
L’intelligence artificielle continue de changer nos vies si rapidement que les normes éthiques et juridiques antérieures deviennent obsolètes sous nos yeux. Ce n’est pas un hasard si, il y a un an, sous l’égide de l’UNESCO, a été créé l’Observatoire mondial sur l’éthique dans la gouvernance de l’intelligence artificielle. Son objectif est d’analyser et de formuler des recommandations.
Yury Istomin est un célèbre auteur-compositeur et entrepreneur, fondateur de la société d’IA « iQln-research ». Il est également l’auteur d’un nouveau concept philosophique, présenté dans le livre « Realitology ». Pour développer sa théorie, Yuri Istomin a créé l’Institut Realitology à Monaco. Le Diplomate a rencontré Yury Istomin qui utilise déjà l’IA dans ses créations pour essayer de trouver le juste équilibre.
Propos recueillis par Le Diplomate
Le Diplomate : L’émergence de programmes d’IA qui composent de la musique de tout genre et de la poésie a d’abord beaucoup indigné la communauté créative, mais ensuite des albums entiers ont commencé à apparaître, créés principalement par l’intelligence artificielle. Cependant, des poursuites judiciaires ont rapidement suivi.
Yury Istomin : Oui, par exemple, la composition « Heart on My Sleeve », créée avec l’aide des voix IA de Drake et The Weeknd, a été retirée de Spotify en raison d’une violation du droit d’auteur, bien qu’elle soit devenue extrêmement populaire. Nous entrons ici dans une véritable « jungle » juridique, car l’arsenal juridique concernant l’intelligence artificielle dans la sphère culturelle n’en est qu’à ses balbutiements. Ce morceau était assez facile à traiter, car il utilisait des procédures bien établies pour prouver qu’il était illégal d’utiliser la voix de l’artiste sans son consentement pour une nouvelle composition. Mais nous avons toute une « forêt » de problèmes devant nous.
Personnellement, je suis assez doué pour créer des chansons par moi-même, mais mon dernier album, “Transfer dans Istanbul”, présente un exemple de collaboration avec l’IA. Cependant, il convient de noter que la chanson elle-même était déjà à moitié écrite, et j’ai décidé de parler à ChatGPT uniquement pour entendre ses idées sur la fin. J’ai aimé le résultat et décidé de l’enregistrer de cette façon.
J’oserais dire que pour un professionnel, collaborer avec l’IA s’apparente à un travail de producteur. Plus la tâche est clairement définie, plus grandes sont les chances d’obtenir un bon résultat. Plus le créateur lui-même met d’éléments dans ChatGPT, plus le résultat obtenu est intéressant.
De plus, les éditeurs et la presse ont été les premiers à comprendre que sans vérification professionnelle des résultats de l’intelligence artificielle, ceux-ci ne peuvent pas être exploité et directement soumis aux lecteurs. L’IA est très efficace pour dessiner des couvertures de livres simples, laissant malheureusement les designers professionnels sans revenus et sous la menace de la disparition de leur profession.
ChatGPT est devenu une sorte de soutien pour la préparation d’articles, mais ils doivent être relus par un journaliste professionnel ayant une vision large pour garantir qu’aucune erreur évidente ne passe inaperçue. Sans parler du correcteur. Tout le monde a peur que l’intelligence artificielle supprime des emplois, mais je dirais plutôt qu’elle va éliminer les personnes sans talent et sans professionnalisme. Les gens ont une capacité fantastique à créer quelque chose de nouveau, ainsi qu’un sens incroyable du moment où l’on peut changer quelques mots ou quelques sons – et maintenant le morceau est joué différemment.
LD : Cependant, pour l’instant, nous constatons que l’IA est utilisée comme “un cheval” pour augmenter la diffusion et les ventes, non ?
YI : Oui, bien sûr, nous ne pouvons pas nous passer d’une telle « neuvième vague ». Mais n’y avait-il pas déjà des plagiats dans le show-biz ou dans les médias ? Aujourd’hui, de plus en plus de personnes ont accès à ce qu’elles considèrent comme de la « créativité » grâce à l’IA. Essayons de le justifier un peu.
Auparavant, un compositeur créait quelques chansons à succès, un interprète talentueux les enregistrait et, si le public les appréciait, il achetait les disques et allait aux concerts. Mais les supports d’enregistrement modernes rendent diverses redevances créatives éphémères. Même une star comme Taylor Swift, avec des tournées mondiales extrêmement réussies, se bat depuis longtemps avec diverses plateformes pour obtenir des droits d’auteur.
Auparavant, il était nécessaire d’établir des relations uniquement avec les maisons de disques, mais désormais – avec l’ensemble de l’univers des différentes ressources d’Internet. Les règles du jeu ont donc déjà radicalement changé et continuent de changer sous nos yeux.
LD : Nous savons combien de cas juridiques complexes existent dans le monde contre des artistes populaires lorsqu’ils sont soudainement accusés de plagiat. Il s’agit parfois d’une tentative de chantage, mais n’est-il pas en réalité très facile de tirer profit d’une composition d’un auteur non promu d’un pays tiers ?
YI : Malheureusement, cela a toujours été et sera toujours le cas. D’autres sont encore plus rusés, volant des œuvres oubliées des classiques.
LD : Est-ce à dire que nous sommes dans une situation d’impunité pour le plagiat musical ?
YI : Il faut admettre que si le compositeur est décédé depuis longtemps, le droit d’auteur n’existe plus. Les musiciens classiques ont bien sûr une éthique professionnelle et ils essaient d’éviter les emprunts évidents. Bien que très souvent on puisse entendre l’influence d’autres compositeurs sur eux.
Cependant, en show-biz, les critères de plagiat sont beaucoup plus flous. Et le traitement moderne, en changeant le rythme, les instruments ou la tonalité, est capable de camoufler beaucoup de choses. Et maintenant, ils commencent à tout imputer à l’aide de l’intelligence artificielle.
C’est pourquoi pour les auteurs encore en vie, de nouveaux instruments juridiques modernes devraient leur venir en aide. Je sais qu’il y a déjà des facultés de droit où on enseigne une une nouvelle spécialité, préparant les professionnels aux procès dans des affaires liées à l’intelligence artificielle.
LD : Les tribunaux sont le dernier recours. Qu’en est-il des questions éthiques ?
YI : La société est inimaginable sans éthique, mais elle est parfois très différente même dans les pays voisins. Cependant, j’aimerais croire que chaque véritable créateur possède quelque chose d’insaisissable que même les machines les plus sophistiquées ne peuvent reproduire. Si ce n’était pas le cas, pourquoi les gens continuent-ils à aller au théâtre et aux concerts ?
Tout véritable artiste se produit toujours mieux en public. C’est un phénomène surprenant, car de l’extérieur, il semble qu’il y ait plus d’excitation et de pression devant le public. Et cela, d’un côté, est tout à fait vrai ! Mais d’un autre côté, quand on y met toute son âme, on est soi-même et nourri des émotions du public. Un sentiment indescriptible.
En outre, un certain parallèle peut être établi ici avec les changements généraux de l’économie mondiale. Nous constatons que même les services virtuels les plus complexes deviennent moins chers, tandis que le coût des services fournis hors ligne sont en augmentation.
Il s’avère que les concerts live se déplacent progressivement vers le segment du luxe. Il est clair que le seuil de « dépenses de luxe » varie considérablement selon les consommateurs. Et pourtant. J’espère donc que les concerts trouveront toujours leur public.
Et si le public aime les interprètes, il leur pardonne généralement leurs divers emprunts. Curieusement, les questions éthiques sont ici plus susceptibles d’être soulevées par d’autres artistes.
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LD : Vous êtes l’auteur du livre « Realitology », dans lequel vous tentez une nouvelle compréhension du « libre arbitre » et d’autres concepts philosophiques importants. C’est très pertinent, car le déterminisme antérieur est en train de disparaître sous nos yeux, et une nouvelle conscience humaine vient le remplacer. Diriez-vous que votre approche philosophique est assez optimiste ?
YI : Peut-être. Je ne voudrais pas simplifier tout le concept dans une courte interview, mais je suis un fervent partisan des théories sur les énormes possibilités de la psyché humaine. À chaque siècle, les changements qui ont eu lieu ont inspiré certains et effrayé d’autres. Et maintenant, nous entendons constamment des avertissements du genre « où va le monde ? ». Cependant, je dirais que maintenant la responsabilité de l’individu lui-même augmente considérablement, et une technologie parfaite devrait l’aider, mais pas le remplacer.
Je montre en détail dans le livre ce que signifie, par exemple, « penser en termes d’alternatives » et « créer du sens ». L’homme a toujours fait cela, mais pendant des siècles, la majorité a été opprimée par des contraintes de survie ou des entraves sociales. Aujourd’hui, une part considérable de la population mondiale est maîtresse de son destin.
En même temps, personne n’annule notre nature biologique qui, que nous le voulions ou pas, prédétermine initialement notre comportement. La « réalitologie » est une tentative d’avoir une vision globale de l’homme moderne, constamment complétée par de nouvelles découvertes dans les sciences naturelles et humaines.
J’espère vraiment que l’Institut Realitology que j’ai créé à Monaco, deviendra un point d’attraction pour les chercheurs qui sont attirés par une large couverture de matériel, sans être limités au cadre d’un seul paradigme.
LD : Il existe beaucoup de clichés sur Monaco et les Monégasques. Êtes-vous d’accord avec eux ou pouvez-vous les réfuter ?
YI : Je serai heureux de les réfuter ! Je suis toujours étonné de voir à quel point les Monégasques sont passionnés. C’est ici que se déroulent les événements les plus intéressants, comme par exemple le Festival de Télévision de Monte-Carlo, le Festival du Cirque, qui est en réalité une Olympiade du cirque, le Printemps des Arts, le Concours International de Bouquets… Sans oublier le célèbre Yacht Show et le grand Prix de Formule 1.
Monaco est un diamant méditerranéen, scintillant de toutes ses facettes. C’est justement grâce à la passion des Monégasques qu’il existe ici autant d’associations diverses, inventant sans cesse de nouvelles manifestations culturelles. Saviez-vous, par exemple, qu’il s’agit d’une startup monégasque qui développe des batteries électriques de pointe pour les futurs rovers lunaires ?
Et bien sûr, notre passion commune c’est la mer ! Je ne serais pas original si je disais que je suis aussi un plaisancier. Pour moi, c’est une unité complète avec la nature, une opportunité de redémarrer et de se renouveler. Mais en même temps, nous rappelons que depuis l’époque du Prince Albert Ier, la principauté a également été l’un des centres mondiaux les plus importants pour l’exploration de la mer de l’océan.
C’est grâce au études profondes Monaco a créé récemment son nouvel cartier Mareterra, qui est bâti complètement dans la mer. La superficie de la principauté a augmenté de 3% ! Et je voudrais attirer votre attention que la ligne côtière de Monaco est beaucoup plus difficile et profonde par apport de Dubaï.
C’est pourquoi il est absurde de réduire Monaco aux seuls casinos et au luxe. L’atmosphère même du lieu vous tient en haleine, révélant toujours quelque chose de nouveau. Si possible, les Monégasques essaient de collectionner des œuvres d’art, et je ne fais pas exception. Et pour la plupart, nous ne gardons pas les tableaux exclusivement pour nous, mais essayons de les exposer afin que tous ceux qui le souhaitent puissent les voir.
De plus, Monaco est une « boîte à musique » où se cachent toutes sortes de trésors. Les chanteurs pop les plus célèbres du monde viennent se produire dans les clubs ici, et le magnifique orchestre philharmonique de la principauté invite chaque année les meilleurs chefs d’orchestre du monde pour préparer des programmes époustouflants.
Monaco c’est de l’énergie, des projets, des rêves et une absence totale d’ennui, car beaucoup d’événements sont totalement gratuits.
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