Par Alexandre Aoun
L’attaque sans précédent du Hamas dans les kibboutzim israéliens a plongé la région dans l’incertitude et le chaos. La cause palestinienne est redevenue centrale aux yeux des peuples et Israël s’est auto-marginalisé de la communauté internationale. Retour sur les causes et conséquences d’un évènement qui a changé le cours de l’Histoire.
Tout n’a pas débuté le 7 octobre. La situation à Gaza et dans les territoires occupés était désastreuse pour les Palestiniens depuis plusieurs années sans perspective d’amélioration. L’année 2022 fut la plus meurtrière en Cisjordanie depuis la seconde intifada avec de surcroît une colonisation rampante, des provocations de certains ministres du gouvernement de Netanyahu et une militarisation des colons. Face à ce constat, la communauté internationale a les yeux rivés sur l’Ukraine et l’Autorité palestinienne est de plus en plus impopulaire pour répondre aux attentes du peuple palestinien.
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Israël savait pour le 7 octobre
Dans le sillage de cette gangrène, le Hamas et le Djihad islamique, les deux partis islamistes gazaouis proches de Téhéran, s’activent au vu et au su des autorités israéliennes qui sont focalisés par la crise qui se profile dans les territoires occupés. Des renforts sont déplacés de Gaza à la Cisjordanie. Le 7 octobre au matin, les miliciens du Hamas, leurs alliés du Djihad islamique et plusieurs centaines de civils parfois armés franchissent à divers endroits et sans difficulté la clôture de sécurité entourant Gaza. Dans une attaque à la fois erratique et organisée, les combattants palestiniens arrivent à s’introduire dans les différents kibboutzim environnants et atteindre même le lieu du festival Nova à quelques kilomètres seulement dans l’enclave gazaouie. Cette attaque sans précédent prend tout le monde de court et permet aux miliciens de kidnapper 251 personnes, soldats et civils.
Dans la précipitation et pour éviter un trop grand nombre d’otages, l’armée israélienne applique la directive Hannibal qui consiste en la limitation ad extremum du risque de prise d’otage par tous les moyens possibles, et donc même au péril de ces derniers. Cette doctrine a été conçue durant les années 1980, en plein conflit avec le Hezbollah. Elle ne se base sur aucun texte officiel et a été créée afin d’éviter les échanges onéreux de captifs entre Israël et ses ennemis. Bilan de l’attaque, environ 1200 personnes tuées dont une majorité de civils.
Cette offensive sans précédent a belle et bien été pensée et préparée pendant des mois avec l’appui extérieur de conseillers iraniens et même du Hezbollah. Les autorités israéliennes avaient eu écho de la programmation de cette attaque. Des cadres de l’armée et des renseignements étaient en possession d’un plan de bataille de 40 pages, nom de code « Mur de Jéricho », qui détaillait une attaque hypothétique du Hamas contre les communautés du sud d’Israël.
La même journée du 7 octobre, l’aviation israélienne a commencé à pilonner la bande de Gaza. Cette campagne de bombardements intensifs vise à pousser les habitants à fuir vers le sud de l’enclave pour préparer le début d’une incursion terrestre. Dans cette province de 360 km2, plus de 2 millions d’habitants habitent dans une zone ultra-urbanisée. Après trois semaines de raids, Tsahal lance son opération terrestre le 27 octobre visant à couper les voies de communication pour diviser les bataillons du Hamas. Les habitants tentent en vain de fuir dans des zones « sûres » pour éviter les bombardements, mais la situation s’empire. Les organisations humanitaires alertent sur les conséquences sanitaires en raison du manque de soins et de nourriture pour toute une population.
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Le Hamas de plus en plus populaire
Compte tenu de la situation dans la bande de Gaza, des pressions internationales et des nombreuses négociations entre les médiateurs qataris, égyptiens et américains, une première trêve est trouvée entre les deux belligérants du 24 novembre 2023 au 30 novembre 2023. Grâce à cet accord, 50 otages israéliens détenus à Gaza et 150 prisonniers palestiniens d’Israël sont libérés, tout en autorisant l’entrée davantage d’aide humanitaire à Gaza.
La guerre continue et divise le monde. L’Occident peine de plus en plus à afficher un soutien inconditionnel à l’Etat hébreu. Même les Etats-Unis sont mis en porte à faux dans ce conflit. Les démocrates poussent de plus en plus pour arriver à un cessez-le-feu, tout en continuant d’armer son allié au Proche-Orient. Le reste du monde condamne les actions militaires de Tsahal, certains pays renvoient des ambassadeurs, arrêtent la vente d’armes et cessent tout commerce avec l’Etat hébreu. Ce conflit a également mis entre parenthèses le processus de normalisation des pays arabes avec Israël initié par l’administration Trump en 2020. L’Arabie saoudite, qui était sur le point de pacifier ses relations Tel-Aviv avant le 7 octobre, a décidé d’interrompre les négociations sur ce dossier, tout en sachant que la grande majorité de la société civile saoudienne refuse toute forme de normalisation.
Bien que défait militairement, le Hamas a réussi à remettre la cause palestinienne au cœur de l’actualité, sans pour autant insuffler un vent de révoltes et de changements auprès des décideurs politiques. Le soutien est venu des opinions publiques du monde entier, y compris en occident avec de nombreux rassemblements dans les facultés. En un an de conflit, l’armée israélienne a éliminé les principaux cadres du Hamas dont Ismaël Haniyeh, Saleh el-Arouri, Mohamed Deif et plusieurs hauts gradés des brigades al-Qassem, mais n’a pas réussi à vaincre le parti islamiste ni même à récupérer les 96 otages encore restants dans la bande de Gaza. L’armée israélienne ne peut vaincre une idéologie enracinée au sein de la population, elle la renforce et l’alimente au gré des bombardements, des victimes civiles et des innombrables dégâts et des nombreux exodes. Le Hamas n’a jamais été autant populaire qu’aujourd’hui. D’ailleurs, la Cisjordanie est en passe de devenir un point d’ancrage pour le parti islamiste qui dispose déjà de nombreuses cellules.
Après 365 jours de conflit, le ministère de la Santé de Gaza, affilié au Hamas, a recensé 41 825 morts. Mais selon la revue médicale britannique The Lancet, avec les victimes indirectes faute de soins, la guerre à Gaza a pu faire près de 200 000 morts.
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Miser sur les fonds de Riyad et d’Abou Dhabi
Ce conflit localisé dans l’enclave palestinienne s’est peu à peu régionalisé avec l’intervention du Hezbollah dès le 8 octobre. Le parti chiite a lancé des roquettes et drones sur le nord d’Israël, poussant près de 80 000 habitants à fuir leurs habitations. Les deux ennemis frontaliers ont maintenu un certain équilibre de la dissuasion en limitant dans un premier temps leurs frappes à une distance de 5 kilomètres. Les rebelles yéménites sont également intervenus dès le 19 octobre en ciblant les navires commerciaux à destination des ports israéliens. Avec ses nombreuses opérations dans le détroit de Bab el-Mandeb et en mer Rouge, les Houthis ont perturbé le commerce international et les activités du port d’Eilat. Moins réguliers, des drones sont également tirés depuis l’Irak.
Cette confrontation à distance entre l’Iran et l’Etat hébreu se joue sur différents fronts, du Liban à la Cisjordanie en passant par Gaza et la Syrie. Téhéran se sert de « l’axe de la résistance » pour maintenir sa capacité de nuisance contre les intérêts américains et israéliens dans la région. Malgré les tirs de missiles iraniens sur l’Etat hébreu en avril et dans la nuit du 1er au 2 octobre, une confrontation directe entre les deux Etats est peu probable. Israël va assurément répondre pour laver l’affront mais Téhéran n’a pas les capacités militaires de s’opposer l’armée israélienne qui sera soutenu par Washington.
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Faute d’objectif politique clair, l’administration de Benjamin Netanyahou refuse catégoriquement un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et s’est lancée depuis le 23 septembre dernier dans une campagne de bombardements sans relâche sur les positions du Hezbollah. Dans la nuit du 30 au 1er octobre, l’armée israélienne a commencé son intervention terrestre au Liban pour créer une zone tampon jusqu’au fleuve Litani qui se trouve à 40 kilomètres de la frontière. En l’espace de deux semaines, le conflit face à la milice chiite libanaise a déjà fait plus d’un million de déplacés, de nombreuses pertes civiles et entraîne le pays du Cèdre vers un chaos abyssal. L’intervention terrestre risque d’être longue et coûteuse en hommes pour Tsahal. Dans une stratégie du faible au fort, les combattants du Hezbollah sont rompus aux guérillas urbaines.
Depuis un an, Israël n’a pas atteint ses objectifs militaires, ni à Gaza ni au Liban. Toutefois, Benjamin Netanyahou mise sur une participation arabe, notamment des Emirats arabes unis et de l’Arabie saoudite pour financer la reconstruction de Gaza et poser les bases d’une nouvelle gouvernance inféodée à l’Etat hébreu. Le Premier ministre israélien s’entête à miser sur la continuité du conflit, mais sans engagement concret en faveur du peuple palestinien avec le respect de leurs droits, les germes d’un nouveau conflit seront toujours présents au Moyen-Orient.
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