterie néerlandaise. Certaines sources évoquent des pertes entre 15 000 à 30 000 hommes. Les pertes françaises sont moins bien définies, mais elles sont généralement évaluées entre 11 000 et 14 000 hommes. D’autres estimations suggèrent un minimum de 7 000 hommes jusqu’à un maximum de 17 000 tués ou blessés, plus 500 prisonniers. Le bilan moyen cumulé dépasse donc les 30 000 pertes en une seule journée de combat[1]. Malplaquet devient donc, à l’époque, la bataille la plus meurtrière de l’histoire. Il faudra attendre les guerres napoléoniennes pour qu’un carnage d’une telle ampleur soit dépassé à Borodino les 7 et 8 septembre 1812.


[1]   Falkner, James, James Falkner’s Guide to Marlborough’s Battlefields, Pen&Sword, 2008, pp. 206-207


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