Par Olivier d’Auzon
Une France « au point de bascule » face au narcotrafic. Après plusieurs fusillades mortelles liées aux trafics de drogue, Bruno Retailleau a averti que la France se trouve à un « point de bascule », menacée par une « mexicanisation » de la criminalité, terme utilisé pour désigner l’emprise croissante du crime organisé sur certaines régions, comme au Mexique. Bruno Retailleau, le Ministre de l’intérieur a promis une « guerre sans merci » contre ce phénomène, dont les revenus annuels en France sont estimés entre 3,5 et 6 milliards d’euros. Tandis que Didier Migaud le Ministre de la justice, partageant le même constat, a appelé à une « réponse très ferme de l’État » pour contrer cette crise sécuritaire.
Ces préoccupations ont également été discutées lors d’une consultation avec le Premier ministre Michel Barnier. Ce dernier a ensuite appelé sur le réseau X à une « mobilisation générale contre la criminalité organisée », affirmant que celle-ci représente désormais « une menace pour les intérêts fondamentaux de la Nation ». Ce ton alarmiste reflète l’inquiétude croissante face à l’ampleur et à la violence des réseaux de narcotrafic en France, ainsi que leur influence sur le territoire.
Dans le même temps, l’Espagne, qui fait face à ses propres défis en matière de narcotrafic, a récemment repris la place de principal point d’entrée de la cocaïne en Europe. En octobre 2024, une saisie record de 13 tonnes de cocaïne a été réalisée au port d’Algésiras, dans le sud du pays, confirmant son rôle central dans l’acheminement de la drogue en Europe.
Cette cargaison, en provenance d’Équateur, est la plus importante jamais interceptée dans l’histoire de l’Espagne, dépassant les 9,5 tonnes saisies au même port en août 2023.
Selon Miguel Angel Ramos, secrétaire général de l’Association Unifiée des Gardes Civils (AUGC) à Cadix, « beaucoup de cocaïne est saisie au port d’Algésiras, mais une grande partie continue de passer ». Cette affirmation souligne l’ampleur des trafics malgré les efforts des autorités. En raison de sa proximité culturelle et linguistique avec l’Amérique latine, l’Espagne a historiquement servi de base européenne pour le crime organisé latino-américain, facilitant les connexions entre trafiquants colombiens et réseaux espagnols à partir des années 1980.
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Les opérations transnationales illustrent la complexité de ces réseaux
Bien que les saisies de drogue en Espagne aient diminué à partir de 2018, indiquant un déclin temporaire du rôle du pays comme porte d’entrée, la situation a changé en 2023. Une surproduction de cocaïne en Amérique du Sud a entraîné une explosion des volumes de saisie en Europe, replaçant l’Espagne en tête avec un total de 142 tonnes interceptées, surpassant la Belgique et les Pays-Bas.
L’augmentation de la vigilance dans les ports d’Anvers et de Rotterdam a forcé les réseaux de narcotrafic à repenser leurs routes et à revenir vers l’Espagne, qui demeure attractive grâce à sa diversité d’options logistiques : voiliers, conteneurs, semi-submersibles, avions, et bateaux accédant facilement aux côtes espagnoles. Les trafiquants, selon Miguel Angel Ramos Ramos, « ne cessent de se réinventer » pour s’adapter aux nouvelles conditions de sécurité.
Les opérations transnationales illustrent la complexité de ces réseaux. En février 2024, une coopération entre les forces de l’ordre espagnoles et équatoriennes a permis l’arrestation de 31 membres présumés d’un réseau de trafic de drogue dirigé par l’Albanais Dritan Gjika, basé à Guayaquil, et son partenaire italo-argentin Mario Sanchez Rinaldi, établi à Marbella. Ce lien entre l’Amérique latine et l’Espagne souligne assurément le rôle stratégique du pays en tant que carrefour de la cocaïne en Europe.
Alors que la France se mobilise face à l’expansion des réseaux de narcotrafic sur son territoire, l’Espagne, malgré des opérations massives de saisie, continue de faire face à des défis similaires, l’obligeant à adapter constamment sa stratégie pour lutter contre l’influence du crime organisé.
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