ANALYSE – Prabowo Subianto à l’ONU : L’Indonésie prête à reconnaître Israël si un État palestinien est établi

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Le président indonésien Prabowo Subianto prononce son discours à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2025, marquant une inflexion diplomatique majeure avec la proposition de reconnaître Israël sous condition de la création d’un État palestinien.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Olivier d’Auzon

En politique internationale, certaines déclarations résonnent comme des ruptures. Le discours du président indonésien Prabowo Subianto, prononcé à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies le 24 septembre 2025, appartient à cette catégorie. En affirmant que « l’Indonésie est prête à reconnaître Israël, à condition qu’Israël reconnaisse officiellement l’État de Palestine », le chef de l’État indonésien a bouleversé les codes traditionnels de la diplomatie musulmane et ouvert une brèche qui pourrait transformer les équilibres au Proche-Orient.

Une inflexion historique pour l’Indonésie

L’Indonésie, pays musulman le plus peuplé du monde (285 millions d’habitants), n’avait jamais, depuis son indépendance, envisagé de reconnaissance officielle d’Israël. Son soutien indéfectible à la cause palestinienne constituait un socle immuable de sa politique étrangère. Or Prabowo introduit une équation nouvelle : la reconnaissance mutuelle comme préalable à la paix. Dans ses propres mots, « la sécurité d’Israël doit aller de pair avec la souveraineté palestinienne ».

Ce glissement rhétorique n’est pas anodin. Il traduit une volonté de l’Indonésie de passer du rôle de simple soutien à celui d’arbitre crédible dans le conflit israélo-palestinien. L’ajout d’un « Shalom » à la fin de son allocution a donné à ce discours une portée symbolique. Jamais un dirigeant indonésien n’avait osé employer publiquement une formule hébraïque, geste qui fut perçu comme une main tendue.

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L’impact diplomatique : Entre audace et calcul

Ce virage s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, le désir pour Jakarta de renforcer son rôle de puissance intermédiaire, capable d’articuler une voix musulmane modérée dans un monde fracturé. Ensuite, le souci de peser sur les débats onusiens à un moment où l’ONU semble impuissante face à la guerre à Gaza. Enfin, la volonté de Prabowo d’incarner le pragmatisme là où les passions dominent. Comme l’a commenté un diplomate européen présent dans l’hémicycle : « Il introduit du réalisme politique là où trop longtemps la rhétorique s’est contentée d’être incantatoire. »

L’impact psychologique est considérable. Pour les Palestiniens, l’Indonésie demeure un allié de poids qui maintient vivante la revendication d’un État indépendant. Pour Israël, la perspective d’une reconnaissance conditionnelle de la part d’un géant asiatique – 280 millions d’habitants et membre influent du G20 – représente un levier diplomatique inédit.

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Entre solidarité traditionnelle et pragmatisme nouveau

Le discours de Prabowo n’abandonne pas la ligne historique de Jakarta : il réaffirme l’appui total à la cause palestinienne. Mais il l’articule à une reconnaissance explicite des droits sécuritaires d’Israël. En cela, il dépasse la posture unilatérale de ses prédécesseurs. Il affirme que « plusieurs nations occidentales ont déjà choisi de se placer du bon côté de l’Histoire en reconnaissant la Palestine », ajoutant implicitement que l’Indonésie ne saurait rester spectatrice.

Ce mélange de fidélité et de modernité constitue l’originalité de la démarche. Prabowo ne trahit pas la solidarité musulmane : il l’élève à une dimension universelle, celle d’un compromis fondé sur la réciprocité.

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La réaction internationale : Prudence et espoir

La communauté diplomatique a accueilli ce discours avec une curiosité mêlée de scepticisme. Certains analystes rappellent que l’Indonésie ne dispose pas d’un poids militaire direct au Proche-Orient, et que ses pressions resteront limitées sans relais arabes. Mais d’autres soulignent que, par sa stature démographique et économique, Jakarta peut jouer un rôle de catalyseur.

Dans le monde musulman, le discours a suscité des débats. Certains courants saluent une audace nécessaire pour briser le cycle d’affrontement, d’autres dénoncent une « trahison » potentielle des principes. Quant aux chancelleries occidentales, elles voient dans cette inflexion une opportunité : celle de faire émerger une voix musulmane modérée, susceptible de rééquilibrer les tensions régionales.

Un message à Gaza et à l’ONU

L’intervention de Prabowo n’est pas qu’une construction théorique. Elle se situe dans le contexte brûlant de la guerre à Gaza et d’une crise humanitaire sans précédent. Son appel à « mettre fin aux combats et alléger la souffrance des civils » rappelle l’urgence d’une solution diplomatique. Le président indonésien a également exhorté l’ONU à « assumer son rôle de garant ultime d’un ordre international fondé sur la paix et la dignité humaine ».

En liant sa proposition à l’action immédiate sur le terrain, il a donné chair à son discours. La démarche ne se limite pas à l’architecture de la paix : elle interpelle le présent.

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Les limites d’une audace

Reste la question centrale : Israël acceptera-t-il ce marché ? Rien n’est moins sûr. Le gouvernement israélien, divisé en interne et méfiant vis-à-vis de toute pression extérieure, pourrait considérer la condition posée par Jakarta comme une ingérence. De leur côté, les Palestiniens pourraient craindre que cette reconnaissance conditionnelle ne dilue leur cause dans un marchandage diplomatique.

Mais l’histoire montre que des paroles prononcées à l’ONU peuvent marquer des tournants. En 1977, le discours de Sadate à Jérusalem avait ouvert la voie aux accords de Camp David. En 2020, les accords d’Abraham avaient démontré que des normalisations longtemps jugées impossibles pouvaient voir le jour.

Une tentative de transformer la rhétorique en levier d’histoire

En concluant par un mot hébreu, Prabowo a tenté ce que peu de dirigeants osent : franchir la frontière des symboles pour dessiner une nouvelle trajectoire. Son pari est risqué – il pourrait n’être qu’une déclaration sans suite – mais il a déjà eu un effet : redonner à l’Indonésie une visibilité diplomatique et un rôle inédit dans la recomposition des équilibres internationaux.

En somme, ce discours ne fut pas seulement un plaidoyer. Il fut un geste politique. Une invitation au dialogue qui, si elle venait à être saisie, pourrait contribuer à remodeler l’avenir du Proche-Orient.

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