« Quand une femme met au monde un garçon, elle en fait un homme, quand elle met au monde une fille, elle crée un peuple «
Cette réflexion placera la démographie au cœur des questionnements, au vu de l’urgence des enjeux auxquels l’Humanité est confrontée. Dans la profondeur des cultures, des traditions et des civilisations s’enracine un véritable savoir, trop souvent négligé. Il constitue pourtant la source vive des rapports sains aux mondes. La rupture entre l’homme et la nature au cœur d’une hypermodernité angoissée et au sein de cultures consuméristes dominantes ont mis en péril les équilibres de tous.
L’humanité porte donc en son sein autant les capacités de sa propre destruction que l’inspiration d’une relation harmonieuse avec le cosmos. Il s’agira d’explorer et de mettre en valeur, dans la transversalité des cultures, l’exemplarité des savoirs et de pratiques enfouies dans les mémoires, en vue de stimuler des créativités nouvelles en faveur de la sauvegarde planétaire. Parmi les justifications à ce monopole masculin des fonctions religieuses liées au sacré et à la parole publique, jusqu’à une période récente, il y a celles qui relevaient du fonctionnement de sociétés où la hiérarchie entre les sexes allait de soi.
Un autre élément lié à des structures d’ordre anthropologique peut intervenir : l’idée d’impureté attachée au corps féminin, thématique très présente dans les traditions juive et musulmane et aussi dans le monde chrétien. Cette représentation des femmes comme des êtres “impurs” est partagée par nombre de sociétés traditionnelles.
Parmi les hypothèses avancées pour tenter de comprendre ce phénomène, il y a celle du regard masculin mêlant peur et fascination sur ce qui a longtemps été considéré comme un mystère du corps féminin capable de mettre au monde les enfants y compris l’autre sexe. Un regard ambivalent qui a pu provoquer le désir de s’approprier le corps des femmes tout en le considérant avec méfiance.
Il y a sans doute là une des explications de l’impossible accès des femmes à des fonctions à caractère sacré, dans nombre de traditions religieuses. Il se trouve que les prêtres catholiques et orthodoxes le deviennent par un sacrement à la différence des rabbins juifs, des imams musulmans ou des pasteurs protestants dont la tâche n’a pas de caractère sacré. On comprend alors mieux le refus, toujours actuel, des autorités catholiques romaines ou des églises orthodoxes, à autoriser l’accès des femmes à la prêtrise. Il y a bien là un verrou qui demeure, même si d’autres éléments doivent être pris en compte comme celui de l’accès, pour les femmes, à des responsabilités et des fonctions de pouvoir, un problème plus politique que proprement religieux. Dans le cas de la hiérarchie catholique, l’enjeu est celui de la participation des femmes au gouvernement de l’Eglise. Le pouvoir religieux a longtemps été et demeure encore souvent un monopole masculin. Un phénomène que l’on retrouve dans d’autres domaines, en politique par exemple, jusqu’à une période très récente. L’église catholique, dans ses institutions, son organisation, ses lieux de décision, est demeurée, au fil des siècles, très masculine. Le clergé catholique était et est encore un monde d’hommes sans femmes, même si la règle très ancienne du célibat des prêtres ne fut pas toujours respectée, d’où le rappel à l’ordre du Concile de Trente au 16ème siècle. Il y a là une différence importante avec le monde juif et protestant, où les fonctions de rabbin et de pasteur, exercées elles aussi exclusivement par des hommes jusqu’au milieu du XXe siècle, l’étaient par des hommes mariés. Mais là encore, le pouvoir religieux dans la communauté était traditionnellement affaire d’hommes. Ce n’est que dans le dernier tiers du XXe siècle que le paysage institutionnel des Eglises protestantes a connu une réelle féminisation.
Hiérarchie entre les sexes, méfiance à l’égard des femmes, interdits, absence des lieux de pouvoir, autant d’éléments qui semblent confirmer la vision très critique du rôle des religions dans les inégalités entre hommes et femmes. Mais la recherche historique a diversifié ses approches et ses objets de recherche. Elle s’intéresse, grâce aux travaux en histoire des femmes et du genre, au monde des femmes, à leurs activités, à leurs itinéraires singuliers, mais aussi au genre qui permet d’interroger ce qui est de l’ordre du masculin et du féminin au plan réel et symbolique.
Le renouveau féminin en question
Il va sans dire que les femmes musulmanes qui portent ce discours rénovateur sont confrontées à de multiples défis, dont l’un des plus importants est d’être sur deux fronts à la fois : un front « externe », où elles luttent contre les stéréotypes médiatiques dévalorisants, et un front « interne », où elles doivent s’atteler à déconstruire le classique discours sur « la femme et l’islam » prôné par l’idéologie islamique traditionaliste et majoritaire. C’est donc sur un double registre, celui des droits humains universels et celui d’un référentiel religieux réapproprié, que le chemin de ce renouveau féminin est en train de se construire et de prendre forme.
Force est de constater, donc, l’existence, au sein du monde musulman, mais aussi dans les communautés musulmanes d’Occident, d’une dynamique féminine qui, loin d’être uniformisée, semble être traversée par des sensibilités diverses et dont chacune, à sa manière, tente de remettre en cause le conformisme sociopolitique traditionnel qui régit le statut des femmes1. La caractéristique essentielle de ce renouveau féminin en islam réside dans la volonté affichée des femmes – théologiennes, universitaires, militantes associatives… – de développer un discours qui leur soit propre. Il faut le dire clairement : les femmes musulmanes en ont assez d’être des « sujets d’étude », d’être des « boucs émissaires », de voir que l’on parle toujours à leur place et qu’on les renvoie toujours à la même symbolique, celles d’éternelles mineures, sujets passifs de leur histoire et otages de discours que les autres font et refont au gré des événements géopolitiques ! Le discours prôné par cette nouvelle génération de femmes musulmanes est un discours qui, paradoxalement à l’idée véhiculée d’un islam générateur de discriminations, est un discours qui souligne la centralité et l’importance de la dynamique libératrice au sein du référentiel islamique.
En effet, ayant eu accès aux sources textuelles, notamment à la dimension éthique du Coran, ces femmes ont compris que ce n’est pas le message spirituel de l’islam qui est en cause dans leur réclusion millénaire, mais bien toutes les interprétations humaines qui se sont accumulées dans la production religieuse – et aussi dans les mentalités – et qui ont été favorisées par des contextes socioculturels et politiques structurellement défavorables à la présence féminine dans l’espace du savoir religieux2.
Conclusion
C’est donc d’une nouvelle approche réformiste du religieux qu’il s’agit, celle qui, à partir d’un raisonnement et d’une réflexion théologique résolument libératrice, est à même de penser et de vivre l’islam dans la modernité, notamment sur cette question des femmes et de leurs droits égalitaires.