ANALYSE – Le plan américain de déstabilisation en Syrie : une analyse du projet occidental

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.

La chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie représente un tournant crucial dans l’histoire récente du Moyen-Orient, mettant en lumière le rôle des stratégies géopolitiques à long terme, notamment celles des États-Unis. La Syrie a été au cœur d’une guerre par procuration où les grandes puissances, par le biais de financements, de soutiens militaires et de manipulations des dynamiques internes, ont tenté de redéfinir les équilibres de la région.

Le projet américain : Timber Sycamore et au-delà

Dès 2013, avec le programme secret de la CIA appelé Timber Sycamore, les États-Unis ont lancé une campagne massive de soutien aux groupes rebelles opposés au gouvernement d’Assad. L’objectif déclaré était de renverser le régime syrien et de le remplacer par une direction pro-américaine, capable d’éloigner le pays de l’influence russe et iranienne. Timber Sycamore a permis de fournir des armes, des formations et des ressources financières à des groupes d’opposition, dont beaucoup ont ensuite rejoint des coalitions djihadistes ou collaboré avec des éléments radicaux.

Malgré les milliards investis, le programme n’a pas donné les résultats escomptés. L’intervention militaire russe en 2015 a bouleversé les dynamiques du conflit, permettant au régime d’Assad de résister et de reconquérir une grande partie du territoire perdu. Ce développement a contraint les États-Unis à changer de stratégie, en se concentrant sur l’occupation de zones stratégiques, comme celle d’al-Tanf, et sur l’affaiblissement des infrastructures du gouvernement syrien.

La stratégie du “bleeding”

L’approche américaine en Syrie s’est progressivement alignée sur une stratégie d’usure connue sous le nom de bleeding. L’objectif n’était plus de renverser directement Assad, mais de prolonger le conflit pour engager la Russie dans une guerre coûteuse et réduire son influence globale. Cette tactique, bien qu’efficace pour mettre la pression sur Moscou, a eu des conséquences dévastatrices pour la population syrienne. La guerre civile a entraîné des millions de réfugiés, des centaines de milliers de morts et une destruction systématique des infrastructures du pays.

L’occupation américaine de portions du territoire syrien, notamment dans la région orientale riche en pétrole, a encore compliqué la situation. Bien que les États-Unis prétendent vouloir combattre l’État islamique, de nombreuses ressources locales ont été détournées pour soutenir des milices alliées et des groupes rebelles, laissant le territoire dans un état d’instabilité permanente.

L’axe Russie-Iran et l’échec occidental

L’intervention militaire de la Russie en 2015 a changé les dynamiques du conflit. L’alliance entre Moscou, Téhéran et Damas s’est consolidée, assurant la survie du régime d’Assad et mettant en crise les aspirations occidentales. Les accords entre la Russie et les groupes locaux ont permis à Moscou de maintenir ses bases stratégiques à Tartous et Lattaquié, renforçant sa présence en Méditerranée orientale.

La récente chute d’Assad, malgré les apparences, représente une défaite pour les États-Unis et leurs alliés. L’instauration d’une coalition djihadiste au pouvoir à Damas, dirigée par des figures comme Ahmed al-Sharaa (alias al Jolani), souligne l’échec du projet américain. L’Occident n’a pas réussi à construire une alternative politique stable, laissant la place à des groupes radicaux qui menacent la sécurité régionale et mondiale.

Les conséquences pour la Syrie et l’Ukraine

La déstabilisation de la Syrie n’a pas seulement des implications locales, mais reflète un cadre plus large de compétition globale. La Russie, libérée du poids du conflit syrien, pourrait réorienter ses ressources vers l’Ukraine, renforçant ses positions sur ce théâtre de guerre. Ce déplacement des équilibres risque d’accentuer la pression sur l’Occident, qui a investi massivement dans le soutien à Kiev.

Pendant ce temps, la population syrienne continue de payer le prix le plus élevé. La guerre civile, alimentée par des acteurs extérieurs, a détruit le tissu social du pays, le transformant en un champ de bataille pour des intérêts géopolitiques étrangers aux besoins locaux.

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La Syrie est devenue l’emblème des guerres par procuration du XXIᵉ siècle, où les grandes puissances sacrifient des nations entières pour poursuivre leurs objectifs stratégiques. L’échec du plan américain n’est pas seulement une question de perte géopolitique, mais un avertissement sur les limites de l’interventionnisme et sur les conséquences dévastatrices des politiques de déstabilisation. La chute d’Assad ne marque pas une victoire pour l’Occident, mais une constatation amère d’un conflit qui, loin de résoudre les problèmes politiques du Moyen-Orient, n’a fait qu’aggraver les souffrances de ses peuples.

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