Par Olivier d’Auzon
La fin du régime de Bachar El-Assad marque non seulement un tournant politique pour la Syrie, mais aussi le début d’une possible redéfinition énergétique au Moyen-Orient.
Alors que Bachar El-Assad a fui en Russie, chassé par les forces anti-régime après près de 25 ans au pouvoir, un projet longtemps enfoui dans les tiroirs pourrait enfin voir le jour : le gazoduc Turquie-Qatar, une infrastructure stratégique qui pourrait transformer la Turquie en hub énergétique majeur pour l’Europe.
Un jeu énergétique au cœur du Moyen-Orient
Depuis des décennies, les immenses réserves de gaz naturel du Qatar, les troisièmes plus importantes au monde après celles de la Russie et de l’Iran, alimentent les convoitises. Mais les bouleversements géopolitiques, en particulier en Syrie, ont jusqu’ici empêché la réalisation d’un corridor énergétique qui relierait le Qatar à l’Europe via la Turquie.
Le ministre turc de l’Énergie, Alparslan Bayraktar, n’a du reste pas caché ses ambitions. Lors d’une réunion à Ankara le 9 décembre 2024, il a évoqué la relance de ce projet de gazoduc dormant qui pourrait traverser l’Arabie Saoudite, la Jordanie et la Syrie avant d’atteindre la Turquie. « Si la Syrie retrouve son intégrité territoriale et sa stabilité, ce projet deviendra réalisable. La ligne doit être sécurisée pour permettre le développement de nombreux projets », a déclaré Alparslan Bayraktar.
La Turquie, en quête d’indépendance énergétique et de renforcement de son rôle géostratégique, voit dans ce gazoduc une opportunité unique. Le ministre souligne un besoin urgent :
« L’électricité est essentielle en Syrie. Avec une absence totale d’infrastructures, tout manque dans le pays. Nous devons utiliser l’énergie comme un outil pour reconstruire. »
La Turquie, pivot énergétique entre l’Est et l’Europe
Depuis plusieurs années, Ankara a multiplié les projets pour se positionner comme un acteur incontournable sur la carte énergétique mondiale. Trois axes stratégiques illustrent cette ambition :
- Le gazoduc Azerbaïdjan-Turquie, qui transporte du gaz d’origine russe ;
- Le gazoduc iranien, une source d’approvisionnement intermittente en raison des sabotages réguliers par le PKK kurde ;
- L’oléoduc irakien, qui a subi de lourdes pertes après une attaque du PKK en 2023, estimées à 501 millions de dollars.
Aujourd’hui, la Turquie poursuit un double objectif : stabiliser la Syrie pour sécuriser ses corridors énergétiques et faciliter l’émergence d’un corridor gazier reliant le Qatar, le Koweït, l’Irak, la Syrie et la Turquie.
Un Moyen-Orient redessiné : enjeux et obstacles
La chute du régime syrien a accéléré ces ambitions. Pourtant, plusieurs défis demeurent. Le territoire kurde, divisé entre la Syrie, l’Irak et l’ouest de la Turquie, reste une zone de tension. Les autonomistes kurdes du YPG/PKK, soutenus historiquement par Israël pour contenir l’influence turque, continuent d’opérer sous la protection des États-Unis. Cette présence gêne les plans turcs et alimente des rivalités complexes.
De plus, le territoire druze au sud de la Syrie, sous influence croissante d’Israël, suscite peu d’intérêt pour Ankara. Pour la Turquie, les priorités sont ailleurs : sécuriser les zones stratégiques et nouer des alliances solides avec des partenaires régionaux comme le Koweït et l’Irak.
L’Irak, d’ailleurs, pourrait devenir la prochaine pièce maîtresse de ce projet énergétique. Ankara entretient déjà d’excellentes relations avec le Koweït, un pays clé dans la chaîne d’approvisionnement. Avec la disparition du régime de Bachar El-Assad, les résistances régionales s’amenuisent, même si les autonomistes kurdes et leurs alliés restent un défi majeur.
Une Turquie incontournable pour l’Europe
À plus long terme, le gazoduc Turquie-Qatar pourrait transformer Ankara en un acteur énergétique incontournable pour l’Union Européenne. En facilitant l’exportation du gaz qatari vers l’Europe, la Turquie accroîtrait non seulement son influence régionale, mais renforcerait également son poids dans ses relations avec Bruxelles.
La chute de Bachar El-Assad, survenue dans un contexte de négociations diplomatiques accélérées entre la Russie, l’Iran et la Turquie, marque un tournant historique. Le départ d’un régime vieux de 60 ans ouvre une période d’incertitudes, mais aussi d’opportunités sans précédent pour la Turquie et ses partenaires.
À travers ce projet énergétique, Ankara espère non seulement stabiliser ses frontières et garantir ses flux énergétiques, mais aussi redessiner les équilibres de pouvoir au Moyen-Orient et devenir le principal canal d’approvisionnement énergétique vers l’Europe
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