TRIBUNE – Une Justice politique ?

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Marine Le Pen inéligibilité
Montage Le Diplomate

Par Catherine Massaut, ancienne magistrate

Marine Le Pen pourra-t-elle être candidate à l’élection présidentielle de 2027 ? 

La question se pose ce jeudi 14 novembre, au lendemain, des réquisitions du parquet, dans le procès des assistants parlementaires du rassemblement national.

Les procureurs ont requis une peine de 5 ans d’emprisonnement dont 3 assortis du sursis, la peine complémentaire d’inéligibilité de 5 années avec exécution provisoire et 300.000 euros d’amende à l’encontre Marine Le Pen, accusée d’avoir détourné 4 millions et demi de fonds du parlement européen – donc des fonds publics puisqu’en partie français- au profit de son propre parti. 

Certains de ses assistants européens auraient en réalité travaillé pour son parti, à l’époque en difficulté financière. 

Mais ce qui chagrine le plus la députée du RN – FN à l’époque des faits – est la peine complémentaire d’inéligibilité assortie de l’EP pendant 5 ans requise par les procureurs.

MLP est tombée dans le piège de l’inéligibilité obligatoire.

Ce qui signifie que MLP n’a pas la possibilité de se présenter à une élection même en cas d’appel lequel n’est pas suspensif. 

Mais entendons-nous bien : La peine est REQUISE … pas encore prononcée… 

Paradoxe incontournable : 

La loi – votée par les parlementaires – prévoit la peine complémentaire d’inéligibilité avec EP depuis le traumatisme politique engendré par l’affaire “CAHUZAC”. 

Le juge doit appliquer la loi et pour ce faire use de la marge de souveraineté dont il dispose concernant notamment ” la personnalité de la peine ” soit la situation du prévenu(e). Il peut ne pas appliquer l’EP requise par décision motivée. 

Faisons-nous l’avocat du diable : peut-on confier les finances de l’État à un(e) prétendant(e) à la présidence de la République dont le casier judiciaire comporte une condamnation pour détournement de fonds publics d’un montant aussi élevé ? 

Pour autant, le juge est tenu, dans le cadre de ses fonctions, d’un devoir de réserve afin de préserver au mieux la neutralité de sa prise de décision. 

Le juge ne se substitue pas au pouvoir politique, bien évidemment. 

SAUF QUE : 

Selon l’avocat de la défense, l’un des deux procureurs en charge de l’accusation contre un co- prévenu aurait dit : « je n’ai aucun élément, mais je ne peux demander la relaxe partielle. Ça me fait mal …Je m’en rapporte à la décision du tribunal » … 

Ça lui ferait mal où ? 

Ce n’est pas du droit, c’est de la morale, et cette morale bien-pensante, c’est la récusation de la présomption d’innocence, c’est la volonté de faire litière du deuxième degré de juridiction, devenu inopérant du fait de l’exécution provisoire sollicitée. 

Ambiance… de désintégration judiciaire annoncée d’un parti politique honni par l’arc républicain des belles âmes … 

Victor Hugo disait : « la forme c’est le fond qui remonte à la surface ». Pourquoi ? 

“L’idée, c’est le style ; le style, c’est l’idée. Essayez d’arracher le mot, c’est la pensée que vous emportez. […] L’idée sans le mot, serait une abstraction ; le mot sans l’idée, serait un bruit ; leur jonction est leur vie. Le poète ne peut les concevoir distincts…” (proses philosophiques 1860–1865 : utilité du Beau).

À lire aussi : Élections – La France face au défi du vote : beaucoup de bruit pour rien ?(S’ouvre dans un nouvel onglet)

Un procureur… oui. 

Un procureur doit demeurer objectif, s’en tenir aux faits et à leur qualification, en tenant compte de la particularité du parcours du prévenu : c’est le principe de la personnalité des peines. 

Au cas particulier, « le pilori a remplacé le parquet. On est dans le règlement de compte. (cf. Philippe de Villiers, « Mémoricide”, p. 217 , Fayard). 

Avec Michel Onfray, interviewé par Laurence Ferrari sur CNews, l’auteur de ces lignes considère que ces réquisitions sont “une peine de mort politique, une justice de classe, une justice vichyste, une justice de Staline…”, en d’autres termes, il s’agit d’une justice idéologique.

Et ce d’autant que dans une affaire strictement similaire, qui concernait l’UDF puis le MODEM, le tribunal correctionnel de Paris, dans un jugement du 5 février 2024, a relaxé François Bayrou, au bénéfice du doute. 

Ce n’est pas la première fois que l’institution judiciaire se montre sous son vrai jour politique ( de gauche bien évidemment et soumise au pouvoir de l’exécutif) ainsi qu’en témoigne la condamnation vénielle ( 500 € d’amende) de Françoise Martes, ex-présidente du Syndicat de la Magistrature lors de l’affaire “du mur des cons” et surtout “l’affaire Fillon” dont l’envol lors de l’élection présidentielle de 2017 fut brusquement suspendu par un parquet financier d’une vélocité inédite pour faire chuter l’homme politique conservateur – grand favori des français – et ainsi, faciliter l’accession de E. Macron au pouvoir suprême. 

En aucun cas, le prétoire ne doit devenir la caisse de résonnance de la “vox populi” bien-pensante et idéologique. 

Le prétoire ne doit en aucun cas, se substituer au peuple pour s’approprier « le politique », dont le choix relève des seuls citoyens et des urnes.

À l’inverse, “le prétoire doit demeurer, dans le silence des boiseries, le temple, de la vérité » (Philippe de Villiers, précité). 

À cet égard, rappelons que la déesse de la Justice, Themis, était représentée par trois attributs symboliques : 

D’une part, le bandeau sur les yeux, pour ne pas voir les accusés. Parce qu’elle est impartiale et que nul ne peut en douter.

Prenant à revers le concept d’impartialité de la justice, Jean de La Fontaine, concluait sa fable, « les animaux malades de la peste. » : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cours, vous rendront, blanc ou noir…”.

D’autre part, la balance : elle traduit bien sûr l’idée que la justice représente l’équilibre, la mesure, l’équité.

Enfin, le glaive : il signifie la justice qui tranche, la force, la puissance dans l’application de la peine.

” Pascal nous a avisés sur le poids symbolique du glaive de la justice : « une justice sans la force est impuissante, une force sans la justice et tyrannique » (Philippe de Villiers, précité, page, 218). 

Pour l’heure, nous n’en sommes qu’aux réquisitions…. Dont le représentant malheureux n’est pas détenteur du glaive… même s’il tente de faire pencher la balance… les yeux grands ouverts. 

Reste à entendre les arguments de la défense et à attendre (im)patiemment le jugement à intervenir dans quelques mois. 

La suspicion d’un gouvernement des juges en sortirait renforcée si les réquisitions des procureurs étaient suivies et l’on ne pourrait plus dire ” je fais confiance à la justice de mon pays “. 

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne représentent en aucun cas la position éditoriale du Diplomate

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