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ANALYSE – L’Aïd sans le sang : Un vendredi étrange au Maroc

 beau Paysage de nuit du Maroc avec les étoiles le croissant de lune (symbole de l'islam) et dans un coin le drapeau marocain

Par Olivier d’Auzon

Par-delà les collines brûlées de Khemisset, jusqu’aux venelles de Casablanca, le silence des moutons criait l’absence.

Le jour se levait à peine sur la médina de Rabat que déjà, quelque chose clochait dans l’air. Ce n’était pas l’odeur du sang chaud qui montait des porches, ni les bêlements affolés des bêtes attachées à un arbre. Non. Ce matin-là, il y avait du vide dans les rues du Maroc. Un vide tendu, suspendu. Comme un souffle retenu par tout un peuple.

L’Aïd el-Kebir était là, et pourtant, il n’y avait pas de couteau.

Dans ce pays où les traditions coulent dans les veines aussi sûrement que le sang dans les rigoles, la fête du sacrifice est plus qu’un rituel. Elle est une mémoire vivante, une fierté, un moment de grâce et de feu, où chaque père devient pour un instant Abraham et chaque fils, un Isaac que l’on sauve. Le mouton, ce frère destiné au tranchant, scelle l’alliance entre l’homme, son Dieu, et la chair du monde.

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Mais cette année, le roi avait parlé.

D’une voix calme et grave, Mohammed VI avait lancé un appel. Non un ordre, mais une demande. Suspendre le sacrifice. Préserver ce qui reste d’un cheptel amaigri, d’un bétail affamé par des années où la pluie avait oublié de tomber. Protéger le cœur battant de la campagne marocaine. Un geste de roi, mais aussi d’éleveur. De père, peut-être.

Alors, dans les marchés aux bestiaux, les regards se sont faits sombres. Des camions chargés de moutons ont été arrêtés aux portes des villes. Des hommes aux mains calleuses ont vu leur année s’effondrer dans le silence d’un décret.

À Casablanca, dans une boucherie poussiéreuse du marché central, un homme grognait devant ses carcasses rares :


— Tout est à l’envers. Certains ont égorgé avant la date, d’autres gardent leur bête dans la cave. Mais le sacrifice est mort.

Et pourtant, quelques rues plus loin, dans un petit restaurant où le tajine fumait doucement, Mohamed, serveur au regard doux, haussa les épaules :


— On fera la fête quand même. On cuisinera autre chose. On rira, on priera. L’essentiel, c’est d’être ensemble.

Ce jour-là, le Maroc a vécu un Aïd étrange. Plus intérieur. Plus pauvre, peut-être. Mais aussi plus égalitaire. Plus fraternel.

Car dans les campagnes pelées et les montagnes rousses, on savait la vérité nue : le bétail avait fondu. Un tiers du cheptel disparu. Trop cher, trop maigre. L’animal était devenu un luxe. Le roi, en suspendant le geste ancestral, avait rendu au peuple une forme d’unité.

Il y avait dans cette fête sans bête quelque chose d’amer, oui. Mais aussi quelque chose de grand. Comme si, en renonçant à l’offrande, le Maroc avait trouvé un autre chemin vers le sacré.

Et dans le silence sans bêlement de ce vendredi d’Aïd, on entendait peut-être, pour la première fois, le cœur du pays battre autrement.

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