L’ombre de la Russie sur la mer Rouge : L’accord naval soudano-russe signé

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Presence militaire russe en mer rouge
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Olivier d’Auzon

Depuis des décennies, la mer Rouge est un carrefour stratégique où les ambitions des puissances mondiales se croisent et s’affrontent. Dans cet échiquier géopolitique complexe, la Russie, patiente et méthodique, avance ses pions avec une détermination qui force l’attention, révèle l’agence Reuters, le 12 février 2025.

 Le 12 février 2025 à Moscou, une rencontre sobre mais chargée de significations s’est déroulée entre le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, et son homologue soudanais, Ali Yusef Sharif. Lors d’une déclaration à Russia Today, Sharif a confirmé que l’accord signé il y a plusieurs années pour la création d’une base navale russe au Soudan était toujours en vigueur. « Il n’y a aucun désaccord », a-t-il affirmé.

Selon lui, la seule chose qui retarde son exécution est sa ratification formelle. Derrière ces mots apparemment anodins, c’est un bras de fer stratégique qui se joue.

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Un projet russe ancré dans l’histoire récente du Soudan

L’idée d’une base navale russe à Port-Soudan ne date pas d’hier. En 2017, sous la présidence d’Omar el-Béchir, un accord préliminaire avait été signé avec Moscou, illustrant la volonté du Kremlin de renforcer sa présence militaire en Afrique. Mais le vent a tourné en 2019 avec la chute du régime el-Béchir, plongeant le pays dans une transition politique chaotique. La junte militaire, nouvellement installée, a remis en question de nombreux accords conclus sous l’ancien régime, y compris le projet de base russe.

La situation s’est encore complexifiée en avril 2023, lorsque le Soudan s’est enfoncé dans une guerre civile sanglante opposant l’armée régulière, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan, aux Forces de soutien rapide (RSF) du général Mohamed Hamdan Dagalo. Dans ce contexte troublé, la Russie a dû redoubler de prudence pour maintenir ses relations avec toutes les factions.

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Une mer Rouge convoitée par les grandes puissances

Pourquoi Moscou tient-elle tant à une base au Soudan ? La réponse est à chercher dans la carte maritime du globe. La mer Rouge est l’une des voies de navigation les plus stratégiques du monde, reliant la Méditerranée à l’océan Indien via le canal de Suez. La Russie, qui cherche à asseoir sa présence dans les eaux chaudes après des décennies d’effacement post-soviétique, voit en Port-Soudan une opportunité unique.

Un tel avant-poste permettrait à la flotte russe de projeter sa puissance vers l’Afrique de l’Est, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud. De plus, alors que les tensions avec l’Occident se sont exacerbées depuis la guerre en Ukraine, Moscou cherche à diversifier ses alliances militaires et économiques en se tournant vers l’Afrique et l’Asie.

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Une opposition discrète mais réelle

Si le ministre soudanais affirme qu’« il n’y a aucun obstacle » à l’accord, la réalité est plus nuancée. Plusieurs acteurs internationaux voient d’un mauvais œil cette avancée russe en mer Rouge.

Les États-Unis, déjà préoccupés par l’influence croissante de la Chine dans la région, surveillent attentivement les manœuvres du Kremlin. Washington a multiplié les pressions diplomatiques sur Khartoum ces dernières années, cherchant à dissuader la junte soudanaise d’aller trop loin avec Moscou.

Les pays du Golfe, qui ont massivement investi au Soudan, ne cachent pas non plus leur inquiétude. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont des intérêts économiques et sécuritaires directs dans la région et redoutent un bouleversement de l’équilibre militaire en faveur de la Russie.

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Un Soudan fracturé, un projet incertain

Le principal obstacle au projet reste cependant la situation interne du Soudan. En pleine guerre civile, le pays est un champ de bataille où les alliances se font et se défont au gré des rapports de force. Dans ce chaos, toute décision stratégique est soumise à des intérêts de court terme, et une base militaire étrangère pourrait bien être utilisée comme monnaie d’échange dans le grand marchandage du pouvoir.

Par ailleurs, même si la base venait à voir le jour, son fonctionnement dépendrait de la stabilité du régime en place. Une instabilité prolongée pourrait fragiliser la présence russe et compliquer l’entretien d’une telle infrastructure.

Quel avenir pour la présence russe au Soudan ?

Moscou, fidèle à sa doctrine de patience stratégique, ne semble pas pressé. Tant que l’accord demeure en vigueur, la Russie sait que le moment opportun viendra. Le Kremlin a prouvé qu’il était capable d’attendre des années avant de concrétiser ses ambitions, comme en témoigne son engagement progressif en Afrique centrale et au Sahel.

Mais la mer Rouge n’est pas le Sahel. Ici, les intérêts des grandes puissances sont plus intenses, les équilibres plus fragiles et les risques de confrontation plus élevés. Si la Russie réussit à établir sa base à Port-Soudan, elle s’offrira un levier stratégique de premier plan. Mais si l’opposition internationale et la guerre interne soudanaise l’en empêchent, ce sera un revers pour ses ambitions navales en Afrique.

Une chose est sûre : dans ce jeu d’influence où chaque acteur avance ses pions avec prudence, le sort de cette base militaire ne sera pas décidé uniquement à Moscou ou à Khartoum, mais bien sur l’ensemble de l’échiquier mondial.

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