
Par Philippe Pulice
Nicolas Vidal, fondateur de Putsch Media, est un acteur incontournable de l’information indépendante. Animateur de Putsch Live, une émission YouTube suivie par 142 000 abonnés, il s’affirme comme une voix influente dans le paysage médiatique. Son dernier livre, Lettre aux autruches et aux tubes digestifs, vient d’être publié chez Putsch. En parallèle, Nicolas est matinalier chez Tocsin et chroniqueur pour Le Banquet ainsi que pour d’autres médias, ce qui lui permet de contribuer largement au débat public.
Propos recueillis par Philippe Pulice
Le Diplomate : En France, les grands médias mainstream semblent suivre la même ligne éditoriale, donnant l’impression d’une uniformité de pensée. Paradoxalement, ils se targuent tous de promouvoir le pluralisme des idées. N’est-ce pas le signe d’une pensée dominante qui tente de s’imposer comme unique ?
Nicolas Vidal : Depuis plusieurs années, une endogamie règne dans les grands médias, et elle ne cesse de s’intensifier dans l’espoir de créer ce que l’on appelle aujourd’hui un narratif officiel. Et ce narratif doit être enfoncé par la force dans le crâne des gens pour tenter de leur faire croire à une réalité parallèle dictée par les pouvoirs en place, avec plus d’intensité depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir.
En réalité, de nombreux éditorialistes, chroniqueurs stars et patrons de presse font partie d’une endogamie savamment élaborée par la caste. Ainsi, il existe un réflexe de caste à se protéger, à s’entraider et donc à défendre la même idéologie : mondialiste, fédéraliste, faussement humaniste et dont le dénominateur commun est la haine du peuple d’en bas, des petites gens et des Français oubliés dans la France périphérique, et surtout rurale.
De plus, cette pensée unique est un marqueur effrayant d’une « élite » qui a tellement perdu sur le plan intellectuel qu’elle n’a plus les moyens de s’imposer dans le débat d’idées. Et lorsque votre capacité à être intelligent est cruellement limitée (car ces élites n’ont pas échappé à l’abrutissement généralisé qu’elles ont savamment élaboré notamment à travers la destruction de l’Éducation nationale), il ne vous reste plus que la coercition et la propagande pour imposer vos idées, poussés par un puissant mépris de classe, qui, à ce stade, est devenu une véritable névrose.
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LD : Les médias alternatifs permettent d’offrir un espace de liberté à ceux qui soutiennent des points de vue que l’on n’entend jamais dans les médias mainstream. Pensez-vous que de plus en plus de personnes se tournent vers ces médias pour accéder à des informations qu’ils ne trouvent nulle part ailleurs ?
NV : Il apparaît clairement que nos communautés se renforcent considérablement chaque semaine. Beaucoup de gens se détournent des médias mainstream et tentent de trouver de nouveaux canaux d’informations. A la faveur des crises comme les Gilets Jaunes, la crise sanitaire et l’effondrement total du pays dont aucun fondement n’est épargné, de nombreux Français ont fait le constat simple que le narratif des médias mainstream ne correspond en rien à la réalité qu’ils vivent. Entre mensonges, trahisons, théâtre politique, opposition d’opérette, paupérisation fulgurante et fin de la démocratie, beaucoup commencent à faire le lien entre une existence considérablement dégradée et une direction politique qui ne protège en rien leurs intérêts. La France est une nation qui ne se laissera pas mourir aussi facilement que le pense la caste. Beaucoup ont aussi compris que leurs représentants politiques ne représentent en réalité qu’eux-mêmes, et qu’une grande majorité d’entre eux se moque éperdument de la souveraineté populaire qui est devenue un frein à leurs ambitions et à leurs carrières.
La sécession des élites a mécaniquement engendré une sécession du peuple, qui est en train d’enterrer, avec une certaine forme de légitimité, le contrat social censé lier et rassembler le peuple autour d’un destin commun. Cette sécession du peuple se manifeste également par le fait que de nombreux Français découvrent chaque jour de nouveaux médias, comme Putsch, sur les réseaux sociaux, vers lesquels ils se tournent en fonction de leur sensibilité. Cependant, force est de constater que plus ce basculement s’amplifie, plus la censure s’intensifie.
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LD : On a l’impression qu’une fracture profonde s’est créée entre ceux qui suivent uniquement les médias mainstream, et ceux qui regardent en complément les médias alternatifs. Ne pensez-vous pas qu’il s’est formé deux « mondes » parallèles qui ne se comprennent plus, ne se parlent plus, et, pire encore, se détestent ?
NV : Très sincèrement, j’ai la faiblesse de penser que les médias mainstream jouent le rôle d’un animal de compagnie dans un foyer. Des images, des éclats de voix, la lumière d’un écran et quelques reportages donnent l’illusion d’une présence. Mais je doute que beaucoup de Français concentrent l’essentiel de leur attention sur ces médias au point de ne rien faire d’autre en parallèle. De plus, la ligne éditoriale de ces médias n’incite ni à une réflexion de fond, ni à un débat contradictoire, lesquels nécessiteraient une attention soutenue. Il existe, de toute évidence, deux mondes parallèles : celui des médias de masse et celui des médias indépendants. Chacun évolue dans son propre univers, avec des publics bien distincts. Les médias mainstream, bouleversés par l’émergence de plateformes comme la nôtre depuis quelques années, ont eu du mal à comprendre notre ascension fulgurante, amplifiée par des audiences impressionnantes au regard de nos moyens limités. La seule réaction de certains d’entre eux a été de mettre en place des services de fact checking pour tenter de discréditer notre travail. Mais ce fut, il faut bien le dire, un échec retentissant. Ils ne parviennent pas à saisir que l’endogamie dont ils sont prisonniers, ainsi que le monde qu’ils protègent, sont trop déconnectés de la réalité pour permettre une analyse pertinente de la situation. Alors il ne leur reste que le dénigrement, l’invisibilisation et le mépris pour tenter de contenir cet univers médiatique souterrain qui les inquiète.
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LD : Vous invitez sur votre chaîne des personnes dont les propos sont clairement en décalage avec le discours ambiant. D’une certaine manière, vous et votre chaîne êtes marqués « du fer de la dissidence ». Assumez-vous totalement cette dissidence, et comment la vivez-vous ?
NV : Je ne fais que mon travail de journaliste en invitant des voix discordantes dans mon émission, sur Putsch.Media ou dans la matinale Tocsin. Il me semble que notre rôle, dans un pays aussi dégradé intellectuellement, réside principalement dans le fait de donner la possibilité à des voix étouffées de s’exprimer. Il ne faut pas perdre de vue que plus nos communautés sont nombreuses, plus notre responsabilité l’est également. Ainsi, je consacre beaucoup de temps à chercher des voix nouvelles, méconnues, mais suffisamment structurées et intéressantes pour les proposer à mes lecteurs et à mes téléspectateurs. C’est un travail titanesque, réalisé avec des moyens limités. Mais je crois que c’est là le cœur battant d’un média indépendant. Et je vous assure que je vis très bien avec cette ligne de conduite, qui est personnellement passionnante. Chercher, creuser, dénicher et donner la parole à des voix qui ne l’ont pas. D’ailleurs, depuis plusieurs mois, j’ai retrouvé bon nombre de mes invités sur certains grands médias. Comme quoi, notre travail n’est pas complètement confidentiel lorsque des chaînes de télévision viennent nous piquer des invités qu’elles n’auraient jamais eu ni la curiosité ni le courage d’inviter s’ils n’étaient pas passés chez moi, alors que leurs équipes de programmation sont pourtant pléthoriques.
LD : Les actes de censure, ou de tentative de censure, se multiplient dans de nombreux pays occidentaux, sous couvert de la défense de la démocratie. Soutenez-vous l’idée que la liberté d’expression est de plus en plus menacée ? Avez-vous fait vous-même l’objet de pressions particulières ?
NV : Clairement, depuis 2007, date à laquelle j’ai fondé mon premier média, la liberté d’expression et celle d’informer ont connu des reculs absolument effrayants. J’ai ressenti un changement très fort dès le début des Gilets Jaunes. À ce moment-là, il était clairement évident que donner la parole aux Gilets Jaunes, sans les humilier, ni les stigmatiser, devenait un véritable problème pour le pouvoir en place. Ces gens se sont arrangés pour nous le faire savoir… Puis, il y a eu une accélération considérable avec la crise sanitaire. En réalité, la caste a pour seul projet de faire taire les voix dissidentes et d’excommunier les « cerveaux malades » qui pourraient « contaminer » d’autres citoyens, les incitant à s’émanciper de la propagande et de la doxa. Voilà le véritable danger pour cette caste dirigeante, qui déteste plus que tout au monde la démocratie, vivifiée par des citoyens émancipés, instruits et cultivés, qui n’hésiteront pas à contester le pouvoir en place. Car aujourd’hui, la fable de la grande presse indépendante et de l’opposition politique, censée nous protéger des abus du pouvoir, est devenue un énorme mensonge. Il faut que tout change pour que rien ne change, au mépris de l’intérêt général, de notre avenir commun, de la démocratie et de la souveraineté populaire.
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LD : Le corollaire de la pensée unique, c’est la diabolisation. Les médias alternatifs sont régulièrement la cible de campagnes de dénigrement qui renforcent l’idée, chez ceux qui ne s’informent qu’à travers les médias mainstream, de ne surtout pas explorer les médias alternatifs. Que diriez-vous à ceux qui exècrent ces médias sans les connaître véritablement ?
NV : La diabolisation a toujours été utilisée avec force dans les pays totalitaires, ou du moins dans des pays ayant une conception pour le moins étrange de la démocratie. La caste médiatique n’a absolument rien inventé, à part peut-être les fact-checkers sous cette forme aussi déplorable. Je ne suis pas persuadé que les médias mainstream aient autant d’influence sur leur public pour les inciter à nous clouer au pilori et à nous dénigrer. L’entreprise de diabolisation existe clairement, mais elle est totalement inutile. Il n’y a qu’à voir la taille de nos communautés, qui s’agrandissent de jour en jour. Car en réalité, le seul juge de paix des médias, c’est le citoyen, qui est amené à trancher.
LD : Le titre de votre dernier livre, Lettre aux autruches et aux tubes digestifs, est évocateur ! Entre le poids du conformisme, la soumission à l’autorité et le règne de l’individualisme, pensez-vous qu’il est encore possible d’espérer un sursaut collectif pour sortir d’un système qui broie progressivement l’esprit critique et le libre arbitre ?
NV : La France est une nation qui refuse de se laisser mourir. Il est certain qu’une grande minorité de Français est bien consciente que le pays est en train d’être dépouillé et saccagé par une caste qui n’a d’horizon que le mondialisme et le marché roi, ainsi que la soumission des masses. Comme je le disais plus haut, à la faveur des crises, de plus en plus de gens comprennent l’effroyable avenir qui est le nôtre si nous laissons faire ces gens. Sans compter que nous vivons une impasse démocratique dans laquelle aucune opposition ne se distingue, si ce n’est par son obsession pour son seul avenir politique.
Lorsque le peuple n’a plus aucune incarnation politique à qui se fier et qui pourrait changer les choses, les coagulations populaires prennent forme, hors des appareils politiques et des syndicats, qui sont devenus de simples organisateurs de marches digestives colorées où les baraques à frites et les calicots donnent un sentiment de kermesse. Il ne faut également pas perdre de vue que l’Histoire se fait uniquement avec des minorités agissantes. Je le répète inlassablement lors de mes conférences : penser qu’une grande majorité de Français est prête à se soulever est absolument inconcevable. Cette grande majorité ne fera que suivre le courant historique de la nation et ne souhaitera jamais prendre part à une chrysalide démocratique. Ils y seront contraints. Néanmoins, j’ai constaté que depuis les Gilets Jaunes, une incroyable volonté de se réapproprier les connaissances et la compréhension du monde dans lequel nous vivons s’est manifestée, accompagnée d’une fureur tenace de changer les choses. Voilà le plus bel espoir de ce peuple, et en ce sens, les Gilets Jaunes ont marqué un tournant majeur dans la prise de conscience populaire, tandis que les élites continuent, à ce jour, de nier ce basculement. Cet aveuglement leur sera fatal, car la sécession du peuple a plus de panache et de force que la sécession d’une élite abâtardie.
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