ENTRETIEN –  Frédéric Pichon, spécialiste de la Syrie : « Je pense que l’Iran est au bord de l’effondrement »

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Nouvelle offensive jihadiste en Syrie
Montage Le Diplomate

Propos recueillis par Angélique Bouchard

Frédéric Pichon est un chercheur indépendant, enseignant et essayiste français. Diplômé de Sciences Po Paris et titulaire d’un doctorat d’Histoire, il enseigne la géopolitique, notamment en classe préparatoire aux grandes écoles. Auteur notamment de deux livres de référence, Syrie, pourquoi l’Occident s’est trompé (Éditions du Rocher, 2014) et Syrie, une guerre pour rien (Éditions du Cerf, 2017). Chercheur de terrain et s’étant rendu plusieurs fois en Syrie même durant la guerre civile, il est l’un des meilleurs spécialistes de ce pays.

Pour Le Diplomate, il analyse et décrypte le nouvel embrasement de la Syrie avec les avancées rapides et inquiétantes des jihadistes…

Tout d’abord qui sont ces milices islamistes ayant déclenché ce nouvel embrasement de la Syrie ? Qui est Abou Mohammed al-Joulani ?

Joulani est un ancien militant de l’État islamique en Irak qui a séjourné dans les prisons américaines. Il a fondé le Front al Nousra en 2012, s’est démarqué de l’EI puis d’Al Qaïda en 2016. A la tête d’Hayat Tahrir al Cham (HTS), il est ensuite devenu le maitre d’Idlib avant de former l’avant-garde de la reconquête de la Syrie.

Comment analysez-vous cette percée fulgurante des jihadistes et la chute d’Assad ? 

Tout cela a été rendu possible par deux principaux facteurs :

Le jeu des puissances régionales : retrait de l’Iran, durement affaibli par les frappes israéliennes de ces derniers mois et volonté de la Turquie d’en finir avec le problème des réfugiés syriens. La Russie étant focalisée sur l’Ukraine, il y avait une fenêtre de tir à ne pas manquer.

L’essoufflement du régime syrien : à force de sanctions économiques américaines et du fait de l’intransigeance de certains cadres du régime, la lassitude et le mécontentement avaient fini par gagner la population, y compris le camp loyaliste et même des proches de Bachar al Assad. C’était extrêmement palpable lors de mon dernier séjour il y a un an : certains m’annonçaient une crise imminente, même si naturellement personne n’envisageait un départ du président et l’effondrement de l’armée aussi rapide.

Pourquoi la Russie, principal allié militaire de Damas, semble avoir elle aussi dépassée par cette attaque et comment pourrait-elle réagir face à cette nouvelle offensive jihadiste ? Peut-on s’attendre à une intensification des frappes aériennes russes ? 

Je pense qu’il y a eu un deal entre Trump et Poutine : Assad contre Zelensky. Que ce soit diplomatiquement ou militairement, la Russie a tout à gagner d’un désengagement de Syrie pour obtenir ce qu’elle veut en Ukraine.

Est-ce également un signe de l’affaiblissement de l’Iran, qui soutient aussi Assad sur le terrain via ses milices et ses proxys ? Les Iraniens pourraient-ils être contraints de renforcer leur engagement pour éviter un effondrement stratégique dans la région ? 

L’Iran, je pense est au bord de l’effondrement. C’est un coup très dur qui le prive d’un accès à la Méditerranée. De plus, les chiites irakiens sont en voie d’autonomisation, comme l’a démontré Moqtada al Sadr par son refus de s’engager en Syrie ces derniers jours. Les tensions internes feront le reste.

Cette offensive, menée par des groupes soutenus par Ankara, est-elle le signe d’un renforcement du soutien turc à ces factions ? Comment cela pourrait-il affecter les négociations en cours entre Damas et la Turquie, notamment sous la médiation russe ? 

Il n’y aura plus de négociations…

Enfin, que pensez-vous de l’indulgence et la magnanimité affichées, pour l’instant, des jihadistes envers les autres communautés notamment les chrétiens ?

Elle est réelle. Tous ces derniers jours, j’ai pu contacter nombre d’entre eux. Ils sont très favorablement impressionnés par le sang-froid et le professionnalisme de HTC. Mais ils partiront en masse. Contrairement aux autres communautés minoritaires de Syrie, ils ne disposent d’aucun réduit territorial. Et la perspective de vivre dans un État inspiré par les frères Musulmans ne les enchante guère…

À lire aussi : Le Jihad islamique palestinien : l’autre milice gazaouie en guerre contre Israël


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