L’économie bleue !

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Il est désormais clair que « l’économie bleue », ou la transition énergétique liée aux fleuves et aux mers et océans, 14ème objectif du développement durable de l’ONU, figure en bonne place au cœur du Pacte vert. On commence enfin à s’intéresser à la croissance bleue porteuse de nombreuses opportunités… mais avec un corollaire fondamental : la croissance bleue sera verte ou ne sera pas… en clair il n’est pas concevable d’imaginer l’exploitation des ressources des écosystèmes marins et fluviaux, qui englobe également les côtes et des zones côtières, si ce n’est de manière durable. Cela implique bien sûr de s’intéresser à la santé de ces écosystèmes longtemps négligée. La France, est sans doute, plus concernée que beaucoup d’autres pays en théorie, car nous disposons du 2ème territoire marin au monde…. Et pourtant cette économie bleue est encore loin de s’imposer avec beaucoup de questions dans l’ensemble des secteurs qu’elle regroupe qu’il s’agisse de la pêche, de l’aquaculture, des biotechnologies, du transport maritime, ou encore du tourisme côtier et bien sûr des énergies marines, pour ne citer que les exemples plus importants.  Les préoccupations en matière de gestion durable de ces activités et de leurs impacts sur les écosystèmes marins est sans doute une des raisons, mais pas seulement. En effet, la France est une vieille dame qui ne regarde pas l’océan. Le grand navigateur Eric Tabarly résumait cette situation en affirmant : « La mer, c’est ce que les Français ont dans le dos quand ils sont sur la plage ». 

La mer est toujours un sujet de grandes interrogations. Einstein, ce grand scientifique, se demandait souvent  si l’on peut régler les problèmes.” Il affirmait d’ailleurs l’inverse en disant : “Onne peut pas régler les problèmes au même niveau de conscience que celui auquel on était lorsque nous les avons créés.” Et il se trouve qu’aujourd’hui, quand on aborde la question de l’économie bleue, on se retrouve face probablement à de nouvelles frontières.

 Qu’est-ce que l’économie bleue ? 

Il n’y a pas une seule définition encore aujourd’hui. Il s’agit tout d’abord de quelque chose d’assez récent. Le concept a été inventé en 2009-2010 par l’entrepreneur belge Gunter Pauli. Cette économie bleue se veut non polluante, créatrice d’emplois, de cohésion sociale, et de valeurs. L’économie bleue implique différents types d’activités économiques qui sont liées à ces grands écosystèmes que forment les océans, les mers, les côtes. On peut inclure dans l’économie bleue tout un tas de sujets, dont le tourisme littoral, les produits de la mer, le transport maritime, la construction navale, la production d’énergies marines, les services parapétroliers et gaziers offshore, la gestion des câbles sous-marins, l’extraction des matériaux marins, ou encore les assurances et services bancaires maritimes. Si on prend la définition de la Banque mondiale, l’économie bleue est « l’utilisation durable des ressources océaniques en faveur de la croissance économique, de l’amélioration des revenus et des emplois, de la santé — on commence à introduire cette idée —, et des écosystèmes océaniques ». L’Union européenne, elle, englobe dans l’économie bleue tous les secteurs et les industries liés aux océans, aux mers et aux côtes, qui relèvent du milieu marin — comme le transport maritime, la fourniture de produits de la mer, la production d’énergie — ou du milieu terrestre, donc les ports — on est au cœur du sujet —, les chantiers navals ou les infrastructures côtières. Et pour l’Afrique, on va avoir une économie bleue qui inclut tout ce qui va être étendue d’eau, rive : on va parler d’océans, de mers, de côtes, de lacs, de cours d’eau ou de nappes souterraines. 

Il existe encore plusieurs autres dimensions dans cette idée d’économie bleue. Les fameux Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU pour 2030 reprennent certaines de ces activités dans les différents ODD. Parmi ces ODD, celui dont on parle certainement un peu plus aujourd’hui qu’hier est l’ODD 14. Il évoque le « Life below water » : ce 14e objectif de développement durable de l’ONU vise à une gestion plus durable des ressources via la préservation de 10 % des zones maritimes et côtières : donc, la lutte contre la surpêche ou la pêche illicite, bien sûr. Puis, l’accélération des recherches scientifiques et du transfert de techniques pour renforcer la résilience des écosystèmes et réduire au maximum l’acidification des océans. 

Depuis peu, cette économie bleue se retrouve au cœur du Pacte vert de l’Union européenne. Au cœur du « Pacte vert », cette économie inclut cinq grands secteurs : l’aquaculture, le tourisme côtier — y compris la croisière et la plaisance —, les biotechnologies marines, les énergies marines et l’exploitation minière des fonds marins. Rappelons que 97 % de l’eau de la Terre représentent 99 % des espaces de vie disponibles. Récemment, Aurélie Baudhuin, directrice de la recherche ISR chez Meeschaert AM, expliquait que si les océans étaient un pays, leur produit national brut se situerait à la septième place des Nations, à 2 500 milliards de richesses créées chaque année et en plus, avec 200 000 espèces identifiées. Mais on sait qu’aujourd’hui, on est très loin du compte puisque les estimations nous disent qu’il pourrait y avoir jusqu’à 100 millions d’espèces marines existantes. On s’aperçoit donc que, finalement, c’est un univers que l’on commence à peine à explorer. Et l’on commence à peine à l’explorer. L’homme a pour le moment exploré à peu près  2 % des fonds océaniques. Alors, je crois que parfois, or rappelons que les conditions de vie dans les profondeurs des océans sont extrêmes : au-delà 500 mètres, la lumière ne passe plus, celle perceptible pour l’œil humain. Il y a peu de nourriture, on a des températures glaciales avant d’arriver très profond et d’avoir quelques réchauffements. Pourtant, la Vie se développe dans ces conditions extrêmes. 

Quand on parle d’eau sous forme de glace, là, on est à la surface, on part vers l’Arctique. Dernièrement, j’ai eu la chance de rencontrer Mike Horn qui racontait qu’il avait fait sa première traversée en 2006 : il marchait avec ses skis et on devait le récupérer avec un avion où étaient, raconte-t-il, sa femme et ses deux filles. Et il mesurait précisément l’épaisseur de la glace. Il disait lui-même : “Là où j’avais mesuré 2,50 mètres de profondeur pour que l’avion puisse atterrir, en 2019 — donc, vous voyez, 13 ans plus tard —, au même endroit, nous étions à huit centimètres.” Il a refait la traversée, il était à genoux sur une espèce de kayak en avançant toute la journée, puisque l’épaisseur de la glace ne lui permettait pas de refaire cette traversée dans les conditions qu’il avait eues en 2006. 

Donc, tout cela donne au moins moins sept bonnes raisons de nous préoccuper sans doute de plus en plus de cette transition énergétique et écologique dans le domaine maritime et plus généralement, de l’économie bleue. Et donc, parmi les sept raisons que j’ai trouvées, il y a d’abord une source de croissance économique. L’économie bleue est un vecteur privilégié d’approvisionnement en nourriture, à un moment où on se dit : “Comment va-t-on nourrir de plus en plus d’êtres humains sur la planète ?” On doit manger moins de viande, est-ce qu’on peut manger plus de poisson ? Ce n’est pas sûr non plus. Évidemment, il y a des lieux qui deviennent premières victimes des menaces climatiques, dans la pollution des érosions côtières, etc. Mais aussi des vecteurs de bien-être, puisque 50 % des populations aujourd’hui vivent assez proches, à moins de cinq kilomètres des zones côtières. 

Il y a aussi évidemment des perspectives en matière de production d’énergies renouvelables, à l’heure où on s’intéresse de plus en plus à la façon de diversifier les mix énergétiques. Et puis bien sûr, on a la question des biotechnologies, d’où l’importance de la captation de CO2, de ce puits de carbone naturel que sont les océans, mais qui se saturent, puisque lorsque le taux de CO2 augmente, il y a une acidification : il suffit de regarder sur les bouteilles d’eau minérale gazeuse, le pH, et on comprend tout de suite qu’il est plus bas, donc plus acide, quand on boit de l’eau gazeuse, que quand on boit de l’eau plate. 

La France : deuxième domaine maritime mondial ! 

On l’oublie souvent, mais la France, c’est le deuxième domaine maritime mondial avec plus de 22 860 kilomètres de frontières maritimes, avec 30 États, c’est plus que tous les autres pays dans le monde. La France arrive juste après les États-Unis et avant l’Australie ou la Russie, et elle a une zone économique exclusive (ZEE) qui recouvre 11 millions de kilomètres carrés sur les océans Atlantique, Pacifique et Indien et sur nos propres côtes. On est aujourd’hui ici, riverains de la Manche, de la mer du Nord de la Méditerranée, donc énormément d’enjeux pour notre pays qui, en même temps, a la première position quant à son domaine sous maritime au monde, avec évidemment, toutes les zones qui vont figurer autour des îles Kerguelen, en passant par l’archipel des Crozets ou Clipperton, ou la Polynésie, ou Saint-Pierre-et-Miquelon, ou encore les Antilles, pour n’en citer que quelques-unes. Et pourtant, c’est, de façon assez récurrente, de façon assez traditionnelle, un potentiel que nous sous-estimons largement à tous les points de vue que je viens de citer, pour notre économie dans notre pays. Eric Tabarly avait une grande conscience de ces enjeux et il a laissé sa vie dans cette grande bleue, puisqu’il avait pour habitude de dire : “La mer, c’est ce que les Français ont dans le dos, quand ils regardent la plage.

Rappelons que 60 % de la population mondiale vit à moins de 150 kilomètres d’une mer, d’un océan, contre 30 % un siècle plus tôt. La majeure partie des marchandises transitent par les flots. Les fonds marins regorgent de trésors économiques. Mais les cinq plus grands ports de la planète sont en Asie. Et la France, l’un des pays au monde les mieux dotés en la matière, nous paraissons négliger ce formidable eldorado bleu qu’on a devant les yeux. Ceci dit, les choses changent, puisque le président Macron prononçait un discours en décembre 2021, à Montpellier, où il expliquait que la vision maritime que la France se doit d’être claire. Il est évident que lorsqu’on commence à réfléchir à cette économie bleue, on n’a pas envie de reproduire en la matière, les mêmes types d’erreurs qui nous ont amenés aujourd’hui à l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère, et il convient donc de réfléchir en prenant en compte ce que signifierait le manque d’attention aux externalités négatives qui est déjà présent et constaté, puisqu’on voit que les niveaux d’acidité des océans ont augmenté de plus 26 % depuis le début de la révolution industrielle. Les eaux côtières et donc les écosystèmes côtiers évidemment, s’altèrent aussi, en raison de la pollution et de l’eutrophisation, cet appauvrissement de biodiversité quelque part, à cause de l’appauvrissement en oxygène. La façon de gérer au mieux ces écosystèmes marins est un vrai sujet.

Penser l’économie bleue passe obligatoirement par le fait de veiller à avoir des mers en bonne santé, et évidemment de gérer de façon durable, responsable, de la meilleure façon possible les ressources. Comme le dit Frans Timmermans, “Pour que l’avenir soit réellement vert, nous devons aussi le voir en bleu, avec cette condition préalable qui doit être portée à la santé des océans au sens large, pour pouvoir gérer responsablement cette économie bleue.” Je terminerai mon propos en vous disant qu’il est clair, me semble-t-il, aujourd’hui que l’économie bleue sera verte ou ne sera pas. En regardant comment le changement climatique impacte ces écosystèmes maritimes et fluviaux, la question de la montée des eaux nous interpelle. Or comment relever ce défi du changement climatique au niveau des infrastructures portuaires et pluviales ? Quels sont les meilleurs mix énergétiques ? Est-ce qu’il y a de la place pour l’efficacité énergétique ? Comment les ports se réinventent-ils pour répondre à ce défi de la neutralité carbone et l’exporter au-delà de ces infrastructures qu’ils représentent, dans le transport international et vers les grands océans et les grands horizons ? Est-ce qu’on a des nouvelles technologies environnementales, et est-ce qu’on a des possibilités de financement ? Ou est-ce qu’on est sous investis en général ? Ou est-ce qu’on est sous investis en France ? Est-ce que le niveau d’investissement est suffisant ? Et comment les acteurs économiques, finalement, souhaitent s’impliquer dans ces enjeux ou s’impliquent-ils à notre connaissance aujourd’hui ? Est-ce que des questions ? Est-ce qu’on peut apprendre du paradoxe de l’acceptabilité des énergies renouvelables, et notamment celui de l’éolien en mer, le fameux éolien offshore, où on a du mal à trouver une position définitive ? Mais pas que. Pourquoi pas l’énergie des vagues ? 


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