[02:38, 06/07/2024] Noreen Shah:

Razika Adnani : « On ne peut pas être contre l’islamisme et soutenir le Hamas »

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Le Hamas parade dans les rues de Gaza. Le logo du Hamas, toujours avec la carte précise d’Israël en haut et en vert, au milieu la mosquée de Jérusalem “Al-Qods Al-Aqsa”. En dessous, on peut lire « Palestine » et, plus bas dans le bandeau vert, « Mouvement de la résistance islamique-Hamas ». Le drapeau de droite porte la phrase islamique « Il n’y a qu’un Dieu, Allah », et celui de gauche « Mahomet est le messager d’Allah ». Montage Le Diplomate.

Par Razika Adnani – Son site : https://www.razika-adnani.com

TRIBUNE. Pour la philosophe et islamologue Razika Adnani, il est impossible de séparer le Hamas, qui prétend défendre les Palestiniens, de sa vocation résolument islamique.

Un grand nombre de femmes et d’hommes, en Algérie et ailleurs dans le monde musulman, qui ont lutté farouchement des années durant contre l’islamisme et dénoncé le totalitarisme et le terrorisme islamiques, manifestent aujourd’hui leur soutien pour le Hamas. Ils défendent les Palestiniens et dénoncent la guerre à Gaza, sans dénoncer les attaques du Hamas, ses massacres de civils israéliens, ni attribuer à ce mouvement une quelconque responsabilité dans cette guerre et dans la souffrance qu’endurent les Gazaouis.

Or, le Hamas, ou Harakat al Moukawama al Islamiya (« Mouvement de la résistance islamique », en français), n’est pas, comme son nom l’indique, un mouvement de résistance palestinienne, mais un mouvement de résistance islamique qui appartient à la mouvance des Frères musulmans, comme il le précise dans l’article 2 de sa charte de 1988. Son apparition remonte à la deuxième moitié du XXe siècle, époque où le monde musulman connaissait une montée de l’islamisme et un renforcement du fondamentalisme.

Si le Hamas, dans sa charte de 2017, n’évoque pas les Frères musulmans, cela ne l’empêche pas d’être un mouvement islamiste. Dans cette seconde charte (article 8 et 9), il souligne son objectif de construire un État islamique où l’islam contrôle tous les domaines de la société et dont les règles sont valables en tout temps et tout lieu, ce qui constitue les critères de l’islamisme comme mouvement politico-religieux totalitaire.

L’Égypte, où de grandes manifestations de soutien au Hamas ont eu lieu, a dépensé d’énormes sommes d’argent pour la construction d’un mur au Sinaï le long de ses frontières avec la bande de Gaza afin de se protéger du Hamas et de sa branche armée. L’Égypte a également désigné la Confrérie des Frères musulmans comme un mouvement islamiste terroriste, ainsi que certains pays du Golfe persique.

Distinguer le Hamas des Palestiniens

Ce rappel du caractère islamiste du Hamas est important pour affirmer que l’on ne peut pas être contre l’islamisme et en même temps soutenir le Hamas. On ne peut pas condamner l’islamisme quand il frappe dans son pays et l’applaudir quand il frappe ailleurs, justifier les massacres de civils, les viols de femmes et les kidnappings d’enfants et de vieillards qu’il commet. Les actes qui nous répugnent parce qu’ils portent atteinte à la dignité humaine, on ne peut pas les accepter ni les juger comme justes parce que les victimes ne sont plus les mêmes ou parce qu’elles sont israéliennes ou juives.

Certes, dénoncer les bombardements de Gaza pour protéger les civils est humain. Défendre le droit du peuple palestinien à avoir un État indépendant dans lequel il puisse vivre librement et dignement est légitime. Je suis convaincue que la solution à deux États est la seule qui permette de sortir du conflit israélo-palestinien qui dure depuis plus d’un demi-siècle, mais qui est, rappelons-le, rejetée par le Hamas.

Cependant, défendre les droits des Palestiniens ne doit en aucun cas signifier soutenir le Hamas, ou être un prétexte pour défendre l’islamisme. Il est donc indispensable de distinguer d’un côté la cause palestinienne légitime, et de l’autre le mouvement islamiste terroriste du Hamas. Le Hamas n’est pas la Palestine, et même si ses membres sont palestiniens, il ne représente pas les Palestiniens. Réduire les Palestiniens au Hamas serait une grande injustice envers la cause palestinienne.

Retour à la barbarie

Tout soutien à l’islamisme le nourrit, toute justification de sa violence et de sa barbarie est un renoncement à nos valeurs : la liberté, l’égalité et la dignité humaine. Valeurs que l’islamisme ne reconnaît pas. Au contraire, il lutte férocement pour les détruire au sein des pays musulmans, et aujourd’hui en Occident même. L’islamisme est un seul et le même partout.

C’est la même idéologie, avec la même théologie et la même histoire, qui tient le même discours et lutte pour le même objectif. Défendre le Mouvement de la résistance islamique (Hamas), c’est la même chose que défendre le Front islamique du salut (FIS) algérien, ou l’État islamique en Irak et au Levant (Daech) ou Hezbollah (le parti de Dieu) ou encore les talibans. Quand il s’agit de l’islamisme, soit on lutte contre ce fléau partout, soit on le défend et on l’encourage et de ce fait on lui permet d’exister, de se renforcer et de proliférer. Tout soutien de l’islamisme est une victoire pour cette idéologie.

Si l’islamisme s’impose davantage, les hommes et surtout les femmes qui vivent dans les pays musulmans seront les premiers à perdre le peu de droits, reliquats de la période de la Nahda, qu’ils n’ont pas encore perdus. Si l’islamisme triomphe, c’est l’humanité qui fera marche arrière, qui renoncera à ce qu’elle a réalisé dans son processus vers la maturité. Elle retournera à la barbarie, aux châtiments corporels, à l’esclavage et à la dhimmitude.

Tribune publiée dans Le Point, le 01/11/2023


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