Utilisation des sites de rencontres, diplomates étrangers, informations moyennant des sommes d’argent, Israël ne lésine pas sur les moyens pour espionner son ennemi. Le Hezbollah n’est pas en reste pour s’informer sur les positions de l’armée israélienne.
« La guerre connait des fluctuations, le renseignement lui, ne s’arrête jamais et toutes les méthodes sont bonnes, mais les Israéliens disposent de plus de moyens et sont plus inventifs », explique d’emblée Daniel Meier, professeur à Sciences Po Grenoble. En effet, dans le conflit opposant l’armée israélienne au Hezbollah libanais depuis le 8 octobre, tous les coups sont permis pour espionner l’autre. Selon une enquête de L’Orient-Le Jour, l’application Tinder sur le territoire libanais fourmille de profils israéliens. Il s’agirait soit d’un brouillage des GPS permettant à des personnes extérieures au pays du Cèdre de rentrer en contact avec des Libanais, soit d’une infiltration virtuelle pour récolter un maximum d’informations au profit du Mossad. En effet, sur la plateforme on retrouve des profils israéliens à moins d’un kilomètre de Beyrouth. Une information prise au sérieux par les services libanais qui s’inquiètent de l’espionnage israélien sur son sol.
D’ailleurs, le 13 février dernier, lors d’un discours, le secrétaire général du Hezbollah a exhorté à ses partisans de faire attention à l’utilisation de leur smartphone. « Le smartphone est un appareil d’espionnage ! Il entend tout ce que vous faites, dites, envoyez et prenez en photo. Votre localisation, votre maison… Israël n’a pas besoin de plus que cela », avait-il prévenu, tout en demandant de les jeter, de les enterrer ou de les mettre dans une boîte en métal. « Une demande qui concernait de base uniquement les cadres du mouvement », rappelle l’auteur du livre Le Liban : du mythe phénicien aux périls contemporains, aux éditions le cavalier bleu.
Le téléphone : source d’inquiétude du Hezbollah
Le Hezbollah est en effet sur ses gardes après l’assassinat en janvier dernier de Wissam Tawil, un haut dirigeant des forces al-Radwane. L’homme a été tué par une bombe placée sous sa voiture et non par un missile. Une preuve irréfutable de la présence d’un agent qui a placé les explosifs. De surcroît, le 22 novembre dernier, cinq personnes, toutes issues de l’unité d’élite du Hezbollah, la force al-Radwan, dont le fils de Mohammad Raad, sont tuées dans une frappe israélienne. Quelques minutes à peine s’étaient écoulées avant que la maison où ils venaient d’arriver, à Beit Yahoun, ne soit visée par des missiles israéliens. « Le téléphone portable est devenu une véritable source de préoccupation pour le Hezbollah, c’est un espionnage par devers les habitants et une source inépuisable sur les positions militaires du parti, là où ils résident, qui ils fréquentent et où ils se déplacent », insiste le spécialiste du Proche-Orient.
Outre le téléphone portable, plusieurs ressortissants étrangers ont été suspectés en début d’année de récolter des informations pour l’État hébreu dans la banlieue sud de Beyrouth, fief de la milice chiite. Des Néerlandais munis de passeports diplomatiques ont été arrêtés à Haret Hreik, quartier général de l’organisation pro-iranienne et un Espagnol a été appréhendé par le mouvement chiite et remis à l’armée libanaise après avoir pris des photos dans certaines ruelles du sud de la capitale.
Daniel Meier nous apprend que « les modalités des renseignements ont connu une sorte de boom depuis la crise économique au Liban ». Moyennant une certaine somme d’argent, les services israéliens ont réussi à rentrer en contact avec plusieurs libanais pour collecter des informations sur l’armée libanaise, le Hezbollah, le mouvement palestinien Hamas, ainsi que sur des responsables officiels libanais, des chefs de partis et des ONG. Le Mossad aurait notamment recruté des espions via les réseaux sociaux. En plein marasme économique, alors que de nombreux Libanais peinent à joindre les deux bouts, le renseignement israélien a profité de cette situation pour soudoyer des sources. Pour passer sous le radar des autorités libanaises, les paiements transitaient par des réseaux comme Western Union ou OMT et les versements –dont les sommes ne dépassaient pas 200 dollars– provenaient de plusieurs pays.
Les services libanais sont sur le qui-vive « comme en 2010 », rappelle le chercheur de Sciences po Grenoble. Cette année-là en effet, près de 150 espions présumés avaient été arrêtés au Liban pour intelligence au profit d’Israël. Cette opération de grande ampleur lancée par les Forces de sécurité libanaises avait révélé des liaisons pour le moins étonnantes : «des personnes avaient vendu des informations pour le compte d’Israël, parmi lesquelles des soldats de l’armée libanaise et des proches du Hezbollah», précise Daniel Meier. Il s’agissait notamment de Fayez Karam, ancien général de l’armée libanaise, également cadre éminent du Courant patriotique libre, parti allié du Hezbollah.
Des tunnels made-in Corée du Nord ?
Concernant l’espionnage, le parti chiite libanais n’est pas en reste « un groupe qui ne fait pas du renseignement est un groupe qui avance à l’aveugle, et ce n’est pas le cas du Hezbollah », indique le chercheur tout en précisant que « le mouvement n’a pas les mêmes moyens que les services israéliens ». L’organisation pro-iranienne dispose tout de même de ses propres canaux par le biais des bergers, des agriculteurs et des habitants à la frontière israélo-libanaise. D’ailleurs, un arabe israélien, Rami Chami, a été jugé coupable en janvier dernier pour avoir fourni des services au Hezbollah et conspiré pour commettre un crime.
Malgré la différence de moyens entre les deux ennemis, « le Hezbollah se modernise et dispose de nombreux drones de reconnaissance et de renseignement qui permettent de cartographier les infrastructures militaires d’Israël », insiste le spécialiste du Proche-Orient. En effet, le parti chiite mène de nombreuses opérations en territoire israélien depuis le 8 octobre et revendique des frappes sur des installations de Tsahal, à l’instar du ciblage du site de Meron le 6 janvier dernier, centre de surveillance et de contrôle aérien dans le nord d’Israël. « Ces tirs de missiles de précision indiquent très clairement qu’ils savent ce qu’ils ciblent », explique-t-il.
Le parti chiite dispose également d’un important réseau de tunnels reliant le territoire libanais au territoire israélien en vue de préparer probables futures incursions. La construction de ces infrastructures souterraines a mis en exergue la collaboration du Hezbollah avec des ingénieurs nord-coréens. Une partie a toutefois déjà été détruite par l’armée israélienne en 2018. Auparavant, le Hezbollah utilisait de surcroît des passeurs de drogues pour soudoyer certains officiers de l’armée israélienne et obtenir des renseignements cartographiques. En 2008, l’adjudant Louai Balut avait été reconnu coupable par un tribunal militaire de Haute Galilée d’avoir vendu des informations au Hezbollah en échange de facilités pour alimenter un trafic de drogue. Les autorités militaires estimaient que le Hezbollah cherchait à recruter des soldats israéliens d’origine druze ou bédouine pour fournir des renseignements en leur permettant de s’approvisionner en drogue. « C’est finalement une guerre d’espionnage multiforme entre deux ennemis irréductibles », conclut ainsi Daniel Meier.
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