ANALYSE – Opérations obscures : la géopolitique des éliminations ciblées

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Opérations secrètes des États autoritaires
Espionner, Détective, Mafia. Utilisation gratuite.

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.

L’expansion des opérations secrètes : un phénomène mondial

Ces dernières années, un nombre croissant d’États autoritaires a intensifié l’utilisation d’opérations secrètes à l’étranger pour éliminer ou intimider des dissidents, opposants politiques et activistes. De la Russie à la Chine, en passant par l’Iran, la Turquie et, plus récemment, l’Inde, ces régimes utilisent un mélange d’intimidations, de kidnappings, de menaces et d’assassinats pour contrôler la diaspora et réduire au silence toute forme de contestation. La Russie, par exemple, est associée à plus de 60 morts suspectes en Europe et en Russie depuis 2022, selon Michael Weiss de The Insider. Ces opérations sont souvent déguisées en actes criminels, rendant plus complexe la réponse des autorités occidentales.

L’Iran et le contrôle de la diaspora

L’Iran figure parmi les pays les plus actifs dans ce domaine. Au Royaume-Uni, selon le MI5, au moins 20 complots iraniens visant des dissidents et citoyens britanniques d’origine iranienne ont été déjoués depuis 2022. Des opérations similaires ont été documentées dans d’autres pays européens, où des activistes sont menacés par des agents iraniens utilisant des méthodes de coercition et d’intimidation. Ces attaques ne se limitent pas à l’Europe : au Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité (CSIS) a dénoncé des menaces répétées contre des dissidents iraniens, illustrant la portée mondiale des activités de Téhéran.

La Turquie et le recours aux kidnappings

Le gouvernement turc utilise des tactiques similaires, se concentrant sur la diaspora kurde et les critiques du régime d’Erdoğan. L’Organisation nationale du renseignement (MIT) a été accusée de kidnappings ciblés, souvent suivis de déportations forcées vers la Turquie. Ces pratiques s’accompagnent de campagnes d’intimidation, comme en témoignent de nombreux journalistes et activistes persécutés en Europe. La Turquie cherche ainsi à étendre son contrôle au-delà de ses frontières, neutralisant les figures jugées gênantes où qu’elles se trouvent.

La Chine et le nouveau front de la répression

La Chine, quant à elle, a intensifié son contrôle sur la diaspora ouïghoure et ses opposants politiques, en utilisant à la fois des agents gouvernementaux et des intermédiaires locaux pour surveiller et menacer des individus jugés dangereux pour le Parti communiste. Ces activités ne se limitent pas à l’Asie, mais s’étendent aux États-Unis et à l’Europe, où des dissidents chinois ont dénoncé des actes de harcèlement et de coercition. Pékin exploite également la collaboration de groupes criminels locaux pour accentuer la pression sur ses cibles, démontrant une approche toujours plus sophistiquée.

L’Inde et le cas Khalistan

L’Inde représente une nouveauté dans ce paysage. Traditionnellement moins active dans les opérations noires en Occident, New Delhi a intensifié ses activités contre les séparatistes sikhs et les groupes cachemiris, considérés comme une menace à la stabilité nationale. L’assassinat de Hardeep Singh Nijjar au Canada en 2023 a déclenché une crise diplomatique entre le Canada et l’Inde, mettant en lumière le recours des services de renseignement indiens (RAW) à des méthodes non conventionnelles. Selon les autorités canadiennes, le RAW aurait collaboré avec des groupes criminels locaux, comme le Bishnoi Group, pour exécuter des assassinats et des intimidations. Ce modus operandi s’est étendu aux États-Unis, où le renseignement indien est accusé de planifier des opérations contre des leaders séparatistes.

Les implications pour l’Occident

L’activité croissante de ces États pose des défis importants aux démocraties occidentales. L’absence d’une agence de renseignement unifiée en Europe limite la capacité de réponse, tandis que les restrictions légales, comme celles en vigueur en Allemagne, rendent difficile une action efficace contre ces menaces transnationales. De plus, la dépendance géopolitique à l’Inde dans la stratégie indo-pacifique complique davantage la possibilité de contrer les opérations indiennes en Occident. Cette situation met en évidence la vulnérabilité des démocraties libérales face à des régimes autoritaires qui exploitent la liberté occidentale pour atteindre leurs objectifs.

Un avenir incertain

Si l’Occident n’agit pas de manière coordonnée et décisive, le risque est que ces opérations secrètes deviennent la norme. Cela ne compromettrait pas seulement la souveraineté des États occidentaux, mais éroderait également la confiance dans les institutions démocratiques. Il est impératif d’adopter des stratégies communes pour surveiller et contrer ces menaces, en créant un système intégré de réponse qui inclut la coopération internationale et l’ajustement des lois. Sans un changement radical, les démocraties risquent de devenir un terrain fertile pour des pratiques qui menacent les principes fondamentaux de liberté et de sécurité.

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