Israël/Hamas : Le casse-tête gazaouï des négociations

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Le casse-tête gazaouï
Le chef du Mossad, David Barnea (à droite) avec le chef du Shin Beth Ronen Bar (à gauche) sont les deux hommes les plus puissants du Moyen-Orient, mais la crise civile en Israël, la guerre contre le Hamas à Gaza et la puissance du Qatar dans ce jeu d’espions commence déjà à les affaiblir. Photomontage Le Diplomate.

Par Alexandre Aoun

Près de onze mois après le début du conflit à Gaza, les belligérants et les différents médiateurs peinent toujours à se mettre d’accord pour arriver à un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne. Le Hamas et l’exécutif israélien campent sur leurs positions.

Contrastant avec des pourparlers qui avancent tant bien que mal, Washington fait preuve d’un surprenant optimisme sur la suite des négociations pour arriver à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. 

Soucieux de parvenir à un accord pour obtenir une victoire diplomatique à l’arraché, l’administration Biden tente de convaincre les différents partis de trouver un terrain d’entente et ainsi arracher un cessez-le-feu et la libération des otages encore aux mains du Hamas. Lors d’un point presse le 26 août, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, John Kirby, a fait état de « progrès » dans les discussions en cours sur une trêve assortie de la libération d’otages en échange de prisonniers palestiniens détenus par Israël. Il a également indiqué que « malgré les attaques de roquettes et de drones menées par le Hezbollah au cours du week-end, contre lesquelles Israël s’est très bien défendu, cela n’a pas affecté le travail sur le terrain des équipes qui tentent de mettre en place cet accord de cessez-le-feu » et ce, alors que les Etats-Unis voulaient impérativement éviter le scénario d’une riposte du mouvement chiite pour tenter d’arriver à une trêve dans la bande de Gaza. 

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Des négociations mortes nées ?

Le lancement de plus de 320 projectiles sur Israël le 25 août « peut aider la position des Palestiniens et des Arabes dans les négociations », a toutefois déclaré Hassan Nasrallah dans son discours peu de temps après l’attaque contre l’Etat hébreu. 

Ayant seulement infligé des dégâts mesurés à Israël, la frappe menée le 25 août permet ainsi surtout à l’Iran de mettre la pression sur l’État hébreu tout en évitant de faire basculer la situation dans une guerre généralisée. Quelques heures après la fin de la séquence, rien ne semblait avoir changé sur le plan des négociations pour espérer obtenir une cessation des hostilités dans l’enclave palestinienne. La délégation israélienne dirigée par le chef du Mossad, David Barnea avec le chef du Shin Beth Ronen Bar s’était bien rendue au Caire. Le chef de la CIA William Burns, le conseiller politique de la Maison-Blanche pour le Moyen-Orient Brett McGurk, ainsi que le Premier ministre qatari Mohammad ben Abdel Rahmane al-Thani avaient également fait le déplacement. Pour sa part, le Hamas avait déclaré qu’une délégation se rendrait au Caire pour rencontrer les médiateurs et non participer aux discussions. Des discussions ont également lieu à Doha.

Or, du côté des belligérants, l’exécutif israélien ou le Hamas sont dos à dos. Deux sources sécuritaires égyptiennes ont indiqué dans la nuit du dimanche 25 au lundi 26 août qu’« aucun des deux camps n’a accepté [les] différents compromis présentés par les médiateurs ». Et le cycle de négociations indirectes entre Israël et le Hamas a été « bouclé ». Face aux journalistes, John Kirby a fait savoir qu’il espérait que « les discussions de ces groupes de travail se déroulent au moins au cours des prochains jours ».

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Accusé par Tel-Aviv d’être responsable de l’enlisement des pourparlers, le mouvement islamiste refuse néanmoins toujours de se plier aux demandes maximalistes récemment avancées par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. En effet, plusieurs points de blocage persistent à l’instar du corridor de Netzarim, celui de Philadelphie et le poste-frontière de Rafah que l’armée israélienne refuse catégoriquement d’abandonner. Il s’agit de points stratégiques dans la bande de Gaza. Le corridor de Philadelphie, qui s’étend sur 14 kilomètres le long de la frontière entre Gaza et l’Égypte, a été un enjeu central dans les négociations entre Israël et le Hamas. Cette route stratégique, établie après le traité de paix de 1979 entre Israël et l’Égypte, sert de barrière essentielle pour contrôler les mouvements entre Gaza et l’Égypte, notamment en bloquant les tunnels de contrebande utilisés pour acheminer des armes et du matériel vers le Hamas. Dans le cadre des récentes discussions pour parvenir à une trêve et à la libération d’otages, Israël a insisté sur le maintien de son contrôle du corridor pour empêcher le Hamas de se réapprovisionner en armes. Le Caire a notamment fait savoir qu’il s’opposait à un contrôle histoire de cet axe. Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a récemment affirmé que Tsahal avait détruit plus de 150 tunnels transfrontaliers.

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Netanyahu attend patiemment Trump

Le corridor de Netzarim, une route de sept kilomètres traversant la bande de Gaza dans sa largeur, est également devenu un point névralgique dans les négociations entre Israël et le Hamas. Établi pendant le conflit actuel, ce corridor a été conçu pour faciliter le contrôle militaire israélien sur les déplacements entre le nord et le sud de Gaza. A ce titre, le dirigeant du Hamas Oussama Hamdan a souligné le 25 août que « Les médiateurs nous ont dit après l’invasion de Rafah que l’ennemi sioniste ne voulait pas de cessez-le-feu » et que les forces israéliennes ne voulaient pas se retirer de la bande de Gaza. 

Un autre point de discorde concerne également la libération des otages israéliens en échange de prisonniers palestiniens. Israël a exprimé des réserves sur plusieurs prisonniers palestiniens dont le Hamas demande la libération en échange des otages détenus depuis le 7 octobre. Quant au mouvement islamiste, il refuse d’accepter tout accord qui ne serait pas identique à celui proposé par le président américain Joe Biden et négocié en juillet. Ce plan de paix est composé de trois phases d’une quarantaine de jours chacune pour passer d’un cessez-le-feu temporaire à une paix durable à Gaza, avec le retrait progressif des forces israéliennes.

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En cas d’échec de cessez-le-feu dans la bande de Gaza, l’Iran pourrait riposter à l’élimination d’Ismaël Haniyeh qui a eu lieu le 31 juillet dernier. A la mi-août, trois hauts responsables iraniens cités par l’agence Reuters avaient déclaré que seul un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne empêcherait Téhéran et ses mandataires de répondre au double assassinat de Fouad Chokor et d’Ismaïl Haniyé. Et de prévenir : « Si aucun accord n’est conclu et qu’Israël fait traîner les négociations, l’Iran attaquera directement ». Le nouveau ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a même fait savoir que la « réaction » de son pays à « l’attaque terroriste d’Israël à Téhéran » est « définitive ». Cette riposte « sera mesurée et calculée », a-t-il promis. « Nous ne craignons pas l’escalade, mais nous ne la recherchons pas, contrairement à Israël », a-t-il averti.

De son côté, si le Premier ministre israélien ne semble pas pressé de conclure un deal afin notamment d’assurer sa survie politique, la pression exercée par le leadership militaire, l’appareil sécuritaire avec de nombreuses critiques émanant de ses propres ministres ainsi qu’une partie de la population israélienne qui manifeste régulièrement pourrait le contraindre à modifier ses calculs. Alors que Benjamin Netanyahu s’est engagé depuis plusieurs mois à faire en sorte que les habitants évacués de leur domicile dans le nord d’Israël puissent rentrer chez eux peu après le début de la nouvelle année scolaire en septembre, la récente attaque menée par le Hezbollah semble compliquer davantage la position du chef du gouvernement. Tout comme les Iraniens, le chef du Likoud joue la carte de la temporalité et mise sur une victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines de novembre prochain.

L’opération de l’armée israélienne, trouvant six corps d’otages dans le sud de la bande de Gaza le 31 août, risque de compliquer davantage les pourparlers de paix.

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