Gladiator II : le film woke qui ne plaira pas vraiment aux wokes

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Critique de Gladiator II
Montage Lab Le Diplo

Par Philippe Pulice


Au cinéma, il est commun que les suites ne soient pas à la hauteur des premiers films. Pourtant, des exceptions existent. Des sagas comme Indiana Jones, Le Parrain, Star Wars, Terminator, Batman, ou encore des comédies telles que Mon beau-père et moi et Mafia Blues nous ont prouvé qu’une suite pouvait parfois égaler, voire même dépasser l’original. Avec Gladiator II, ce n’est malheureusement pas l’exception qui prévaut, mais bien la règle.

Il faut dire que la barre était placée très haut avec le premier Gladiator : un scénario haletant, des acteurs incroyables, des décors somptueux, des scènes de combat à couper le souffle et une musique envoûtante. Autant d’éléments qui ont fait de ce film un véritable chef-d’œuvre. Une référence en matière de films d’action.

Mais qu’est-il arrivé à Ridley Scott ?

La différence de niveau entre un film original et ses suites s’explique parfois par un changement de réalisateur. Mais ici, avec Gladiator II, ce n’est pas le cas. Les deux films ont été réalisés par Ridley Scott, un maître incontesté du cinéma d’action, à qui l’on doit des films emblématiques tels que AlienBlade RunnerHannibalThelma & LouiseAmerican Gangster et Kingdom of Heaven. Une filmographie qui en dit long sur son immense talent. L’écart de qualité entre Gladiator et Gladiator II est tellement énorme que je me suis demandé durant la séance, s’il s’agissait bien du même Ridley Scott. L’hypothèse d’un homonyme m’a traversé l’esprit ; rapidement, certes. Mais qu’est-il arrivé à Ridley Scott ? Qu’est-il allé faire dans cette galère romaine car dans Gladiator II, c’est simple : rien ne fonctionne !

Tel père tel fils…

L’histoire se déroule près de deux décennies après la mort héroïque de Maximus (Decimus Meridius), incarné avec brio par l’acteur Russell Crowe dans le premier opus. Cette fois, Rome est gouvernée par les frères Geta et Caracalla, des empereurs dépeints comme à la fois cruels, décadents et avides de pouvoir. Le film s’ouvre d’ailleurs sur la conquête de la Numidie, ce royaume berbère situé dans les actuelles terres de l’Algérie et de la Tunisie. Et là, surprise : parmi les vaillants berbères qui affrontent les légions romaines surgit, tel un cheveu dans la soupe, Hanno, un valeureux guerrier blanc. Comment a-t-il atterri là ? Le film reste étonnamment vague sur cette question. Mais Hanno n’est pas n’importe qui, puisqu’il s’avèrera être le fils illégitime de notre fameux Maximus. Capturé, réduit en esclavage, il goûtera lui aussi, comme son père, aux joies sanglantes des arènes. Hanno, de son vrai nom Lucius Verus, est le personnage central, le héros du film.

La rééducation des spectateurs passe avant tout autre considération…

Le problème avec le scénario de Gladiator II, c’est qu’il est un mélange de « déjà vu » et d’intrigues si prévisibles qu’elles peinent à surprendre. À cela s’ajoute l’empreinte du wokisme, devenue incontournable dans l’univers cinématographique. Eh oui, aujourd’hui, les films doivent faire la part belle à l’inclusivité, la diversité et la parité. Peu importe si cela implique de tordre le cou aux réalités historiques, ou même de flirter avec l’absurde et le ridicule. Le wokisme, lui, n’en a cure : la rééducation des spectateurs passe avant toute autre considération. Mais là encore, même dans le registre du wokisme, le film manque de rigueur. C’est un peu du « je veux sans vraiment vouloir », du « woke mais pas vraiment du woke ». Quand on veut satisfaire le plus grand nombre, on prend le risque de ne satisfaire personne. Avec ce film, Ridley Scott, ouvre la voie à un wokisme mi-figue mi-raisin, très surprenant. J’y reviendrai.

Les scènes de combat du premier opus étaient magistrales et ont indéniablement contribué à son succès. On se rappelle de la bataille du début du film avec les barbares du nord de l’Europe, ou encore les combats d’arène, incroyablement spectaculaires. La scène avec les chars romains, et celle mettant en scène des tigres, figurent parmi les moments les plus mémorables. Ces séquences mêlaient avec brio des effets spéciaux saisissants, une chorégraphie millimétrée et des prises de vue d’une maîtrise exceptionnelle.

Des singes entre une version Terminator et une version Jurassic Park…

Hélas, avec Gladiator II, les scènes de combat ont perdu toute leur magie. Dépourvues de saveur, elles peinent à captiver et manquent cruellement de réalisme, cet ingrédient essentiel qui suscite l’émotion. Pire encore, ce manque de crédibilité finit par tourner au comique, tant il devient difficile d’y croire. Par exemple, lorsque notre héros livre son premier combat dans l’arène du Colisée, il affronte des singes de type babouin qui ressemblent plus à des créatures bioniques qu’à leurs congénères naturels. Des singes de type babouin entre une version Terminator et une version Jurassic Park, dotés d’une force si incroyable qu’ils peuvent vous arracher la tête d’un simple coup de mâchoire. Si le ridicule ne tue pas, je vous assure que ces créatures en sont par contre tout à fait capables…

Des requins « bioniques »…

Autre exemple, toujours dans l’arène du Colisée transformée pour l’occasion en une grande piscine. Ces Romains étaient décidément très forts, surtout en matière d’étanchéité. Il s’agit d’une bataille « maritime » entre deux bateaux. Sur l’un, les valeureux gladiateurs dont notre héros. Sur l’autre, les méchants romains armés jusqu’aux dents, notamment d’arcs et de flèches qui curieusement n’arrivent presque jamais à atteindre leur cible malgré le calme absolu de la « mer ». Mais attention : le clou du spectacle, le piment de cette bataille, se trouve dans l’eau. En effet, malheur aux pauvres combattants qui tombent à la « mer », car celle-ci est infestée de requins blancs aussi féroces qu’affamés. Comme les singes babouins, nos requins ont un côté bionique : ils foncent droit sur leur proie pour les dévorer à une vitesse prodigieuse, sans la moindre hésitation. Ridley Scott a du visiblement s’inspirer de la saga Piranha

Venons-en maintenant aux acteurs et au wokisme…

Dans le premier opus, chaque acteur, des premiers aux seconds rôles, incarnait son personnage avec une justesse et un charisme hors du commun. Joaquin Phoenix, dans le rôle de l’empereur Commode, était tout simplement fascinant, capturant avec brio la folie et la cruauté de son personnage. Quant à Richard Harris, il illuminait l’écran en Marc Aurèle, dégageant une sagesse et une prestance inoubliables. Mais c’est Russell Crowe, puissant et émouvant, qui livrait une performance véritablement mémorable avec le rôle de Maximus.

Des acteurs dans la galère…

Malheureusement, dans Gladiator II, personne ne semble vraiment y croire, ni les spectateurs, ni les acteurs eux-mêmes qui manquent cruellement de charisme. Hanno, le héros du film interprété par l’acteur Paul Mescal, peine à susciter la moindre émotion. La scène où il retrouve sa mère après près de deux décennies d’absence, censée être l’un des moments forts du film, tombe à plat et fait un grand « pschitt ».

Pour le personnage de Viggo, sorte d’entraîneur et coach des gladiateurs, Ridley Scott a opté pour un choix plutôt surprenant : l’acteur israélien Lior Raz, célèbre pour son rôle dans la série Netflix à succès Fauda. Eh bien, ça ne fonctionne pas du tout. Probablement parce que nous associons encore trop Lior Raz à son personnage emblématique de Doron Kabillio. À chaque apparition à l’écran, on s’attend presque à le voir allumer sa légendaire cigarette, grimper dans sa jeep aux couleurs de Tsahal et dégainer son arme. Le problème, c’est que Gladiator II se passe dans la Rome antique. C’est là toute la difficulté pour un acteur devenu indissociable d’un rôle de série.

L’idée que les hommes défendent les femmes, est sexiste…

Dans le registre de la parité, il y a le personnage d’Arishat, interprété par l’actrice Yuval Gonen, qui est l’épouse de notre héros. Jusque-là, tout va bien. Sauf qu’il subsiste tout de même quelques incohérences. Tout d’abord, à l’instar de son mari, on se demande comment elle a atterri dans ce royaume berbère. Tous deux semblent incarner à merveille un modèle d’intégration réussi. Félicitations ! Ensuite, lors de l’attaque des légions romaines au début du film, Arishat revêt une armure, saisit les armes et se bat avec une force et une motivation qui forcent le respect. Quelle bravoure ! La seule femme combattante, blanche de surcroît, au milieu des tribus berbères. Mais quelle était la probabilité qu’une femme ordinaire prenne les armes ainsi à cette époque ? Dans l’Antiquité, il aurait fallu un statut social particulier, Reine ou Princesse, pour qu’une femme se batte aux côtés des hommes. Et encore, cela relevait de l’exception.

La cérémonie d’ouverture des JO mais sans Céline Dion…

Dans celui de l’inclusivité, il y a les favoris, ou plus précisément les mignons, qui sont en permanence autour des empereurs Geta et Caracalla. Là, on retrouve des scènes qui nous font penser à la cérémonie d’ouverture des récents Jeux Olympiques, Céline Dion en moins. C’est à vrai dire très « fluide » (et très caricatural) au niveau des genres, des orientations sexuelles et même des modèles de couple. Ce ne sont plus les troupes romaines, mais les trouples romains.

Une diversité pas si heureuse que cela…

Et enfin, dans le registre de la diversité, il y a l’inénarrable Macrinus, incarné par Denzel Washington. Personnage clé du film, homme d’affaires influent et propriétaire de l’écurie de gladiateurs où sévit justement notre héros. Macrinus exerce une influence considérable sur les figures politiques, y compris nos deux empereurs. Par une série de manigances toutes plus sordides les unes que les autres, il finit par atteindre ses objectifs : devenir consul et prendre sous son autorité les armées romaines. Quel bel ascenseur social pour un homme de couleur et esclave affranchi ! Mais c’est ici que le scénario tord le cou à la réalité historique. Dans la Rome antique, quelle était la probabilité qu’un esclave noir accède à un poste aussi prestigieux et stratégique ? Une telle ascension aurait été tout simplement inconcevable, compte tenu de l’ordre social rigide et des préjugés culturels de l’époque.

Le wokisme a l’ambition, entre autres au travers des œuvres audiovisuelles, de changer les perceptions que les spectateurs sont supposés avoir des minorités ethniques, en partant du postulat que le racisme est à la fois systémique et structurel. Aujourd’hui, le cinéma n’est plus un simple divertissement : il est aussi devenu un outil de rééducation. Concrètement, il est désormais extrêmement difficile pour un acteur issu des minorités ethniques de décrocher un rôle de « méchant ». Pour les wokes, il est impératif d’attribuer, à travers la fiction, une image positive aux personnes issues des minorités, afin d’influencer favorablement un regard supposé négatif. Ceci dans l’objectif de lutter contre les discriminations, la xénophobie et le racisme.

Mais Gladiator II donne dans un wokisme « mi-figue mi-raisin ». Pourquoi ? Tout simplement parce que le personnage de Macrinus, interprété par Denzel Washington, est détestable à souhait. C’est juste une petite ordure terriblement cynique, ambitieuse et manipulatrice. Le genre de personnage avec qui l’on n’a franchement pas envie de partager une amphore de vin. Soyons clairs : Macrinus est un personnage odieux ! Et c’est là que le bât blesse. La belle diversité, introduite volontairement dans ce film en tordant les réalités historiques, est littéralement détruite par les facettes monstrueuses de ce personnage. Les wokes, espérant une représentation positive et valorisante, resteront sur leur faim.

Quant à la musique, il y avait tout de même des morceaux de toute beauté : ceux repris du premier opus.

À ceux qui iront voir Gladiator II malgré ma chronique, je leur dis avec beaucoup de respect : force et honneur !

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