Par Sylvain Ferreira
Le 10 septembre dernier, soit un peu plus d’un mois après le début de l’offensive spectaculaire de l’armée ukrainienne dans l’oblast de Koursk, les forces armées russes ont déclenché une contre-attaque contre le saillant formé par la pénétration ukrainienne. En dix jours, les Russes ont repris plusieurs localités et menacent désormais d’encercler les formations ukrainiennes présentes dans le saillant.
Après le safari, l’attaque
Le 10 septembre, les Russes ont donc frappé le flanc gauche des forces ukrainiennes dans l’oblast de Koursk, les chassant de Korenevo et rétablissant la connexion terrestre avec la partie sud du district de Glushkovo qui précédemment n’était accessible qu’en traversant la rivière Seim dont les ponts étaient systématiquement détruits par les Ukrainiens. Au cours des jours suivants, les Russes ont repris le contrôle d’environ 20 % du territoire saisi par les forces ukrainiennes depuis le 6 août et ils s’approchent désormais de leur principale ligne de communication principale : la route R200 qui relie Soumy à Soudja. Le 11 septembre, les Ukrainiens ont lancé une contre-attaque, pénétrant en territoire russe en direction de Glushkovo, probablement avec l’intention de prendre les troupes russes attaquantes à revers. Jusqu’à présent, cependant, ils n’ont pas réussi, et les combats se sont arrêtés dans la région du village de Veseloye, situé à 3 km seulement de la frontière. Depuis quelques jours, les forces russes ont également débuté des attaques dans le secteur au sud-est de Soudja. Elles sont parvenues à s’emparer des premières lignes ukrainiennes, notamment dans le district de Belaya. Le 16 septembre, le renseignement militaire ukrainien (GUR) estimait la taille du groupe russe dans la région de Koursk à 38 000 soldats[1] soit quasiment autant que l’effectif engagé par les Ukrainiens dans leur offensive. Il faut rappeler qu’aucune unité d’importance engagée par l’armée russe dans la zone ne provient du front du Donbass mais principalement des unités stationnées dans l’oblast de Belgorod ou des réserves stratégiques russes. Dans le même temps, plusieurs canaux OSINT évoquent plus de 15 000 pertes (tués, blessés, prisonniers, disparus) côté ukrainien depuis le 6 août. Cela confirmerait la supériorité numérique russe dans la zone qui leur a permis de reprendre l’initiative. Par ailleurs, il faut rappeler que sur le plan matériel et notamment en ce qui concerne l’appui feu (artillerie et aviation), les Russes disposent de moyens bien plus importants que les Ukrainiens qui ont perdu beaucoup de matériels depuis le 6 août : plus de 80 chars, au moins 400 véhicules blindés de tout type et plusieurs dizaines de pièces d’artillerie dont des HIMARS déployés dans l’oblast de Soumy.
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Se replier ou tenir ?
Aujourd’hui, le généralissime ukrainien Syrski se retrouve face à un nouveau choix cornélien. Soit il tente encore les attaques infructueuses sur le flanc sud de l’attaque russe dans le secteur de Veseloye en espérant ralentir voire arrêter les assauts russes vers l’est, soit il retire rapidement les unités présentes dans le saillant pour éviter qu’elles se retrouvent encercler opérationnellement par les deux pinces que forment désormais les attaques russes à la base du saillant. La R200 n’est plus qu’à 15 kilomètres des premières russes à l’est comme à l’ouest et la menace sur cet axe vital pour la logistique ukrainienne peut s’accroître rapidement à mesure de la progression quotidienne des forces russes. Cependant, au-delà des simples considérations militaires, il est clair que pour des questions politiques les soldats ukrainiens soient contraints de rester dans cette zone encore plusieurs jours voire semaine pour que, médiatiquement, Kiev et ses maîtres puissent revendiquer qu’ils occupent le territoire russe et narguent ainsi le Kremlin. Cette option a déjà fait florès à de nombreuses reprises mais elle a coûté extrêmement cher à l’armée ukrainienne tant en hommes qu’en matériels. La défaite d’Avdiivka en février dernier l’a encore démontrée[2].
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Le succès de la stratégie russe
Par ailleurs, l’échec militaire de l’offensive ukrainienne dans la zone qui n’a pas provoqué le redéploiement des forces russes engagées dans le Donbass n’a donc pas ralenti les progrès russes dans cette région. En effet, depuis le 6 août dernier, les Russes ne cessent de gagner du terrain et s’emparent chaque semaine de nouvelles localités que les Ukrainiens n’ont plus les moyens de défendre. L’emploi massif de bombes guidées FAB-3000 de 3 tonnes par l’aviation russe (VKS) interdit désormais aux Ukrainiens de se retrancher dans les bâtiments d’importance au risque d’être pulvérisés par une seule de ces bombes. Les rares contre-attaques locales lancées pour permettre le repli de telle ou telle unités n’aboutit à rien sur le plan opératif. De Koupiansk à Ougledar, les Russes ne cessent de lancer des attaques locales pour fixer les défenseurs tandis qu’ils maintiennent leur effort principal dans le secteur de Pokrovsk où ils menacent d’encercler les éléments de 4 brigades ukrainiennes encore déployées à l’est de la ligne Ukrainsk – Kurakhivka. Là encore, les Ukrainiens s’accrochent sur des positions qui n’ont aucune valeur, même médiatique, pour aucun effet opératif et laissent beaucoup de monde sur le terrain. Cette fin d’été 2024 consacre probablement la fin des capacités offensives de l’armée ukrainienne et le succès de l’approche russe d’une guerre d’attrition en limitant ses propres pertes grâce à une supériorité quasi constante des feux depuis l’automne 2022 sur la quasi-totalité du front.
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[1] https://www.twz.com/news-features/38000-russian-troops-committed-to-kursk-counteroffensive-report
[2] https://lediplomate.media/2024/02/la-victoire-davdiivka/sylvain-ferreira/monde/
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