ANALYSE – Tripoli face aux ambitions rivales : Arrestation de Russes, tensions russo-turques et appel à la souveraineté

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Présence russe en Libye
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors de ses pourparlers avec Fayez el-Sarraj, Président du Conseil présidentiel et Premier ministre du gouvernement d’union nationale libyen, New York, le 22 septembre 2017, Source : 
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Par Olivier d’Auzon

Le Premier ministre libyen, Abdul Hamid Dabaiba, a dénoncé de Tripoli les récentes tentatives de la Russie de renforcer sa présence militaire en Libye. Lors d’une déclaration marquante, il a affirmé que son pays ne deviendrait pas une plateforme pour les luttes d’influence internationales, et a exprimé sa préoccupation face à la militarisation accrue de l’est libyen, une région déjà fragilisée par des années de conflit.

« Nous refusons que des conflits internationaux soient transférés en Libye. Notre pays ne doit pas devenir un champ de bataille pour des puissances étrangères », a déclaré Abdul Hamid Dabaiba, dont le gouvernement est reconnu par l’ONU et basé à Tripoli.

Une Libye divisée face aux ambitions russes

Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est plongée dans un chaos politique et sécuritaire. Le pays est divisé entre le gouvernement de Tripoli, soutenu par l’ONU, et une administration rivale basée dans l’est, dirigée par le maréchal Khalifa Haftar. Ce dernier bénéficie depuis des années du soutien militaire et logistique de Moscou, qui cherche à renforcer son influence dans la région méditerranéenne.

Des rapports récents indiquent que la Russie a transféré des équipements militaires depuis ses bases en Syrie – notamment Tartous et Hmeimim – vers la base libyenne d’al-Khadim, près de Benghazi. Ces équipements incluraient des systèmes de défense aérienne avancés tels que les S-300 et S-400. Ce renforcement militaire s’inscrit dans un contexte de repositionnement stratégique de Moscou après la chute du régime Assad en Syrie, qui a fragilisé sa présence dans ce pays.

Pour Abdul Hamid Dabaiba, ces manœuvres risquent d’aggraver la crise interne libyenne. « Aucun patriote ne veut voir une puissance étrangère imposer son autorité sur notre pays », a-t-il affirmé. Il a également indiqué avoir contacté l’ambassadeur de Russie pour demander des explications.

Une stratégie russe en mutation

La Russie, confrontée à une situation plus hostile et incertaine en Syrie, souhaite vouloir consolider sa présence en Libye pour préserver son influence en Afrique du Nord et dans la Méditerranée. Cependant, cette stratégie inquiète non seulement les autorités de Tripoli, mais également les puissances occidentales.

Les déclarations de Dabaiba compliquent considérablement la stratégie de Moscou

Selon Jalel Harchaoui, expert au Royal United Services Institute (RUSI), cette opposition publique d’Abdul Hamid Dabaiba représente un « moment charnière ». « La Russie, qui se positionnait comme un acteur neutre capable de dialoguer avec les deux camps en Libye, perd cette image. Les propos de Dabaiba compliquent considérablement sa stratégie », analyse-t-il.

Pressions économiques américaines

Les tensions politiques s’accompagnent d’une pression économique accrue exercée par les États-Unis. La Réserve fédérale de New York a récemment suspendu les transactions en dollars avec la Banque centrale libyenne, exigeant un audit indépendant pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette décision fait suite à des révélations sur des disparitions de fonds, notamment 9 milliards de dollars de revenus pétroliers non comptabilisés en 2023.

Les experts estiment que cet audit pourrait mettre au jour des preuves de contrebande de pétrole et des liens financiers entre les factions de l’est libyen et Moscou. Une telle découverte pourrait ouvrir la voie à des sanctions ciblées contre les responsables impliqués.

Une bataille pour la souveraineté

Alors que la Russie intensifie ses activités militaires en Libye, le maréchal Haftar continue de réclamer des systèmes de défense aérienne pour prévenir d’éventuelles attaques similaires à celles de 2020, lorsque ses forces avaient été lourdement affaiblies par des drones turcs.

Pour Tripoli, la présence militaire accrue de Moscou menace la souveraineté nationale et exacerbe les divisions internes. En s’opposant à ces mouvements, Dabaiba tente de renforcer sa position sur la scène internationale, tout en répondant aux attentes d’une population fatiguée des ingérences étrangères.

Un avenir incertain

Pour Abdul Hamid Dabaiba, l’enjeu principal, qui tient de la gageure… il consiste à préserver l’intégrité et la souveraineté de son pays dans un contexte international marqué par des rivalités géopolitiques de plus en plus marquées.

L’arrestation des ressortissants russes en Libye : Escalade des tensions avec Moscou

L’arrestation récente de trois ressortissants russes à Tripoli, accusés d’activités de renseignement ou d’ingérence politique, reflète les tensions croissantes entre la Russie et les autorités libyennes. Cet incident survient dans un contexte où Moscou renforce sa présence dans l’Est libyen, notamment via le groupe paramilitaire Wagner, et intervient dans un environnement géopolitique de plus en plus fragmenté.

Les autorités de Tripoli ont intensifié leur vigilance à l’égard des étrangers impliqués dans des activités politiques ou militaires. Selon les premières informations, les trois Russes arrêtés seraient liés à des activités suspectes :

Cette arrestation s’ajoute à d’autres incidents récents visant à limiter l’influence étrangère dans les zones sous contrôle du Gouvernement d’Union Nationale (GNA), soutenu par la Turquie.

La présence russe en Libye : Un enjeu stratégique

Depuis le retrait partiel de ses forces de Syrie, la Russie a concentré une partie de ses efforts militaires et diplomatiques en dans l’est libyen. Ce pivot s’explique par plusieurs motivations :

  • Soutien au maréchal Khalifa Haftar : En tant qu’acteur clé dans l’Est libyen, Haftar bénéficie de l’appui militaire et logistique du groupe Wagner, considéré comme un bras armé non officiel du Kremlin.
  • Contrôle des ressources : L’Est libyen abrite une part importante des réserves de pétrole du pays, que Moscou cherche à sécuriser pour renforcer son influence économique.

Le rôle du groupe Wagner

Le groupe Wagner opère en Libye depuis 2018, jouant un rôle crucial dans les campagnes militaires de Haftar. Outre son soutien direct sur le terrain, Wagner :

  • Contrôle des installations stratégiques, telles que des champs pétroliers et des bases militaires.
  • Sert d’intermédiaire pour étendre les intérêts russes tout en évitant une implication officielle directe.

Réaction du Kremlin et implications internationales

Le Kremlin a du reste rapidement réagi aux arrestations, dénonçant une « provocation » et exigeant la libération immédiate de ses ressortissants. Ces accusations s’inscrivent dans une rhétorique plus large, où Moscou affirme vouloir protéger ses intérêts et ses citoyens dans une région instable.

Position des autorités de Tripoli

Tripoli, soutenu militairement par la Turquie depuis 2020, cherche à réduire la portée des interventions russes dans les zones contrôlées par le Gouvernement d’Union Nationale (GNA). Les arrestations sont bel et bien interprétées comme un message adressé à Moscou, indiquant que ses actions clandestines ne seront pas tolérées.

Enjeux géopolitiques en Libye et rivalités internationales

La Libye est devenue un champ de bataille pour plusieurs puissances étrangères, chacune poursuivant ses propres intérêts :

  • La Russie : Elle voit en la Libye une porte d’entrée vers l’Afrique, un moyen de sécuriser des ressources énergétiques, et un levier stratégique face à l’OTAN.
  • La Turquie : Soutenant le GNA, Ankara cherche à s’assurer une part des ressources énergétiques libyennes et à contrer l’influence russe.
  • L’Europe : Des pays comme l’Italie et la France surveillent étroitement la situation, craignant une aggravation de l’instabilité régionale qui pourrait alimenter les flux migratoires vers l’Europe.

Le rôle des ressources pétrolières

La Libye dispose de réserves pétrolières parmi les plus importantes d’Afrique, ce qui en fait un terrain stratégique pour les grandes puissances. Le contrôle de ces ressources est au cœur des rivalités entre les factions locales et leurs soutiens internationaux.

La compétition entre les factions libyennes, alimentée par le soutien étranger, continue de fragmenter le pays. Les arrestations de ressortissants russes peuvent exacerber les tensions entre Tripoli et les forces de l’Est, soutenues par Haftar.

L’arrestation des trois Russes fin décembre 2024, illustre les défis posés par l’ingérence étrangère dans le conflit libyen. Si Moscou cherche à accroître son influence, Tripoli semble déterminé à défendre sa souveraineté, soutenu par des alliés comme la Turquie.

L’incident met en lumière les enjeux géopolitiques plus larges, où la Libye reste un terrain d’affrontement pour des intérêts divergents, au détriment de sa population.

À lire aussi : Montée en puissance de la Russie en Libye : vers une nouvelle dynamique géopolitique ?


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