Par Razika Adnani, Écrivaine, philosophe et islamologue. Son dernier ouvrage, Sortir de l’islamisme publié aux éditions Erick Bonnier en décembre 2024
La laïcité, c’est l’expression de la maturité, celle de l’État qui s’émancipe de la tutelle de la religion en organisant la cité sans se référer à la religion, et les gouvernants assument par là même la responsabilité de leurs actes devant le peuple. À la différence du système théocratique où les politiques attribuent leurs actes à une divinité et n’assument pas la responsabilité des erreurs et des injustices qu’ils peuvent commettre. C’est le cas dans les sociétés musulmanes où le législateur utilise Dieu pour justifier ses lois liberticides et ses règles discriminatoires, particulièrement à l’égard des femmes. En plaçant l’État au-dessus de toutes les religions qu’elle considère comme égales, la laïcité permet à l’État de se réaliser en tant qu’État, c’est-à-dire d’être l’État de tous et non d’une partie de la population, celle qui appartient à la même religion que l’État, et d’être au service des individus et non de Dieu, ce qui est l’objectif du contrat social, c’est-à-dire de l’existence de l’État.
La laïcité, c’est l’expression de la maturité humaine
La laïcité, c’est également l’expression de la maturité de l’être humain, car ne l’accepte que celui qui sait mettre ses intérêts personnels et communautaires en retrait au profit d’un intérêt plus large et plus universel et ne l’admet que celui qui comprend la profondeur du sens des droits humains : l’égalité et la liberté. Ces valeurs permettent aux êtres humains de vivre ensemble sans qu’il y ait ceux qui ont le droit d’imposer leur religion et ceux qui la vivent en secret.
Logiquement, plus l’être humain tendra vers sa maturité, plus la laïcité, c’est-à-dire la séparation de la religion et de la politique, s’imposera. Le problème, c’est que l’être humain n’est pas dans un processus d’évolution constant vers sa maturité et beaucoup de preuves montrent qu’il a même tendance à régresser. Cependant, cela ne veut pas dire que la laïcité ne s’imposera pas dans le futur. Le réchauffement climatique favorisant le déplacement massif des populations fera que les sociétés seront davantage multiconfessionnelles et la séparation entre le religieux et le politique sera alors l’ultime solution dans tous les pays qui aspirent à une paix politique et sociale, y compris les pays musulmans. Rappelons qu’au sein de l’islam il y a plusieurs islams qui se sont toujours fait la guerre. Guerre qui est ravivée de plus belle depuis la défaite du courant laïc dans le monde musulman. Ainsi, si la laïcité est l’expression de la maturité humaine, elle est également un moyen qui permet aux femmes et aux hommes de réaliser leur maturité.
La laïcité, un rempart contre l’islamisme
En Occident, et pas seulement en France, la laïcité s’imposera comme un rempart contre l’islamisme qui, avec les bouleversements politiques et géopolitiques que connaît le monde en ce début du XXIe siècle, est en train de se renforcer et proliférer. Sa force réside dans le fait qu’en séparant la politique et la religion, elle empêchera la charia de s’introduire dans le domaine politique et les islamistes de revendiquer une société organisée selon les règles de l’islam. Cependant, la laïcité sera inévitablement confrontée au facteur du nombre. Si le nombre de musulmans désireux d’appliquer la charia augmente, et il augmentera, la laïcité ne suffira pas pour protéger contre la montée de l’islamisme et conséquemment contre la violence sociale. Elle sera elle-même menacée par l’islamisme, car elle est fondée sur la loi qui peut être modifiée si ceux qui ne croient plus en elle arrivent au pouvoir.
La réforme de l’islam
C’est la raison pour laquelle il est impératif que l’islam change de l’intérieur. Il faut qu’il y ait un travail au sein de l’islam lui permettant d’évoluer, de se réformer. C’est-à-dire déclarer caduques toutes les règles archaïques de la charia, d’une part, et, d’autre part, séparer l’islam de sa dimension politique. Rien n’empêche cette réforme de l’islam, ni sur le plan théologique ni sur le plan pratique, s’il y a une volonté de la part des musulmans de la mener et si, en Occident, « on cesse de leur répéter que l’islamisme n’a rien à voir avec l’islam » (Razika Adnani, Sortir de l’islamisme, Erick Bonnier éditions, décembre 2024). Cette réforme ne se fera pas en Occident sans les pays musulmans, car c’est une réforme non pas de l’islam d’Occident, mais de l’islam tout court. Elle fera en sorte que l’islam soit compatible avec la laïcité en étant une religion et non une politique et que les musulmans aillent vers la maturité politique et humaine nécessaire à cette laïcité.
Dans le monde musulman, la victoire de l’islamisme au détriment de la modernisation de la société et de la laïcisation de la politique voulues par les modernistes au XIXe siècle, à laquelle nous assistons aujourd’hui, est due au fait que l’islam n’a pas fait sa réforme.
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