ANALYSE – Quand l’Élysée fabrique la menace pour se rêver en stratège

Shares
Opération militaire maritime : des forces spéciales françaises mènent un assaut coordonné contre un navire, avec intervention d’hélicoptère et de commandos en mer.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Olivier d’Auzon

Mensonge, manipulation, propagande : voilà ce qu’est devenu le discours présidentiel. On agite le spectre d’un navire espion russe, on évoque une plateforme de drones, on brandit la menace d’une infiltration dans l’espace aérien européen. Or, après vérification, la réalité est bien plus prosaïque : le capitaine et son second sont chinois, et l’embarcation n’a rien d’un outil militaire. Ce n’était pas une opération d’espionnage, mais un récit fabriqué, destiné à justifier la posture guerrière d’Emmanuel Macron. En moins de 24h, le fameux pétrolier, arraisonné dans les eaux internationales par les forces spéciales françaises, a pu reprendre sa route…

Pour Roland Lombardi, géopolitologue et directeur de la rédaction du Diplomate média : « Tout ce vacarme politico-médiatique et judiciaire, pour rien ! Ou du moins pour soutenir et alimenter la propagande belliciste, anti russe, européiste et les ambitions et les délires d’Emmanuel Macron durant un sommet européen. C’est un énième camouflet sur la scène internationale pour le président français. Son fiasco international hebdomadaire ! En attendant, le locataire de l’Élysée oublie qu’en se ridiculisant toutes les semaines aux yeux du monde, il ridiculise la France. Et il est tellement triste et fâcheux de voir nos troupes d’élite et nos forces de défense utilisées dans des guerres qui ne sont pas les nôtres et désormais au service de l’hystérie d’un homme qui veut mordicus nous faire peur voire pire, nous jeter dans un conflit qui serait cataclysmique, pour tout simplement essayer, en vain, de détourner l’attention sur une situation interne désastreuse sur tous les plans par sa faute. C’est une dérive lamentable mais surtout dangereuse. Espérons qu’elle ne finisse pas en tragédie… »

À lire aussi : TRIBUNE – Du rififi au Château : La paix des braves 

Nos armées, jadis garantes de la souveraineté nationale, se trouvent désormais enrôlées dans la dramaturgie d’un président isolé. Sans majorité parlementaire, sans gouvernement solide, sans soutien populaire, il se rêve en stratège de l’Europe, en chef de guerre prêt à entraîner la nation dans un affrontement direct avec la Russie. Mais entre la parole et les moyens, l’écart est abyssal.

Car de quoi disposons-nous ? D’armées démantelées, de stocks d’armes et de munitions réduits à presque rien, d’une économie surendettée, d’un pays fracturé par la violence, l’antisémitisme et le séparatisme. Sans majorité, sans cap, sans soutien populaire, le président se rêve en stratège européen.

 Mais entre ses mots et nos moyens, l’écart est abyssal : armées démantelées, stocks d’armes quasi inexistants, pays fracturé et économie exsangue. La guerre, chacun le sait depuis Clausewitz, n’est pas un slogan. C’est l’effort total d’un peuple uni derrière un chef crédible et une cause juste. Rien de tout cela n’existe aujourd’hui en France.

Pierre Lellouche l’a rappelé dans Engrenage : la posture de Macron sur l’Ukraine n’est guère plus qu’une gesticulation. À Washington, le président français s’est contenté d’acquiescer aux décisions américaines, sans jamais peser réellement sur la stratégie du conflit. Confronté à un pays en crise, il a surtout cherché des points médiatiques, multipliant les effets d’annonce sans véritable autonomie stratégique. Pis encore, il est passé en quelques mois d’un discours reconnaissant la nécessité de garantir la sécurité de la Russie à une rhétorique où Moscou serait devenu une menace « existentielle » pour l’Europe. Pour Lellouche, ce renversement traduit moins une vision qu’un opportunisme politique dangereux, car il risque d’entraîner la France dans un engrenage incontrôlable.

À lire aussi : TÉLÉGRAMME DU DIPLOMATE – Pologne, Taïwan et la nouvelle géo-économie des drones

Cette absence de vision tranche radicalement avec l’héritage gaullien

Comme le rappelle Hélène Carrère d’Encausse, pour le Général, l’alliance avec Moscou ne relevait pas seulement d’un calcul pragmatique. Elle s’inscrivait dans une vision de long terme : celle d’un monde multipolaire où la France, restaurée dans son rang, pouvait s’affirmer comme puissance indépendante. 

De Gaulle, qui méprisait Staline, avait néanmoins compris dès 1944 qu’une coopération avec l’Union soviétique était nécessaire, à la fois pour la libération et la sécurité de la France, et pour contenir une domination américaine directe. Cette politique, poursuivie après 1958 avec une prudence constante, illustre sa complexité : réconciliation avec l’Allemagne, confrontation avec les États-Unis, mais aussi dialogue lucide avec Moscou. Carrère d’Encausse voit en De Gaulle un stratège lucide, qui oscillait entre défiance et nécessité, et qui considérait la Russie comme un partenaire incontournable pour bâtir l’équilibre européen.

À lire aussi : TRIBUNE – En trahison du général : Macron, le nucléaire et l’illusion britannique

Macron n’impressionne pas Moscou. Il ne convainc plus Paris. Son discours, loin de constituer une stratégie, trahit l’impuissance d’un homme prisonnier de son narcissisme. Car la vérité, elle, est limpide : la Russie réagit à l’avancée obstinée de l’OTAN et de l’Union européenne vers l’Est, comme elle l’a toujours fait lorsqu’elle s’estimait encerclée. Depuis Pierre le Grand, la Russie n’a jamais toléré l’étouffement stratégique. L’ignorer, c’est oublier la grammaire même de la géopolitique eurasiatique.

Les grands stratèges européens du XIXe siècle – de Metternich au Congrès de Vienne à Bismarck après Sadowa – avaient compris qu’il n’y avait pas de stabilité continentale sans l’intégration de la Russie dans l’équilibre des puissances. Chaque fois qu’on a oublié cette évidence, l’Europe a sombré dans la guerre.

Plutôt que de répéter les erreurs de l’histoire, la France devrait renouer avec cette sagesse : restaurer le dialogue, refaire du commerce, bâtir un nouvel équilibre de sécurité incluant Moscou. 

Ce serait renouer avec l’héritage gaullien, celui que Carrère d’Encausse a si bien décrit, et rompre avec la fuite en avant belliciste d’un président qui confond son ego et les intérêts de lobbies étrangers avec l’intérêt de la nation.

À lire aussi : Les fausses pistes du Président français


#ManipulationPolitique, #Propagande, #DiscoursPrésidentiel, #MensongePolitique, #StratégieNarrative, #FakeThreat, #GuerreInformationnelle, #Elysée, #Macron, #Russie, #Géopolitique, #ConflitEurope, #MenaceRusse, #IntoxPolitique, #NarratifOfficiel, #RumeurPolitique, #FausseMenace, #DiscoursMediatique, #PouvoirNarratif, #PolitiqueDeLaPeur, #PropagandeBelliciste, #AnalyseDiscours, #ManipulationMassive, #GuerreDesMots, #InfoManipulée, #NarratifGouvernemental, #Instrumentalisation, #StratégieDeCrise, #AmplificationMédiatique, #NarrationOfficielle, #République, #DébatPolitique, #DiscoursDeGuerre, #OppositionNarrative, #PolitiqueEtPeurs, #Desinformation, #MenacePerçue, #DiscoursDePouvoir, #PsychologieDeMasse

Shares
Retour en haut