DÉCRYPTAGE – Escalade dans la Baltique : Provocation russe ou mise en scène occidentale ?

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MiG-31 russe armé d’un missile hypersonique Kinzhal en vol. Symbole de la puissance militaire de Moscou et des tensions OTAN-Russie en mer Baltique.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie) 

Les MiG-31 et l’alerte de Tallinn

Les titres des journaux européens ont été unanimes : “Le Kremlin défie l’Europe”. En cause, la supposée violation de l’espace aérien estonien par trois MiG-31 russes, “abattus” selon certains médias, seulement “escortés” selon d’autres, par les F-35 italiens de la mission de police aérienne de l’OTAN basée à Ämari. La scène s’inscrit dans une longue série d’incidents régulièrement amplifiés dans l’espace public : brouillage du GPS de l’avion d’Ursula von der Leyen, drones russes en Pologne et en Roumanie, exercices Zapad en Biélorussie.

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L’invocation de l’article 4

Tallinn et Varsovie, à l’unisson, ont évoqué l’article 4 de l’Alliance atlantique pour alerter leurs alliés et mobiliser des moyens supplémentaires. Ce réflexe, hérité de la guerre froide, vise autant à préparer l’opinion publique à un réarmement coûteux qu’à entretenir la perception d’une menace imminente. L’ironie, c’est que ces “intrusions” se déroulent dans l’un des espaces aériens les plus restreints au monde : les frontières se chevauchent, les couloirs aériens sont étroits et les rencontres entre chasseurs alliés et avions russes sont quasiment quotidiennes. Dans la plupart des cas, il ne s’agit pas d’attaques mais de vols à la limite des zones nationales, suivis de simples escortes jusqu’à ce que l’avion poursuive sa route.

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La réaction de Moscou

Le ministère russe de la Défense a réagi rapidement, affirmant que les MiG-31 effectuaient un transfert de la Carélie vers Kaliningrad, en survolant les eaux internationales à plus de trois kilomètres des côtes estoniennes, en conformité avec les règles internationales. On peut douter de la bonne foi du Kremlin, mais il est tout aussi légitime de douter des récits parfois dramatisés de l’OTAN et de l’UE, surtout lorsqu’ils coïncident avec les débats sur de nouvelles sanctions contre Moscou.

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Entre dissuasion et propagande

Il est clair que les pays baltes et certains gouvernements nord-européens cherchent à maintenir un niveau élevé de tension, afin d’obtenir plus de ressources militaires et financières de Bruxelles et de Washington. Cette stratégie a toutefois un prix : elle alimente une spirale d’escalade qui pourrait transformer un simple incident en crise majeure. L’histoire montre que dans les mers fermées comme la Baltique, la multiplication des interceptions augmente le risque d’erreur et donc d’affrontement.

L’Italie et la prudence stratégique

Rome, pour l’instant, a choisi de garder ses distances. Elle maintient un dispositif symbolique – une batterie de défense SAMP/T en Lituanie – mais refuse d’élargir son engagement sur le flanc Est et n’a pas adhéré aux derniers achats massifs d’armes américaines pour Kiev. Les services de renseignement italiens considèrent comme peu crédibles les scénarios d’invasion russe de l’Europe d’ici trois ou quatre ans, régulièrement diffusés dans certains médias allemands et polonais. Cette approche pragmatique évite d’alimenter une hystérie sécuritaire qui pourrait coûter cher au contribuable italien.

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La dimension géoéconomique

La Baltique n’est pas seulement un théâtre militaire, c’est aussi un corridor énergétique vital. Le port russe de Primorsk exporte près de 60 millions de tonnes de pétrole par an, rapportant environ 15 milliards de dollars à Moscou. Les tentatives de blocus des “flottes fantômes” par les marines baltes, ainsi que les attaques de drones ukrainiens contre les infrastructures portuaires, rappellent que la guerre hybride inclut désormais les flux commerciaux. Les récents survols de la plateforme polonaise Petrobaltic par des chasseurs russes pourraient être interprétés comme un avertissement : toute perturbation des exportations énergétiques russes ne restera pas sans réponse.

Une information partielle et orientée

Les médias occidentaux ont souvent omis un détail essentiel : ni l’espace aérien polonais ni les eaux territoriales n’ont été violés. Le porte-parole du commandement opérationnel polonais l’a confirmé : aucun tir de riposte n’a été nécessaire. Ce silence médiatique nourrit le soupçon d’une communication sélective, destinée à amplifier le sentiment d’urgence et à justifier de nouvelles mesures de militarisation.

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La crise actuelle dans la Baltique révèle une dynamique dangereuse : d’un côté, une Russie qui teste en permanence les défenses de l’OTAN ; de l’autre, des gouvernements qui transforment chaque incident en prétexte pour consolider leur position politique et obtenir des moyens. Entre ces deux pôles, le risque est de voir une provocation mal interprétée déclencher un engrenage incontrôlable. Seule une approche équilibrée, combinant fermeté militaire et diplomatie active, peut éviter que la mer Baltique ne devienne le prochain front chaud de l’Europe.

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