
Par Alfred Courcelles
Cette analyse se concentre principalement et presque exclusivement sur les sujets énergétiques abordés par Donald Trump lors de son cinquième Discours de l’Union, mardi 4 mars 2025. Avant toutes choses, il convient de rappeler que l’exercice du Discours de l’Union n’est pas une déclaration générale de politique étrangère, mais surtout un exercice politique et institutionnel domestique. Mais, s’y glisse souvent les traits de la stratégie internationale américaine…
Le Président des Etats-Unis, Donald Trump, commence par rappeler qu’il a déclaré un état d’urgence national sur la question énergétique dès les premiers jours de son mandat. Ce n’est pas anecdotique. En effet, la liste des pouvoirs que confère la Constitution au Président des Etats-Unis est une liste positive et restrictive : ce qui n’y est pas mentionné ne relève pas de sa compétence. La sécurité énergétique n’y est pas mentionnée explicitement, la sécurité et les urgences nationales le sont. De ce fait, le Président indique clairement le cheminement institutionnel à suivre pour considérer pleins et entiers l’exercice et la régularité des décisions qu’il prend sur les sujets énergétiques. Le Président précédent, Joe Biden, avait procédé de la même manière pour la question climatique, question qui aura vectorisé nombre d’actions énergétiques et stratégiques de son administration, tant sur le plan domestique qu’international.
Le Président Trump rappelle qu’il a retiré les Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le Climat : il en juge les conditions déloyales, injustes et exorbitantes pour la nation américaine. Il indique que ces mesures ne s’imposent pas, selon lui, à tous de la même manière. Il vise ainsi, sans le dire, la base même de l’accord qui est fondé sur les responsabilités communes mais différenciées. Il vise en particulier la Chine, toujours sans le dire, Chine qui est considéré comme un pays en voie de développement au titre de cet accord et bénéficie d’un traitement plus favorable au titre de certains financements par exemple. Plus largement, il rejoint, à nouveau, les éléments doctrinaux des « 3C’s » américains, établis par les Etats-Unis dès le sommet de Rio en 1992, et qui ont toujours guidé les Etats-Unis en regard des sujets environnementaux. Cette doctrine lit la situation et lie les implications « Cost, comprehensiveness et competitiviness », c’est-à-dire les coûts imposés aux américains, les avantages comparatifs concédés ou conquis sur la scène internationale, par qui et à quel prix.
Dans la même veine, et aux motifs économiques et sociétaux, le Président Trump rappelle qu’il rend l’accès plus libre aux gisements américains d’hydrocarbures (Drill, baby drill) et qu’il « stoppe les véhicules électriques », comprendre les mesures fédérales incitatives à leur endroit. Il nourrit sa rhétorique des bénéfices immédiats quant à la baisse du prix des énergies grâce notamment « au précieux liquide noire dont le sous-sol américain est béni » ainsi qu’une amélioration immédiate et déjà sensible, elle-aussi, de la situation au sein de la filière automobile américaine qui fait, selon lui, la fierté de nombreux territoires dans tout le pays.
Pour protéger l’économie américaine de façon générale, et l’industrie automobile en particulier, Trump indique qu’il a mis en place des tarifs douaniers, et qu’il entend poursuivre cette stratégie et répondre aux contre-mesures éventuelles des pays visés. Il indique que son objectif est d’égaliser les tarifs (« one for one »). Il entend d’ailleurs se servir des recettes générées dans le but de diminuer la pression fiscale domestique.
La sécurité énergétique et minérale des Etats-Unis bénéficiera de la stratégie présidentielle réglementaire dite du « 1 for 10 » : toute nouvelle réglementation ne peut être publiée et ne peut entrer en vigueur qu’à la condition que dix autres soient annulées ou abrogées. En ce sens, l’exploitation des gisements minéraux devra bénéficier de procédures simplifiées et d’une règlementation allégée.
Sur les minerais critiques, évidemment, l’accord avec l’Ukraine est évoqué, occasion de pointer, selon Trump, le ridicule des européens prêts à défendre et soutenir l’Ukraine alors qu’ils auraient dépensé plus en gaz russe depuis le début du conflit qu’en aide pour l’Ukraine. Il souligne à cette occasion, de manière marquée, que l’accord, prêt à être signé, considère à la fois les terres rares et les minerais critiques. Il s’agit certainement, avec cette insistance, de marquer clairement le périmètre de l’accord (et sa maitrise du sujet…).
Au même chapitre, il convoque le Groenland, nation qui s’autodéterminera mais dont l’importance stratégique pour la sécurité internationale et la sécurité militaire américaine est mentionnée. Outre la position stratégique du Groenland sur l’échiquier des pôles et des lignes maritimes qui pourraient y émerger dans un avenir pas si lointain, personne ne peut plus ignorer, aujourd’hui, les gisements minéraux dont l’île regorge. C’est en particulier le cas de terres rares, singulièrement les terres rares lourdes (Dysprosium et Terbium), dont les armées et les technologies militaires avancées, émergentes et disruptives crient leurs besoins, mais où la Chine exerce un monopole quasi-total.
Pour terminer sur des enjeux plus traditionnels de la diplomatie énergétique américaine, le gaz américain apparait directement et indirectement dans le discours. Très concrètement, la reprise de la maitrise du Canal du Panama s’entend dans la volonté d’un accès libre et souverain au bassin Pacifique, bassin qui constitue le cœur des échanges GNL mondiaux et principal relais de croissance en la matière. Trump aborde de manière plus direct le projet de pipeline puis de terminal méthanier en Alaska avec des partenaires asiatiques à desservir et explicitement mentionnés : le Japon et la Corée du Sud.
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Sur le GNL et les minerais critiques, au prisme de la sécurité énergétique et économique des Etats-Unis, il n’y a pas de rupture franche entre le Président Trump et le Président Biden, comme il n’y avait pas eu, dans les faits une rupture dans la situation inverse, il y a 4 ans. En effet, même si Biden avait gelé la délivrance de baux sur les terres fédérales à destination de l’exploitation des hydrocarbures, la réserve en baux comme la fraction de la part fédérale dans la production nationale d’hydrocarbures n’ont pas freiné l’ascension des hydrocarbures américains, toujours numéro 1 sur la planète. La méthode diffère de celle de Biden, certes. Pour le secteur du pétrole, il doit être remarqué que les discussions pour une paix durable en Ukraine se mènent en Arabie Saoudite, entre les Etats-Unis et la Russie : les trois premiers pays producteurs d’or noir. L’accès au bassin pacifique, via le Canal du Panama, peut conditionner des accords avec la Russie sur le marché européen du gaz, très dépendant, aujourd’hui tant du GNL russe que du GNL américain. Il faut noter également que l’accès au bassin pacifique pour le GNL américain apparait essentiel, nécessaire et évident. L’affaire NordStream n’est pas terminée. Son explosion n’est peut-être pas la fin de son histoire, surtout si l’on en croit les projets d’investisseurs américains qui cherchent l’approbation des institutions américaines pour ranimer le projet au moment même des négociations pour une paix en Ukraine. Avec la vanne à la main des Américains, il est possible que le pipeline de gaz Nordstream ne pose plus les mêmes problèmes qui avaient conduit à l’extrême médiatisation de la mise en service du second rang de cette artère gazière structurante de l’économie allemande et européenne, aujourd’hui en peine et à la recherche d’une énergie peu chère et abondante. La nécessité fera-t-elle la loi ? Par ailleurs, sur le sujet des minerais critiques et des terres rares en Ukraine, il n’est pas impossible d’imaginer que, compte tenu des rhétoriques embrassées par l’un et l’autre des Présidents sur les minerais critiques, très similaires voire identiques mais assurément continues, les contreparties exigées à l’Ukraine eussent été les mêmes ; avec une méthode différente, certes. La forme, c’est le fond qui refait surface (Victor Hugo).
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