ANALYSE – Golden Power et protectionnisme : La politique économique de Donald Trump et le blocage de l’acquisition de US Steel

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Golden Power et industrie stratégique américaine
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.

La récente décision de l’administration américaine de bloquer la vente de US Steel au géant japonais Nippon Steel pour des raisons de sécurité nationale constitue un exemple emblématique de la politique protectionniste et du recours au Golden Power adoptés sous la présidence de Donald Trump, et, à la surprise générale, confirmés par Joe Biden. Cette décision, qui a interrompu une opération estimée à environ 15 milliards de dollars, met en lumière les tensions croissantes autour du contrôle des actifs stratégiques et l’importance de la souveraineté économique aux États-Unis.

Le Golden Power : un outil de protection nationale

Le Golden Power est un mécanisme permettant aux gouvernements d’intervenir pour bloquer ou conditionner l’acquisition d’entreprises jugées stratégiques, afin de protéger les intérêts nationaux dans des secteurs clés tels que la défense, l’énergie et l’industrie lourde. Cet outil, largement utilisé sous la présidence Trump, a été justifié par la nécessité de préserver la sécurité nationale et l’autosuffisance économique.

Dans le cas spécifique de US Steel, le Golden Power a été utilisé pour empêcher l’un des derniers grands producteurs sidérurgiques américains de passer sous contrôle japonais. La sidérurgie, secteur crucial pour l’industrie automobile, la construction d’infrastructures et la défense, a été définie par Trump lui-même comme « un pilier fondamental de la sécurité nationale des États-Unis ».

La politique protectionniste de Trump

Donald Trump a bâti une grande partie de son agenda économique sur des politiques protectionnistes, imposant des droits de douane et des barrières pour contrer les pratiques commerciales jugées déloyales de pays comme la Chine et le Japon. Pendant son mandat, Trump a considérablement augmenté les droits de douane sur l’acier importé, les triplant pour les importations en provenance de Chine. L’objectif déclaré était de protéger les emplois américains et de soutenir une industrie sidérurgique nationale en difficulté face à la concurrence mondiale.

La décision de Biden de bloquer l’opération entre Nippon Steel et US Steel s’inscrit dans cette continuité : le président démocrate a adopté la même approche que son prédécesseur, motivant sa décision par la nécessité de préserver l’autonomie industrielle et de contrer le dumping sur les marchés mondiaux.

Implications économiques et politiques

Le blocage de la vente a cependant suscité des réactions contrastées. Alors que le syndicat United Steelworkers a salué la décision, remerciant Biden pour son engagement en faveur de l’industrie américaine, les marchés financiers ont réagi négativement. L’action de US Steel a chuté de 5 %, alimentant les craintes des investisseurs quant à l’avenir de l’entreprise et à l’attractivité du marché américain pour les investisseurs étrangers.

De plus, Nippon Steel pourrait engager des actions juridiques contre le gouvernement américain pour contester les modalités de blocage de l’accord. Cela pourrait ouvrir un nouveau front de tension commerciale entre les deux pays, avec des répercussions possibles sur d’autres partenariats industriels.

Un précédent dangereux ?

La décision d’interrompre l’opération avec Nippon Steel représente un signal important : les États-Unis ne sont pas disposés à céder le contrôle de secteurs stratégiques à des pays étrangers, même au risque de nuire à leurs relations avec des alliés historiques comme le Japon. Toutefois, il est à craindre que cette décision soit perçue comme une mesure protectionniste excessive, susceptible de décourager de futurs investissements dans le pays.

Avec une concurrence mondiale de plus en plus intense, notamment avec la Chine, le protectionnisme pourrait devenir une arme à double tranchant. Les investisseurs mondiaux, dont des géants comme Blackrock et Vanguard, pourraient choisir de déplacer leurs capitaux vers des marchés plus ouverts, affaiblissant davantage la position compétitive de l’industrie américaine.

La guerre économique comme projection de puissance

La décision de bloquer l’acquisition de US Steel par Nippon Steel illustre parfaitement les théories de l’École de guerre économique de Paris, selon lesquelles les économies avancées, comme celle des États-Unis, utilisent des outils économiques pour renforcer leur pouvoir géopolitique. Dans ce cas, empêcher qu’une entreprise stratégique passe sous le contrôle d’acteurs étrangers constitue une forme de défense active : préserver le contrôle des secteurs essentiels à la sécurité nationale, tels que la sidérurgie.

L’acier n’est pas seulement un matériau industriel, mais une ressource critique pour les infrastructures, l’industrie automobile et, surtout, la défense militaire. L’École de guerre économique considère ces secteurs comme des « actifs stratégiques » que chaque État doit protéger pour éviter des vulnérabilités en temps de crise.

Le Golden Power et la souveraineté économique

Le recours au Golden Power, largement utilisé par les États-Unis, est cohérent avec la théorie de la guerre économique : il constitue un outil pour exercer une souveraineté économique. Dans une ère où les échanges mondiaux sont dominés par des logiques de compétition géopolitique, la souveraineté économique est cruciale pour préserver l’autonomie décisionnelle et réduire la dépendance vis-à-vis d’acteurs étrangers.

Empêcher l’acquisition de US Steel signifie éviter qu’une entreprise étrangère, même issue d’un pays allié comme le Japon, accède à des technologies, des compétences et des marchés cruciaux pour les États-Unis. Cette vision est profondément enracinée dans la stratégie économique américaine des dernières années, qui se concentre sur le « découplage » des chaînes de valeur critiques des pays considérés comme des concurrents.

Au final, la décision de bloquer l’acquisition de US Steel est une confirmation pratique de la vision de l’École de guerre économique. Les États-Unis considèrent l’économie non pas comme un simple outil de croissance, mais comme un levier fondamental pour renforcer leur sécurité nationale et leur pouvoir global. Dans un monde de plus en plus fragmenté et compétitif, cette stratégie met en évidence le fait que la guerre économique est devenue une dimension incontournable des relations internationales.

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