Par Olivier d’Auzon
Le 14 décembre.2024, Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie, a réussi un tour diplomatique inattendu en rassemblant le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le président somalien Hassan Sheikh Mohamud (HSM) pour une déclaration conjointe. Ce geste, censé mettre fin à un an de tensions croissantes entre l’Éthiopie et la Somalie, soulève autant d’espoirs que d’incertitudes, alors que plusieurs facteurs pourraient en déterminer la viabilité dans les mois à venir.
Le contexte : la menace de l’accord éthiopien avec le Somaliland
En janvier 2024, l’Éthiopie a signé un protocole d’accord (PE) avec le Somaliland, une région autoproclamée indépendante de la Somalie. Cet accord, selon Andrew Korybko, impliquait une reconnaissance potentielle de la déclaration d’indépendance du Somaliland en échange d’un accès portuaire stratégique pour les intérêts militaires et commerciaux d’Addis-Abeba. L’annonce a été perçue par Mogadiscio comme une menace directe pour sa souveraineté territoriale, déclenchant une escalade diplomatique et sécuritaire.
En réponse, la Somalie a conclu un accord de sécurité côtière avec la Turquie, alliée historique de l’Éthiopie, puis formé un axe militaire avec l’Égypte et l’Érythrée, rivaux régionaux d’Addis-Abeba. Cette montée en tension a mis en lumière les fragilités internes de la Somalie. Selon le chroniqueur en géopolitique Andrew Korybko, des États comme le Puntland, le Sud-Ouest et le Jubaland ont bel et bien profité de la situation pour s’éloigner davantage du gouvernement fédéral, citant des désaccords constitutionnels et sécuritaires.
Les termes de la déclaration : une tentative d’apaisement
Dans ce contexte volatile, la déclaration conjointe négociée par la Turquie se veut une initiative pour stabiliser les relations bilatérales et renforcer le Gouvernement Fédéral de Somalie Les deux parties ont notamment reconnu la souveraineté, l’unité, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’autre. De plus, elles se sont engagées à « laisser de côté les différends et les questions litigieuses », tout en reconnaissant les sacrifices des soldats éthiopiens dans les missions de l’Union Africaine.
Pour autant, l’élément le plus significatif reste l’annonce de « négociations techniques » pour permettre à l’Éthiopie un accès « fiable, sécurisé et durable » à la mer sous l’autorité de la Somalie. Andrew Korybko souligne que cet engagement a été interprété par certains comme un signal d’abandon implicite du protocole d’accord entre l’Éthiopie et le Somaliland, d’autant plus que cette déclaration coïncide avec des rumeurs rapportées par Semafor sur une reconnaissance imminente du Somaliland par une éventuelle administration Trump.
Les trois conditions clefs pour l’avenir de la déclaration
Pour évaluer la viabilité de cette déclaration, Andrew Korybko identifie trois conditions principales :
- Le maintien des troupes anti-terroristes éthiopiennes en Somalie :Initialement, Mogadiscio semblait déterminée à demander leur départ. Cependant, selon l’analyste régional Rashid Abdi, le ministre somalien des Affaires étrangères aurait récemment rétropédalé sous la pression de la base dure de HSM. Si Addis-Abeba est forcée de retirer ses troupes, elle pourrait accuser la Somalie de violer l’engagement de « laisser de côté les différends », ce qui mettrait en péril les négociations.
- L’attitude du nouveau président du Somaliland :Abdirahman Mohamed Abdullahi, le nouveau dirigeant du Somaliland, serait moins enclin à collaborer avec Abiy Ahmed que son prédécesseur, selon Ragip Soylu de Middle East Eye. Si cela se confirme, cela pourrait compliquer l’avenir du PE et renforcer la position de la Somalie dans les négociations techniques.
- La reconnaissance du Somaliland par Trump : AndrewKorybko avance que si Trump, dans un éventuel second mandat, décide de reconnaître le Somaliland, cela pourrait bouleverser l’équilibre régional. Une telle reconnaissance pourrait pousser l’Éthiopie à abandonner le PE pour se concentrer sur les termes de la déclaration conjointe ou, au contraire, être coordonnée avec d’autres puissances comme l’Inde ou les Émirats Arabes Unis pour redéfinir la dynamique régionale.
Analyse finale : concession ou victoire tactique ?
Pour Andrew Korybko, la déclaration conjointe semble, à première vue, être une concession somalienne plus qu’une victoire éthiopienne. L’Éthiopie a en effet réaffirmé l’intégrité territoriale de la Somalie, mais cela correspond à l’état actuel des faits, car le PE n’a pas encore abouti à une reconnaissance formelle du Somaliland.
Cependant, tout reste fragile. Si la Somalie cède sous la pression de sa base politique pour exiger le départ des troupes éthiopiennes ou si le Somaliland adopte une ligne dure contre Abiy Ahmed, les négociations pourraient échouer. Enfin, l’hypothèse d’une reconnaissance américaine du Somaliland pourrait redessiner le jeu diplomatique, rendant les engagements actuels obsolètes.
Pour l’heure, comme le conclut Andrew Korybko, la déclaration conjointe est une tentative somalienne d’apaiser les tensions avant un éventuel retour de Donald Trump. Pourtant, les fissures internes en Somalie et les ambitions éthiopiennes rendent son avenir incertain. Les observateurs régionaux devront donc suivre de près l’évolution des négociations au cours des prochains mois.
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