
Par Angélique Bouchard
WASHINGTON – Le président Donald Trump a franchi un seuil décisif dans sa confrontation avec le régime vénézuélien, confirmant publiquement, lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche le 15 octobre, avoir autorisé des opérations covert de la CIA au Venezuela.
Cette annonce, qui fait écho à un rapport exclusif du New York Times sur une directive présidentielle classée permettant des actions potentiellement létales, s’inscrit dans une offensive plus large contre les flux narcotiques et migratoires en provenance d’Amérique latine.
Après cinq frappes militaires américaines létales sur des bateaux présumés trafiquants dans les Caraïbes depuis septembre – ayant entraîné la mort de 27 individus, dont six le 14 octobre en eaux internationales près des côtes vénézuéliennes –, Trump a signalé un pivot vers des opérations terrestres : “Nous regardons maintenant la terre, car nous avons la mer bien sous contrôle. Leurs bateaux sont rapides… mais pas plus que nos missiles.”
Aux côtés du directeur du FBI Kash Patel, Trump a justifié cette mesure par deux impératifs sécuritaires : l’“exportation” de criminels vénézuéliens vers les États-Unis via une frontière “ouverte” sous l’ère Biden, et les flux de drogue, notamment le fentanyl, en provenance du Venezuela.
Interrogé sur une éventuelle élimination ciblée de Nicolás Maduro – qualifié de “narco-terroriste” et visé par une récompense de 50 millions de dollars pour trafic de drogue –, Trump a éludé avec une pointe d’ironie : “C’est une question ridicule à répondre. Le Venezuela sent la chaleur.”
Cette escalade, soutenue par un renforcement militaire régional (10 000 troupes à Porto Rico, huit navires de guerre et un sous-marin nucléaire en Caraïbes), reflète une doctrine trumpienne hybride : unilatéralisme musclé contre les “menaces asymétriques”.
Pour un public diplomatique et médiatique averti, cette décision soulève des questions profondes sur ses ramifications internes aux États-Unis et ses implications géopolitiques hémisphériques.
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Analyse politique intérieure : Renforcement idéologique et défis institutionnels au sein du système américain
Sur le plan domestique, l’autorisation CIA s’inscrit dans une stratégie narrative cohérente avec les priorités MAGA, fusionnant la sécurisation frontalière et la “guerre contre les drogues” en un levier électoral puissant.
Donald Trump accuse explicitement le Venezuela d’avoir “vidé ses prisons et asiles” vers les États-Unis, alimentant un discours sur l’“invasion criminelle” qui résonne auprès de la base républicaine, particulièrement dans un contexte de 70 000 overdoses annuelles liées au fentanyl.
Comme l’a souligné Eric Trump lors d’une apparition sur Fox News, ces cartels “empoisonnent notre société”, légitimant une réponse ferme.
Des figures clés comme le sénateur Jim Risch (R-Idaho), président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, saluent cette initiative comme “exactement ce qu’il faut” contre une menace “narco-terroriste” qui transcende les frontières.
Orchestrée par Marco Rubio (secrétaire d’État) et John Ratcliffe (directeur de la CIA), cette politique consolide l’alliance des faucons républicains, transformant une crise étrangère en atout pour les élections de mi-mandat de 2026.
Toutefois, cette audace institutionnelle met en lumière des tensions structurelles au sein du système américain.
Une résolution limitée sur les pouvoirs de guerre, déposée par les démocrates Adam Schiff (D-Californie) et Tim Kaine (D-Virginie), visant à interdire les “hostilités” contre des acteurs non étatiques sans approbation congressionnelle, a été rejetée de justesse le 8 octobre (51-48), mais avec le ralliement de républicains isolationnistes comme Rand Paul (R-Kentucky) et Lisa Murkowski (R-Alaska).
Ces dissensions révèlent un clivage idéologique au sein du GOP : interventionnisme hawkish versus prudence constitutionnelle, exacerbé par la désignation des cartels (Tren de Aragua, Sinaloa) comme “organisations terroristes étrangères” en février et un mémo du 30 septembre déclarant un “conflit armé non international”.
La sénatrice Jeanne Shaheen (D-New Hampshire) dénonce un “glissement vers un conflit ouvert sans garde-fous”, qualifiant les frappes de “exécutions extrajudiciaires”.
Trump rétorque avec pragmatisme : “Chargés de drogue ? Ils sont fair game.”
Pour les diplomates, ce débat souligne les limites du contrôle congressionnel sur les actions covert, rappelant les controverses post-11 septembre, et risque d’éroder la cohésion républicaine si des revers sur le terrain – pertes américaines ou scandale d’information – émergent.
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Analyse politique extérieure et géopolitique : Réactivation de la doctrine Monroe et risques d’instabilité hémisphérique
Géopolitiquement, cette autorisation réactive une Doctrine Monroe modernisée, positionnant l’Amérique latine comme un espace vital à sécuriser contre les hybridations menace (narcotrafic, migration, alliances anti-occidentales).
L’objectif affiché est de démanteler les réseaux “narco-terroristes” liés à Maduro, accusé de complicité avec Tren de Aragua pour le transit de cocaïne colombienne – bien que le fentanyl émerge principalement du Mexique.
Les perspectives positives incluent un soutien renforcé à l’opposition, incarnée par María Corina Machado, lauréate du Nobel de la Paix 2025, qui dédie son prix à Trump et appelle à une “transition démocratique” appuyée par Washington. Les frappes ont déjà contraint les trafiquants à réorienter leurs routes vers l’air ou la terre, perturbant les chaînes logistiques et consolidant la présence US (F-35 à Porto Rico, visites du Centcom en Grenade et Trinité-et-Tobago pour des bases avancées).
Néanmoins, les vulnérabilités sont palpables.
Maduro a riposté en qualifiant ces actions de “coups d’État orchestrés par la CIA” et en saisissant le Conseil de sécurité de l’ONU pour violation de la Charte des Nations Unies, accusant les États-Unis de convoiter les réserves pétrolières vénézuéliennes sous couvert antidrogue.
Des experts de l’ONU condamnent les frappes comme “illégales” et “extrajudiciaires”, tandis que le régime mobilise ses forces (F-16 en alerte, parades militaires) et invoque les échecs historiques de la CIA (Afghanistan, Libye) pour un narratif anti-impérialiste.
Sur X, les réactions vénézuéliennes – comme celles de @Apevex ou @lanavecomunica3 – dénoncent une “invasion imminente”, amplifiant les appels à la solidarité régionale.
Le Mexique et la Colombie protestent contre les victimes “colombiennes” dans les frappes, craignant une déstabilisation des flux migratoires (déjà 7 millions de réfugiés vénézuéliens).
Plus structurellement, cela pourrait catalyser des alliances anti-US : Maduro courtise déjà Moscou et Téhéran, transformant une opération tactique en guerre par procuration hémisphérique, avec des ramifications pour la stabilité énergétique globale.
En perspective, cette “Trump 2.0” incarne un pari stratégique audacieux : missiles surpassant les speedboats, mais l’histoire enseigne que les interventions covert, sans ancrage multilatéral, engendrent souvent des boomerangs. Pour les sphères diplomatiques et médiatiques, le Congrès et l’ONU émergeront comme arbitres cruciaux, tandis que la région observe si cette “chaleur” consumera Maduro ou embrasera l’hémisphère.
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En fin de compte : Trump joue gros au Venezuela – Victoire écrasante ou fiasco historique ?
Au bout du compte, cette bombe CIA larguée par Trump n’est pas qu’une opération secrète : c’est un uppercut géopolitique qui pourrait redessiner l’Amérique latine entière.
Imaginez : d’un côté, un Maduro acculé, ses prisons “vidées” et ses routes de drogue en feu, avec les missiles US qui pulvérisent les illusions des cartels – un triomphe MAGA qui boosterait la base républicaine comme jamais internement, en transformant les overdoses fentanyl et les migrants criminels en trophées électoraux pour 2026. Les faucons comme Rubio et Risch jubilent déjà, voyant là une Doctrine Monroe dopée aux stéroïdes, où l’Amérique dicte les règles sans demander la permission à l’ONU ou aux pleurnichards démocrates.
Mais flippez la médaille : si les ops terrestres dérapent – un scandale CIA, des civils vénézuéliens dans le collimateur, ou Maduro qui appelle Poutine et l’Iran à la rescousse –, c’est le chaos. Fissures au Congrès (Paul et Murkowski en traîtres potentiels), backlash régional (Mexique et Colombie en rogne sur les morts collatéraux), et une crise humanitaire explosive avec 7 millions de réfugiés en bonus.
Le président Trump parie que ses missiles sont plus rapides que l’histoire, mais rappelez-vous l’Afghanistan ou la Libye : les cow-boys finissent souvent par mordre la poussière.
Pour les diplomates et les médias, c’est un thriller en direct – succès, et Trump entre dans les livres comme le sauveur hémisphérique ; plantage, et c’est Biden 2.0, mais en pire.
La chaleur ? Elle grille Maduro… ou consume l’Amérique. À suivre, popcorn en main.
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