TRIBUNE – Philippine n’aura jamais 20 ans

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Philippine Défaillances des politiques pénales françaises
À titre liminaire, il faut savoir qu’en France, seulement 7 % des OQTF délivrées sont exécutées. Autant dire que la majeure partie des migrants qui pénètre sur le sol y demeure… fut-ce illégalement sans être inquiétée. Photo DR

Par Catherine Massaut, ancienne magistrate

Philippine est morte. 

Cette étudiante innocente, âgée de 19 ans, en deuxième année à l’université de Dauphine, a rencontré un soir de septembre 2024, tandis qu’elle traversait le bois de Boulogne, la cruauté et la barbarie incarnée par un individu de nationalité marocaine qui l’a violée, brutalisée (l’autopsie dira si ces brutalités constituent ou non des actes de “torture et de barbarie”), et pour finir assassinée, laissant le corps inerte de la jeune fille à l’abandon, recouvert de terre. 

Elle sera retrouvée le lendemain par ses proches qui s’inquiétaient de son absence.

Vision d’horreur indescriptible pour sa famille et ses amis qui l’ont retrouvée. 

Le criminel, qui s’était enfui en Suisse, a été appréhendé grâce à une collaboration fructueuse des services de police des deux pays. Il est aujourd’hui entre les mains de la justice française et l’enquête est en cours.  

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Résonnent à cette seconde, les paroles d’indignation légitime, de Mme Harmony veuve Comyn “La France a tué mon mari”.  

La France a-t-elle tué Philippine ? 

Tout d’abord, la mort atroce de Philippine, incombe au premier chef à son présumé meurtrier, ce marocain sous OQTF, récidiviste pour avoir été condamné pour viol à l’âge de 17 ans, à sept ans d’emprisonnement. 

Sa libération anticipée aux deux tiers de la peine conjuguée aux remises légales de peine le conduira à ne purger qu’à peine 5 ans de prison. Nous y reviendrons. 

En second lieu, l’auteur de ces lignes est enclin à dire : “Oui, la France a tué Philippine”. 

Non, pas la France historique et charnelle ni son peuple, bien sûr, mais celle de ses politiques qui la gouvernent et donc la représentent depuis 40 ans : l’incompétence, l’impéritie, l’impuissance, le déni et la médiocrité dont ils font preuve à protéger les plus vulnérables, face à l’explosion « délinquantielle » de plus en plus criminelle en lien étroit avec une immigration à flux continus, débridée, composée pour partie, d’individus frustres qui n’ont aucun respect pour la femme, pour la vie, pour les habitants de la terre d’accueil qu’ils se sont choisie. 

C’est pourquoi cette affaire revêt une complexité particulière du fait des interactions – complexes politiques, juridiques, judiciaires –qui ont conduit à ce drame qui aurait pu être évité, qui n’aurait pas dû se produire. 

Deux grandes lignes se dégagent de cette défaillance avérée des responsables politiques aux manettes se succédant les uns les autres pour ne rien faire : ⁃ La politique pénale est défaillante. ⁃ La politique d’immigration est inexistante. 

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 LA POLITIQUE PÉNALE EST DÉFAILLANTE

Il ne s’agit pas ici de critiquer l’intégralité du code pénal et du code de procédure pénale, mais seulement d’évoquer quelques pistes de réflexion qui sont à la source de la tragédie qui a coûté la vie à Philippine.

1/ le suspect est récidiviste et mineur lors des premiers faits qui l’ont conduit en prison : 

Il a été condamné une première fois du chef de viol tandis qu’il était mineur, et donc a été bénéficiaire de l’excuse de minorité qui a ramené à moitié de la peine, celle normalement prononcée à l’encontre d’un violeur majeur. 

C’est précisément là que le bât blesse : Cette excuse de minorité est très rarement levée.

Il conviendrait de changer la loi au vu de l’évolution d’une délinquance de plus en plus violente, gratuite, concernant des mineurs de plus en plus jeunes de plus en plus hardis et agressifs, sans aucune retenue, sans aucune inhibition, cette évolution est constatée depuis des années, des dizaines d’années.  A cette fin, il conviendrait de modifier la règle en sens inverse : l’excuse de minorité deviendrait l’exception, qui serait motivée par jugement avant-dire- droit, rendu par la juridiction pénale des mineurs, quelle qu’elle soit. 

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2/ Puisque une grande partie des juges est manifestement imprégnée d’une forme de laxisme, tenant à la culture systématique de l’excuse, en particulier, en matière correctionnelle, il conviendrait d’instaurer également pour les mineurs des peines plancher à défaut d’être en mesure de pouvoir les assimiler ( à ce stade le terme de “réintégration” est inopportun) faute de moyens, en particulier, s’agissant des “mineurs isolés” –dont beaucoup sont proches de la majorité– qui sévissent sur le sol français depuis trop longtemps. 

3/ Depuis la loi Valls du 31 décembre 2012, le séjour irrégulier n’est plus un délit pénal. Ainsi, aucune garde à vue n’est possible sur le constat d’une simple situation irrégulière. Ce délit doit être réinstauré y compris pour les mineurs étrangers, isolés. 

 Il est indispensable et urgent d’adapter notre politique pénale à l’évolution de la délinquance sous tous ses aspects. Notre code pénal devient quasiment obsolète. 

 Il convient également de modifier le logiciel de certains magistrats laxistes prenant fait et cause pour le délinquant fantasmé dans un délire de bien-pensance.

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 LA POLITIQUE D’IMMIGRATION EST INEXISTANTE 

Au cas particulier, le parcours du suspect doit tout aux lois permissives de Schengen, qui lui ont permis d’entrer dans l’UE par l’Espagne, de rejoindre la France et d’y perpétrer ses crimes. La porosité des frontières entre pays européens, autorise les délinquants en puissance à nuire où ils veulent et force les victimes à subir. 

 La politique d’immigration est inexistante pour trois raisons principales : 

1/ D’une part, l’avènement de la gauche morale des années 1980–1990, incarnée par la génération 68 qui arrive au pouvoir en 1981, qui fait de l’immigré outre méditerranéen, ce nouvel agent historique qui va régénérer la société française, que d’ailleurs François Mitterrand saura instrumentaliser politiquement à son profit. En remplacement du prolétariat ouvrier abandonné par la gauche, lorsqu’elle s’est tournée vers la démocratie libérale, la gauche morale trouve dans la figure de l’immigré, l’avantage de « coller » à celle de l’ancien colonisé du Maghreb, puis de l’Afrique subsaharienne. Cette substitution ouvrier/ immigré se cristallise avec la gauche au pouvoir. “L’antiracisme”, au demeurant tout à fait légitime ensoi, est né, mais son instrumentalisation politique aboutira au neoantiracisme qui vise à donner toujours plus de droits aux migrants, tout en fustigeant, le citoyen français qui manifeste le souhait de voir régulé les flux migratoires aux conséquences délétères. 

2/ D’autre part, l’emprise du gouvernement des juges européens sur la politique d’immigration des Nations composant l’Europe lesquelles ont vu leur souveraineté grignotée, puis supprimée, dans tout ce qui concerne les aspects de la politique migratoire dévolue initialement à l’État national. 

La notion d’équité, utilisée par les Parlements, ces juridictions de l’ancien régime, notamment pour écarter les ordonnances royales, présentaient l’avantage d’ouvrir le champ le plus large à l’appréciation judiciaire subjective. Ce concept est indéfinissable juridiquement depuis que le droit existe et permet au juge d’écarter à sa guise la volonté du législateur.  

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La jurisprudence européenne- – qui s’impose au droit français- relative aux droits des étrangers renoue avec cette tradition ancienne, hier, l’équité, aujourd’hui, une vision très évolutive des droits de l’homme. 

Ainsi, dans cette mouvance générale, nous assistons depuis 1978 à une évolution jurisprudentielle du conseil d’État navigant entre la création d’un droit ex-nihilo, l’utilisation opportune des textes internationaux et la latitude laissée aux juridiction inférieures qui a débouché sur la création d’une sorte de “droit À l’immigration “, qui prive encore davantage le peuple français, de la liberté, de choisir, via ses élus, l’immigration qu’il souhaite. (Philippe Pringent, Front Populaire n 4). 

Il est temps pour la France de recouvrer sa souveraineté en matière de politique migratoire. Une seule solution : quitter l’union européenne, la CEDH et la CJCE à tout le moins. 

3/ Enfin, la procédure en matière d’OQTF 

À titre liminaire, il faut savoir qu’en France, seulement 7 % des OQTF délivrées sont exécutées. Autant dire que la majeure partie des migrants qui pénètre sur le sol y demeure… fut-ce illégalement sans être inquiétée. 

Par ailleurs, le juge national qui a fait son travail est rendu impuissant par la réglementation européenne.

Au cas particulier, le meurtrier présumé de Philippine faisait l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français) après sa sortie de prison. Le travail de la justice était terminé. Et c’est à partir de là que tout se dérègle car on est en présence d’une personne éminemment dangereuse, et elle doit être renvoyée au Maroc qui doit se débrouiller avec son ressortissant. Mais, cela n’a pas été fait faute de moyens, et plus précisément, faute d’avoir reçu le laissez-passer consulaire (LPC) qui est parvenu aux autorités idoines trois jours après la mort de Philippine. En effet, comme la France a signé la CEDH, on ne peut exécuter l’OQTF que, si l’on a des garanties que la personne sera bien traitée dans son pays d’origine à son retour, ce qui en l’espèce, implique des prises de contact avec les autorités du Maroc, d’une part, pour s’assurer du bon accueil réservé au condamné, d’autre part, pour leur demander de délivrer à l’administration française, le laissez-passer consulaire. 

L’administration ne pouvait-t-elle donc entamer la procédure imposée par l’OQTF pour obtenir le LPC en amont ? C’est-à-dire dès qu’était connue la date de sortie de prison de l’individu ? 

Dans cette affaire, l’individu étant considéré comme dangereux, a été placé dans un centre de rétention qui est une privation de liberté, d’où l’intervention du JLD de l’ordre judiciaire, chargé de contrôler sa situation (mais dans le cadre d’une procédure qui relève de l’ordre administratif). Il lui incombe de prolonger ou pas la détention de l’individu qui se trouve en centre de rétention. Dans cette affaire, le juge des libertés et de la détention a accordé à l’administration qui le lui demandait trois prolongations, puis une quatrième, qui lui fut refusée : ce qui est extraordinaire, quand on lit, la décision, c’est que le JLD constate la dangerosité de l’individu, mais observe que, depuis la dernière prolongation, l’administration ne lui a pas apporté des faits qui justifient la requête : Pourquoi ? Parce que la règlementation européenne transcrite dans la loi française, prévoit qu’il appartient à l’administration nationale de prouver que l’individu placé en rétention a fait état de comportement dangereux depuis la date de la précédente prolongation. En d’autres termes, on ne peut pas utiliser des arguments “ex cathedra” et donc le Centre a été contraint par la réglementation européenne de la refuser moyennant quoi il a été libéré – doté d’une assignation à résidence totalement inutile – et quelques jours après l’abominable tragédie s’est produite. 

La réglementation européenne place la France dans un état d’impuissance désespérant : les magistrats de l’ordre judiciaire ont fait leur travail dans les règles, mais le dispositif, le système – par son incohérence, son aberration – fait que l’on se trouve dans l’obligation de devoir lâcher dans la nature un criminel en puissance, cas de figure qui se reproduit de plus en plus souvent. 

 Il devient impératif de s’affranchir de l’obligation d’appliquer une réglementation européenne inepte qui paralyse nos institutions.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne représentent en aucun cas la position éditoriale du Diplomate


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