Hezbollah- Israël : vers un remake de 2006 ?

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Un parachutiste de Tsahal en patrouille à quelques mètres de la frontière avec le Liban. Une zone à risque d’où peuvent sortir à tout moment des combattants du Hezbollah, via des tunnels et des caches très astucieuses. Photo Jean-Paul Louis Ney.

Par Alexandre Aoun

Près d’un an après l’ouverture d’un front de solidarité avec le Hamas, le Hezbollah subit de plein fouet une campagne de bombardements d’envergure au Liban. Ces affrontements de plus en plus intenses sont-ils le prélude à un nouveau conflit ouvert entre les deux ennemis frontaliers ?

Ce qui devait arriver, arriva. Cette guerre larvée n’avait que trop duré. Alors que le conflit se cantonnait initialement à des affrontements de basse intensité avec des escarmouches de part et d’autre de la frontière, des frappes ne dépassant pas les cinq kilomètres au-delà de la zone limitrophe, les deux ennemis ont depuis testé les rapports de force en présence.

L’armée israélienne a étendu ses frappes sur le territoire libanais, ciblant les infrastructures du parti chiite, causant des dégâts matériels et des pertes civiles. De son côté, le Hezbollah a voulu maintenir un certain équilibre de la dissuasion en répondant par l’intermédiaire d’opération plus lointaines sur le territoire israélien, entraînant de facto une inquiétude grandissante de l’exécutif israélien sur la possibilité d’un rapide retour des habitants ayant fui les régions du nord du pays depuis plus de 11 mois.

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Après le Hamas, le Hezbollah

La phase deux de l’opération israélienne au Liban coïncide avec un retrait de certaines forces dans la bande de Gaza. La hantise de l’Etat hébreu était de mener une guerre ouverte sur plusieurs fronts. Aujourd’hui, les combats dans l’enclave palestinienne sont localisés et Tsahal ratisse la zone pour couper les différents axes routiers et souterrains afin d’empêcher une restructuration en interne des éléments restant du Hamas.

Dans l’adoption d’une stratégie du fort au faible, les renseignements israéliens ont pu mettre à mal la communication interne du Hezbollah par le biais d’un sabotage des beepers et des talkiewalkies du groupe et en blessant plusieurs milliers de combattants. Cette opération avait été pensée et préparée depuis 2022. La décision de frapper le 17 septembre dernier répond donc à une logique d’escalade qu’Israël avait prévu en avance. Avec cette cyberattaque, le Hezbollah a été pris de court et a dévoilé les failles de son propre système d’espionnage. D’ailleurs, le mouvement pro-iranien a commencé à enquêter en interne pour traquer les probables espions travaillant pour le compte de l’Etat hébreu.

Le Hezbollah est également amputé d’une partie de son commandement central avec les assassinats des cadres du mouvement à l’instar d’Ibrahim Aqil, chef des forces spéciales Al-Radwan, Fouad Chokor, haut cadre stratégique de la milice, WissamAl-Tawil, chef d’une brigade dans le sud du Liban, Mohammed Nasser, commandant de l’unité d’élite « Aziz » ou encore Taleb Sami Abdullah, chef de l’unité « Nasser »

En lançant dans un second temps une campagne de bombardements intenses sur plusieurs régions libanaises, Israël essaye donc de contraindre le Hezbollah à négocier un retrait de ses forces de la frontière israélienne jusqu’au fleuve Litani, à près de 40 kilomètres des zones limitrophes, et un abandon du soutien aux différents mouvements palestiniens, Hamas et Djihad islamique. En effet, l’aviation israélienne pilonne des infrastructures du Hezbollah aux quatre coins du Liban, dans le Sud, dans la Bekaa, à Beyrouth, mais également dans les résidus chiites de la montagne chrétienne dans le Kesrouan ou dans le Metn.

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Le souvenir douloureux de 2006 pour Israël

Cette stratégie n’est pas sans rappeler celle adoptée au tout début de la guerre de juillet 2006 entre le Hezbollah et l’armée israélienne. Les bombardements sur le Liban avaient entraîné la fuite de plusieurs centaines de milliers de libanais vers les montagnes et en direction de la Syrie voisine. Israël voulait mettre en porte-à-faux le gouvernement libanais de l’époque et l’obliger à se désolidariser du mouvement chiite. Aujourd’hui, malgré les divisions intrinsèques sur de nombreux sujets, les habitants du pays du Cèdre ont une fois de plus fait preuve d’une solidarité à l’égard de leurs concitoyens des régions touchées par les raids israéliens. Eglises, mosquées, écoles, hôtels et même les immeubles privés ont été ouverts pour trouver refuge.

La question qui se pose est de savoir si l’armée israélienne va-t-elle se risquer à lancer une intervention terrestre comme ce fut le cas à Gaza à partir du 27 octobre 2023 ? Le souvenir douloureux de l’enlisement des chars merkava et des troupes au sol est encore tenace chez les Israéliens. Surtout que le leader du Hezbollah l’a martelé lors de son allocution du 19 septembre dernier «soyez les bienvenus, nous souhaitons vraiment que vous mettiez un pied au Liban», affirmant que le sud-Liban deviendra « un piège, un gouffre et un enfer». Lors de la guerre de 2006, initialement Ehoud Olmert, Premier ministre israélien de l’époque, qui avait une faible connaissance des dossiers militaires, ne voulait pas d’opération au sol. Or, sous l’influence du chef d’Etat-Major des armées Dan Halutz, le gouvernement lança une offensive. L’envoi des troupes au sol fut un désastre pour Tsahal. Aucune stratégie militaire n’avait été mise en place. L’enlisement des troupes israéliennes au sud-Liban fut la résultante d’un manque de coordination entre la hiérarchie militaire et celle du renseignement. Le Hezbollah était sorti auréolé d’une victoire contre une armée conventionnelle. Comme l’affirmait le général Mark au lendemain du retrait américain du Vietnam en 1975 « la guérilla gagne si elle ne perd pas, une armée conventionnelle perd si elle ne gagne pas ».

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Des milices irakiennes bientôt au Liban ?

Pour l’heure, le parti chiite ne peut rivaliser face à l’aviation israélienne. L’organisation dispose d’environ 150 000 missiles et drones pouvant entraîner de nombreux dégâts dans le nord d’Israël. Des frappes interceptées ont réussi à aller jusqu’à Tel-Aviv, à près de 113 kilomètres de la frontière. Mais la véritable force de la milice réside dans son efficacité dans la guérilla urbaine. La guerre de 2006 en a été la preuve et les nombreuses conquêtes en territoire syrien auprès des forces russes, syriennes et des autres milices iraniennes en a été la confirmation. Une des principales raisons qui expliqueraient pour l’instant le non-franchissement du Rubicon par les forces israéliennes.

La différence notable pour le Hezbollah depuis le dernier conflit direct face à Israël résiderait dans un soutien massif de « l’axe de la résistance », piloté par Téhéran. Les Houthis et les milices irakiennes ont déjà fait savoir qu’en cas de conflit ouvert, les organisations étaient prêtes à envoyer des hommes pour épauler le parti chiite libanais. L’Iran userait donc cette carte pour éviter une implication directe.

Pour empêcher l’embrasement régional, les puissances régionales se cantonnent à des communiqués condamnant les bombardements israéliens tout en appelant à des réunions d’urgence. La Chine et la Russie se tiennent du côté de la souveraineté et de la sécurité du Liban. Le secrétaire général de l’Onu craint que le Liban ne devienne « un autre Gaza ». Les Etats-Unis, bien que soutien inconditionnel d’Israël, sont quelque peu mis en porte-à-faux par l’administration de Netanyahu. Une paix au Moyen-Orient servirait assurément le bilan du parti démocrate dans la course à la présidentielle.

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Concernant la France, Paris a envoyé Jean-Yves le Drian le 23 septembre à Beyrouth. Outre, des serrages de main et des appels à la désescalade, la France peine à faire entendre sa voix. Il est loin le temps ou Hervé de Charrette chef de la diplomatie française de Jacques Chirac avait réussi en 1996, en pleine guerre déjà entre l’Etat hébreu et le Hezbollah, à imposer une troisième voix française dans l’instauration d’un mécanisme de sécurité régionale et désescalade en partenariat avec Israël, la Syrie qui contrôlait le Liban à l’époque et indirectement l’Iran.  

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