Par Olivier d’Auzon
La Russie renforce ses liens militaires avec la Corée du Nord et envisage de déployer des missiles en Asie-Pacifique pour contrer les actions américaines et sud-coréennes. Cela pourrait exacerber les tensions régionales et justifier une coopération stratégique accrue entre les États-Unis, le Japon, et la Corée du Sud, tout en perturbant les équilibres avec la Chine, souligne l’analyste Andrew Korybko.
Le Kremlin affiche bel et bien son ambition de renforcer ses alliances, notamment avec la Corée du Nord, tout en consolidant son rôle stratégique en Asie-Pacifique.
Cet effort vise à répondre à des impératifs de sécurité, de diplomatie et de soft power, selon les déclarations de Sergey Ryabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères. Interrogé sur un éventuel déploiement de missiles russes dans la région Asie-Pacifique, Ryabkov a affirmé que cela dépendrait de l’installation de systèmes similaires par les États-Unis ailleurs dans le monde.
Cette déclaration intervient peu après que Vladimir Poutine a autorisé l’utilisation en Ukraine du missile Oreshnik, une arme hypersonique à moyenne portée jusqu’ici gardée secrète. L’utilisation de cette technologie, perçue comme une démonstration de force, coïncide également avec une détérioration des relations entre la Russie et la Corée du Sud.
Séoul envisage par ailleurs de fournir des armes à l’Ukraine, une décision motivée par des informations non confirmées sur la présence de troupes nord-coréennes sur le front ukrainien.
En guise de réponse, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Andrey Rudenko, a mis en garde : « Nous répondrons de toutes les manières que nous jugerons nécessaires. Il est peu probable que cela renforce la sécurité de la République de Corée elle-même. »
Un pacte militaire renouvelé avec Pyongyang
Dans ce contexte tendu, Moscou et Pyongyang ont récemment signé un pacte militaire actualisant un accord datant de l’époque soviétique. Ce document engage bel et bien les deux pays à s’entraider en cas d’agression extérieure, un renforcement de leurs liens alors que les tensions s’accroissent avec les États-Unis et leurs alliés en Asie.
Cependant, le rapprochement entre Moscou et Pyongyang pourrait avoir des effets secondaires imprévus. Le déploiement éventuel de missiles russes dans la région, notamment des armes à l’instar du missile Oreshnik, risque de justifier l’accélération des initiatives américaines de « pivot vers l’Asie », notamment le renforcement d’une coopération trilatérale entre les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud.
Un repositionnement stratégique américain
Dans ce contexte, l’administration de Donald Trump pourrait s’appuyer sur l’héritage de Joe Biden, qui a contribué à renforcer les liens entre Séoul et Tokyo. La coopération entre ces trois nations est perçue comme un pilier du containment américain face à la montée en puissance de la Chine en Asie.
Un éventuel déploiement russe de missiles à courte et moyenne portée en Asie-Pacifique pourrait accélérer cette convergence stratégique, compliquant encore la position de la Chine dans la région.
Une carte diplomatique à jouer pour la Russie ?
Sur le plan diplomatique, un retrait des missiles russes pourrait être négocié dans le cadre d’un accord avec les États-Unis et la Corée du Nord, excluant potentiellement la Chine. Cela permettrait de désamorcer les tensions en Asie du Nord-Est et de recentrer l’attention américaine sur des fronts comme Taïwan et les Philippines. Cette perspective pourrait également être exploitée par Donald Trump pour tenter de diviser la Russie et la Chine, bien que cette stratégie ait peu de chances de succès.
De fait, la Russie pourrait utiliser sa posture militaire en Asie-Pacifique pour consolider ses alliances, notamment avec la Corée du Nord, et négocier des avancées diplomatiques. Pour autant, cette stratégie risque de perturber davantage la sécurité régionale, particulièrement pour la Chine, tout en alimentant les efforts américains de containment dans la région.
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