
Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie)
La rivalité qui structure l’empire
Derrière l’image monolithique de la superpuissance américaine se cache depuis toujours une rivalité féroce entre les deux piliers de sa projection mondiale : la CIA et le Pentagone. La première, avec sa tradition d’opérations secrètes et d’infiltrations silencieuses ; le second, avec le poids écrasant de la force militaire et de budgets colossaux. L’Amérique ne se contente pas de combattre ses ennemis extérieurs : elle se bat aussi contre elle-même, dans les coulisses du pouvoir où se décide qui aura le monopole de la guerre et de la définition de l’ennemi.
L’héritage de la « Team B »
Ce n’est pas un hasard si, dès les années 1970, les néoconservateurs accusaient la CIA d’être trop « faible » face à Moscou. C’est alors que naquit la « Team B », une structure parallèle produisant des analyses alarmistes, utiles à justifier l’expansion des armements. Cette logique a continué de dominer la politique américaine : ceux qui minimisent la menace sont marginalisés, ceux qui l’exagèrent obtiennent des budgets milliardaires.
Ce conflit entre « faucons » et « analystes » ne s’est jamais refermé. Les cibles changent — de la Russie à l’Iran, de la Chine à la Corée du Nord — mais la dynamique reste la même : le Pentagone veut la guerre longue, la CIA propose l’opération chirurgicale.
L’illusion des guerres « propres »
L’époque Obama fut emblématique. Les opinions publiques occidentales ne voulaient plus de guerres terrestres après l’Irak et l’Afghanistan. La CIA sut exploiter la situation : mieux vaut un drone, un raid de forces spéciales, une opération clandestine qui n’exige pas d’explications, plutôt que des divisions blindées et des milliers de soldats. C’est le triomphe de la guerre invisible, qui ne produit pas d’images de cercueils drapés de la bannière étoilée mais qui offre à la Maison Blanche une arme politique puissante : frapper sans rendre de comptes.
Silicon Valley contre le Pentagone
Ce qui a changé l’équilibre, c’est la technologie. Autrefois, la suprématie militaire était garantie uniquement par les budgets colossaux du Pentagone. Aujourd’hui, la CIA peut s’allier à la Silicon Valley, accéder aux technologies de surveillance et d’intelligence artificielle les plus avancées, contourner les lenteurs bureaucratiques et contractuelles de la Défense. Il ne s’agit plus seulement d’espions et de dossiers : la CIA est désormais une plateforme d’innovation militaire et informationnelle.
Dans ce duel, le Pentagone apparaît lourd, ralenti par ses propres dimensions. La CIA, elle, se présente comme agile, flexible, capable de s’adapter rapidement aux nouvelles menaces, surtout dans le cyberespace et l’usage de technologies autonomes.
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L’utopie des machines de guerre
Le Pentagone rêve depuis longtemps d’armées robotisées et de drones intelligents, mais il est paralysé par les contraintes politiques et les lobbies. La CIA, en revanche, bénéficie de l’opacité : moins de contraintes, plus de discrétion, des relations directes avec des entreprises technologiques prêtes à expérimenter. Mais cette privatisation de la guerre secrète comporte un risque : un pouvoir encore moins contrôlable, où les opérations échappent au regard démocratique. Si la force brute du Pentagone doit au moins passer par le Congrès, les drones de la CIA n’obéissent souvent qu’au président.
Trump, arbitre réticent
Avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, la fracture se creuse. Le président ne fait pas confiance à la CIA, qui l’a combattu avec le Russiagate, et se méfie des faucons du Pentagone, qui veulent imposer une politique étrangère de confrontation permanente. Mais la réalité des crises mondiales l’oblige à choisir.
En Ukraine, au Moyen-Orient, dans le Pacifique, se joue la grande partie. Les forces armées américaines restent le bras visible, mais la CIA est de plus en plus le cerveau invisible qui façonne les perceptions, influence les gouvernements, oriente les opinions publiques.
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Le véritable enjeu
La question n’est plus seulement quel ennemi combattre, mais qui, aux États-Unis, a le pouvoir de le définir. Si le Pentagone représente la force, la CIA incarne la manipulation. Et c’est là que se décide la politique étrangère américaine : non pas dans les grands discours publics, mais dans les guerres souterraines entre agences.
Pour le monde, cela signifie que la puissance américaine devient encore plus imprévisible. Plus secrète, plus conditionnée par des logiques internes, moins transparente dans ses choix. La tragédie de la politique américaine est que l’ennemi à abattre n’est souvent pas à l’extérieur des frontières, mais dans les couloirs mêmes de Washington.
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