Chute soudaine de Bachar al-Assad : La Turquie victorieuse et les nouveaux équilibres en Méditerranée orientale

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carte de la syrie et Erdogan
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.

La chute soudaine de Bachar al-Assad en Syrie a redessiné les équilibres géopolitiques de la Méditerranée orientale, consacrant, comme le rappelait dans son édito du 8 décembre dernier, le géopolitologue Roland Lombardi, la Turquie comme la grande gagnante. Pour la Russie et l’Iran, en revanche, il s’agit d’une défaite significative, car Assad représentait leur homme de confiance dans la région du Moyen-Orient, soutenu pendant des années grâce à d’énormes efforts militaires au cours de la longue guerre civile syrienne.

En échange du soutien de Moscou, la Syrie avait offert à la Russie des bases navales et aériennes de première importance, comme celles de Tartous et Lattaquié, qui garantissaient un accès direct à la Méditerranée. Cette perte remet en question l’une des pièces maîtresses de l’influence russe au Moyen-Orient.

Le rôle stratégique de la Turquie

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a soutenu les milices islamistes syriennes, malgré la présence en leur sein d’éléments liés au Front al-Nosra et de groupes ayant des connexions non clarifiées avec l’État islamique. Ce choix s’explique non seulement par l’hostilité traditionnelle de la Turquie envers la présence kurde dans le nord de la Syrie, mais aussi par sa volonté de consolider son influence sur la zone maritime entre la Syrie et la République turque de Chypre du Nord. Ce territoire, occupé par Ankara depuis 1974 à la suite de la guerre turco-chypriote, n’est pas reconnu par la communauté internationale mais constitue un point clé pour la stratégie régionale d’Erdogan.

La Syrie, tout comme Chypre, représente une zone stratégique dans le contexte du Moyen-Orient. L’île accueille d’importantes bases militaires britanniques à Dhekelia et Akrotiri, opérationnelles depuis 1959 après le Traité de Zurich, qui avait garanti l’indépendance de Chypre tout en maintenant une présence militaire britannique dans le cadre de la Guerre froide. Les États-Unis et l’Union européenne considèrent également Chypre comme un point d’appui crucial, en particulier après l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, qui a renforcé l’intérêt occidental pour l’île en raison des liens économiques étroits entre la Russie et Chypre dans les secteurs immobiliers, touristique et bancaire.

Une victoire stratégique pour Erdogan

La victoire des milices islamistes en Syrie offre à la Turquie un accès privilégié à la côte syrienne, consolidant encore davantage la position de la République turque de Chypre du Nord. Erdogan peut désormais exploiter cet avantage dans les négociations avec la République de Chypre, membre de l’UE et soutenu par la communauté internationale, afin de tenter d’alléger le dur embargo économique qui pèse sur la partie turque de l’île. Cet embargo a freiné le développement économique de la région, mais le nouvel équilibre régional pourrait offrir à la Turquie une arme de négociation importante.

La décision des États-Unis de lever l’embargo sur les armes vers la partie occidentale de Chypre en 2022 avait déjà signalé un changement de paradigme. Cependant, cette décision visait davantage à contrer l’influence russe qu’à s’opposer à Ankara. Erdogan, de son côté, a exploité l’hostilité occidentale envers Poutine pour renforcer son soutien aux milices islamistes, perçues comme une option moins menaçante que le régime d’Assad et ses alliés.

Un rééquilibrage au Moyen-Orient

Avec la chute d’Assad et le succès turc en Syrie, Erdogan se retrouve désormais en position de force. Son armée, l’une des plus puissantes du Moyen-Orient avec celle d’Israël, bénéficie du statut de membre de l’OTAN, qui la rend pratiquement intouchable sur le plan international. Cela permet à Erdogan de maintenir le soutien occidental malgré son appui controversé aux rebelles islamistes syriens, qui peuvent désormais compter sur la Turquie comme garante de leur légitimité.

Dans ce nouveau scénario, Erdogan non seulement renforce la présence turque en Méditerranée orientale, mais se prépare à capitaliser politiquement sur cette victoire, consolidant encore davantage le rôle de la Turquie en tant qu’acteur clé dans les futures négociations régionales.

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