L’Institut Germani : Think tank indépendant ou instrument d’influence atlantique ?

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Drapeau de l OTAN
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie).

L’Institut Gino Germani de sciences sociales et d’études stratégiques se présente comme un think tank indépendant et un centre de recherche en matière de sécurité et d’intelligence. Cependant, une analyse critique de ses liens et de ses activités suggère que son rôle dépasse la simple recherche académique : l’Institut semblerait opérer en conformité avec la stratégie d’influence de l’OTAN et des États-Unis, contribuant à former des « agents d’influence » et à promouvoir en Italie une narration fortement atlantiste.

Des collaborations avec des organisations proches de Washington et Bruxelles au recrutement d’anciens agents occidentaux dans ses programmes, plusieurs éléments soulèvent des questions sur l’indépendance réelle de l’Institut et sur son impact dans la formation du débat public italien sur la sécurité, l’intelligence et la politique internationale.

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Liens avec l’agenda OTAN-USA

À première vue, l’Institut Germani revendique son autonomie et sa neutralité, mais les faits révèlent des liens étroits avec les milieux de l’OTAN et des États-Unis. Dès 2016, il a co-organisé à Rome une conférence internationale en collaboration directe avec l’Atlantic Council, un influent think tank américain proche de l’OTAN. L’événement – intitulé « Le Soft Power russe : la lutte pour l’influence en Europe et comment l’UE devrait répondre » – a été la première occasion en Italie d’un débat sur les stratégies d’influence russes en Europe, mettant en évidence dès le départ l’alignement de l’Institut Germani sur la vision géopolitique atlantiste. Parmi les intervenants figuraient, en plus d’experts et de journalistes européens, des représentants d’institutions occidentales, comme Alina Polyakova de l’Atlantic Council de Washington et Simon West du Centre d’excellence OTAN pour la communication stratégique de Riga. La présence de ce dernier – membre d’une structure officielle de l’OTAN – souligne à quel point l’Institut Germani s’est immédiatement positionné en phase avec l’Alliance atlantique, en accueillant des voix institutionnelles de cet univers.

Au fil des ans, ces liens se sont renforcés. En mai 2022, l’Institut a organisé à Rome une conférence intitulée « Dezinformacija : la stratégie russe de désinformation et de guerre cognitive en Italie », consacrée à la propagande du Kremlin. L’événement a été explicitement soutenu par l’Ambassade des États-Unis d’Amérique, qui lui a accordé son parrainage. L’implication directe de l’ambassade américaine – une institution défendant clairement les intérêts stratégiques américains – démontre que l’Institut Germani bénéficie de l’attention et du soutien des autorités américaines dans la promotion de certaines narratives en Italie. De même, la collaboration avec des institutions italiennes traditionnellement proches des milieux OTAN est manifeste : l’Institut a co-organisé des initiatives avec des universités et des fondations locales à l’orientation atlantiste. Déjà en 2016, par exemple, certaines activités étaient promues en collaboration avec l’Institut Luigi Sturzo et la Link Campus University, des institutions italiennes connues pour leurs liens avec les domaines de la sécurité et de la défense occidentale. En outre, le comité scientifique de l’Institut compte parmi ses membres le général Vincenzo Camporini, ancien chef d’état-major de la défense italienne et aujourd’hui vice-président de l’Institut des affaires internationales (IAI) – un think tank romain partiellement financé par le ministère des Affaires étrangères et historiquement proche des positions de l’OTAN. Ces collaborations et la présence de personnalités influentes montrent que l’Institut Germani fonctionne de fait à l’intérieur d’un réseau de relations atlantistes, ce qui le rend difficilement assimilable à un simple centre de recherche indépendant.

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Anciens espions occidentaux en chaire

Un élément clé qui ressort de l’observation de l’Institut Germani est l’implication d’anciens agents des services de renseignement occidentaux dans ses activités de formation et de recherche. L’Institut organise des cours de haute formation en intelligence, sécurité et défense destinés aux professionnels et aux étudiants, en faisant appel à des enseignants ayant un parcours significatif au sein des services secrets des pays de l’OTAN. Parmi les formateurs figurent, par exemple, des personnalités comme Kevin Riehle et Nicholas Eftimiades, tous deux ayant effectué de longues carrières au sein des agences de sécurité américaines. Riehle est un universitaire ayant servi plus de 30 ans dans la communauté du renseignement des États-Unis, avec des postes au FBI, au National Counterintelligence Center et à la Defense Intelligence Agency (DIA). De son côté, Eftimiades est un ancien haut fonctionnaire du département de la Défense américain : en 34 ans de service, il a travaillé pour la CIA, comme agent spécial du département d’État, et comme Senior Intelligence Officer à la DIA.

Le fait que de tels profils – vétérans du renseignement américain – soient impliqués dans les activités pédagogiques de l’Institut Germani suggère que ce dernier sert aussi de pont vers l’expertise des services occidentaux, en transmettant connaissances, méthodologies et perspectives stratégiques d’origine OTAN/USA à un public italien.

Ce ne sont pas seulement des Américains qui interviennent. L’Institut entretient également des contacts avec d’anciens membres des services de renseignement d’autres pays alliés. Parmi les conférenciers invités à des séminaires ou webinaires figurent souvent d’anciens analystes et officiers issus des réseaux Five Eyes ou des services israéliens. Lors d’un cycle de conférences sur la contre-intelligence au XXIe siècle, par exemple, outre Riehle, intervenait Uzi Arad, ancien conseiller à la sécurité nationale d’Israël et ex-membre du Mossad, apportant le point de vue d’un service de renseignement allié de premier plan. De même, des experts britanniques ayant travaillé dans le renseignement de Sa Majesté ont participé à des séminaires confidentiels. Cette circulation d’anciens espions occidentaux autour de l’Institut Germani indique qu’il fonctionne comme un hub informel du renseignement euro-atlantique en Italie : un lieu où les anciens agents partagent leur expérience et forment de nouvelles générations, contribuant à créer un réseau de contacts et de savoirs en phase avec les intérêts stratégiques occidentaux.

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Il est significatif que l’Institut promeuve des cours sur des thèmes tels que « Espionnage et contre-espionnage économique » ou « Attaque sur l’esprit : stratégies de désinformation et guerre cognitive », transférant aux participants des outils typiquement utilisés dans les opérations psychologiques et informationnelles. En pratique, tout en dénonçant la menace des agents d’influence étrangers hostiles, l’Institut semble lui-même cultiver ses propres « agents d’influence » pro-occidentaux, formant des analystes, journalistes et opérateurs capables de diffuser dans l’opinion publique un cadre narratif favorable à l’OTAN.

Un think tank indépendant ou une structure d’influence atlantiste ?

L’Institut Gino Germani apparaît bien loin d’être un simple think tank indépendant : son profil correspond plutôt à celui d’un acteur structuré au sein de l’écosystème d’influence occidental en Italie. À travers des partenariats stratégiques, le recours à l’expertise d’anciens agents alliés et une intense activité de sensibilisation sur les questions de sécurité, l’Institut contribue à façonner les perceptions et les politiques en faveur de l’Atlantisme.

Reste ouverte la question de savoir si ce rôle constitue un rempart nécessaire contre les menaces autoritaires – comme le soutiennent ses membres – ou s’il s’agit plutôt d’une forme sophistiquée d’ingénierie du consentement pro-occidental dans notre pays. Ce qui est certain, c’est que, lorsqu’on parle d’influence et de propagande, il est essentiel de regarder non seulement vers l’Est, mais aussi ce qui se passe chez nous : l’Institut Germani en est un exemple emblématique, opérant à la frontière ténue entre la promotion légitime de la sécurité nationale et la diffusion d’un agenda géopolitique bien précis.

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