Par Olivier d’Auzon
Pendant presque une décennie, c’est la puissance militaire russe qui a joué un rôle clef pour maintenir Bachar El-Assad au pouvoir en Syrie. Cependant, en l’espace de seulement 24 heures, la situation a connu un renversement dramatique. Damas est tombée, Assad a été renversé et, selon les rapports, il aurait fui vers Moscou, cherchant refuge.
D’après des sources au Kremlin, les médias russes ont rapporté que Moscou a accordé l’asile à Bachar El-Assad et à sa famille “pour des raisons humanitaires“.
Ce retournement rapide et inattendu des événements a laissé le Kremlin impuissant face à l’effondrement de son projet syrien. Dans une déclaration, le ministère russe des Affaires étrangères a exprimé “une extrême inquiétude” face à la situation, soulignant le caractère imprévu de cette crise.
La chute du régime d’Assad constitue un coup sévère pour le prestige et l’influence de la Russie. Lorsque la Russie a déployé des milliers de soldats en 2015 pour soutenir Assad, il ne s’agissait pas seulement d’une intervention militaire, mais aussi d’une affirmation du pouvoir mondial de la Russie. Il s’agissait du premier grand défi de Vladimir Poutine à la domination occidentale, bien au-delà de l’ex-sphère soviétique. À l’époque, cela semblait avoir porté ses fruits. Pour mémoire, en 2017, le président Poutine visitait la base aérienne de Hmeimim en Syrie et déclarait que la mission était “accomplie“.
Malgré les rapports réguliers sur les frappes aériennes russes causant des victimes civiles, Moscou semblait confiant dans ses efforts. Les responsables russes ont même organisé des visites pour les médias internationaux afin de témoigner de leurs opérations militaires. Je me souviens qu’un officier russe m’avait assuré que la Russie était en Syrie pour le long terme. Mais cette intervention ne se limitait pas au soutien militaire ; elle visait aussi à sécuriser des intérêts stratégiques.
En échange de son aide militaire, la Syrie avait accordé à la Russie des baux de 49 ans pour la base aérienne de Hmeimim et la base navale de Tartous—des atouts stratégiques essentiels dans la stratégie régionale de la Russie. Ces bases étaient cruciales non seulement pour les opérations en Syrie, mais aussi pour soutenir l’activité militaire russe en Afrique et dans la Méditerranée. Une question pressante pour Moscou maintenant est de savoir ce qu’il adviendra de ces avant-postes stratégiques, qui ont joué un rôle crucial dans les ambitions russes.
Bien que la fuite d’Assad vers Moscou ait soulevé des inquiétudes, le gouvernement russe a tenté de gérer la situation en engageant des discussions avec les forces d’opposition syriennes. Les rapports des médias d’État suggèrent que les dirigeants de l’opposition ont promis de garantir la sécurité des installations militaires russes et des missions diplomatiques en Syrie. De plus, le ministère russe des Affaires étrangères a annoncé que ces bases avaient été placées en état d’alerte maximale, tout en assurant qu’il n’y avait “aucune menace sérieuse” à leur égard pour l’instant.
Le Kremlin aura du mal à présenter la chute d’Assad autrement que comme un revers foudroyant
Bachar El-Assad était l’un des alliés les plus fidèles de la Russie au Moyen-Orient, et l’investissement de Moscou dans sa survie a été considérable. Son renversement représente donc un coup dur pour la stratégie de la Russie au Moyen-Orient. Le Kremlin aura du mal à présenter la chute d’Assad autrement que comme un revers foudroyant.
Pour autant, le gouvernement russe a cherché à minimiser sa responsabilité, les médias d’État suggérant que l’armée syrienne elle-même avait joué un rôle dans cet effondrement.
Dans le cadre de l’émission phare “Vesti Nedeli“ ( les Nouvelles du Weekend) diffusée sur la télévision d’État Rossiya 2 , l’animateur Yevgeny Kiselev a bel et bien critiqué l’armée syrienne pour son manque de résistance, citant des exemples précis tels que la reddition de positions fortifiées à Alep sans combat, malgré le fait que l’armée syrienne était mieux équipée et surpassait les rebelles en nombre.
Chemin faisant, Yevgeny Kiselev a également insinué que la situation s’était détériorée en raison du manque de détermination des forces syriennes.
“Notre priorité est la sécurité de la Russie – ce qui se passe dans la zone de l’Opération Militaire Spéciale [en Ukraine]”
L’animateur a également souligné que la Russie avait toujours espéré une résolution pacifique en Syrie, mais le message principal était clair : les priorités de la Russie se trouvent ailleurs. “Notre priorité est la sécurité de la Russie-ce qui se passe dans la zone de l’Opération Militaire Spéciale [en Ukraine]”, a-t-il déclaré, envoyant ainsi un message au public russe : malgré les neuf années de ressources investies pour maintenir Bachar El-Assad au pouvoir, les Russes doivent maintenant se concentrer sur la guerre en Ukraine.
La chute soudaine de Bachar El-Assad laisse Moscou face à des questions sur son futur rôle dans la région et le statut de ses intérêts stratégiques
En résumé, l’expérience de la Russie en Syrie a été un enchaînement de défis militaires et diplomatiques. La chute soudaine de Bachar El-Assad pourrait marquer la fin d’un chapitre, mais elle laisse également Moscou face à des questions sur son futur rôle dans la région et le statut de ses intérêts stratégiques. La perte d’un allié clef tel que Bachar El-Assad constitue assurément, non seulement un coup dur pour ne pas dire foudroyant pour l’influence de la Russie au Moyen-Orient, mais aussi un rappel brutal que les ambitions géopolitiques peuvent s’effondrer face à des événements imprévus.
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