Journal de campagne 2024 :
Par Angélique Bouchard
Le sénateur JD Vance, Républicain de l’Ohio et le gouverneur Tim Walz, Démocrate du Minnesota, se sont rencontrés pour un face-à-face télévisé, mardi 1er octobre en soirée, à New-York pour le seul débat vice-présidentiel avant l’élection de novembre prochain.
Les sujets abordés ont été très variés, allant de la politique étrangère, à la sécurité des frontières, en passant par l’avortement et le changement climatique.
Les débats vice-présidentiels sont traditionnellement considérés comme des débats de second-plan, mais il est très peu probable qu’un second round Trump/ Harris soit organisé avant que les électeurs ne se rendent aux urnes le 5 novembre prochain. Dès lors, les enjeux politiques générés par ce débat entre les colistiers ont été déterminants pour la nation américaine. Les présentatrices de CBS News, Norah O’Donnell et Margaret Brennan ont modéré le débat à New-York.
La journée a commencé avec une grève importante de 50 000 dockers, à l’appel des syndicats dans les États allant du Maine au Texas, puis s’est achevée avec l’attaque sans précédent d’Israël par l’Iran, tirant près de 250 missiles balistiques contre l’État juif.
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- Moyen- Orient : la nécessité d’un « leadership stable » pour la Maison-Blanche
La première question posée aux deux colistiers était de savoir s’ils soutiendraient une frappe préventive d’Israël contre l’Iran.
Visiblement hésitant, Walz a connu un début de débat difficile, en trébuchant sur ses mots alors qu’il évoquait la nécessité « d’un leadership stable » pour la Maison-Blanche. Le Démocrate a botté en touche et s’est attaqué à Donald Trump au lieu de répondre directement à la question.
« Ce qui est fondamental ici, c’est qu’un leadership stable va compter. C’est clair, le Monde l’a vu (Donald Trump) sur scène, lors du débat il y’a quelques semaines. Un Donald Trump de presque 80 ans, n’est pas ce dont nous avons besoin en ce moment » affirme Waltz, en faisant référence à la performance de l’ancien président Trump lors du débat face à Kamala Harris, le mois dernier.
Vance a répliqué en déclarant que Trump a apporté « la stabilité au monde en établissant une dissuasion efficace ».
« Les gens avaient peur de sortir du rang. Donald Trump a compris que pour que les gens craignent les États- Unis, il fallait la paix par la force. Ils devaient reconnaître que s’ils sortaient du rang, le leadership mondial des États- Unis ramènerait la stabilité et la paix dans le monde », confirme-t-il.
Concernant la frappe préventive, JD Vance a déclaré : « C’est à Israël de décider ce qu’il doit faire pour assurer la sécurité de son pays. Nous devons soutenir nos alliés où qu’ils se trouvent, lorsqu’ils combattent l’ennemi ».
Walz a riposté sur ce point, en fustigeant l’administration Trump pour s’être retirée de l’accord sur le nucléaire iranien en affirmant que « l’Iran était plus proche d’obtenir l’arme nucléaire que jamais en raison du leadership instable de l’administration Trump », en ajoutant que seule Harris promettait « un leadership stable ».
Vance a riposté : « Vous blâmez Donald Trump, mais qui a été vice-président au cours des trois dernières années et demie ? Et la réponse est : votre colistier, pas le mien ! »
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« A quand remonte la dernière fois où un président américain n’a pas été confronté à un conflit majeur ? La seule réponse est celle qui se situe durant le mandat des 4 années où Trump était président » a précisé Vance.
2. L’Amérique face à « une crise migratoire historique » : Vance qualifie le bilan de Biden et de Harris en matière d’immigration de « Honte ».
Le débat s’est ensuite focalisé sur la crise de la gestion actuelle de la frontière sud, question majeure pour les électeurs américains.
Vance a déclaré qu’il s’était déjà rendu à la frontière plus de fois que la « tsar des frontières » Kamala Harris, tout en vantant le plan stratégique de Donald Trump pour sécuriser la frontière avec l’État mexicain.
« Tout d’abord nous devons donner plus de moyens aux forces de l’ordre pour faire leur travail à la frontière sud. Je suis allé à la frontière sud, plus souvent que notre tsar des frontières et c’est vraiment déchirant, car les agents de la police des frontières veulent simplement avoir les moyens de faire leur travail (…) Bien sûr, des ressources supplémentaires seraient utiles, mais le problème réside principalement dans le fait que l’administration Biden ne donne pas aux forces de l’ordre le pouvoir de dire : si vous essayez de traverser illégalement la frontière, vous devez rester au Mexique et revenir par les voies appropriées ».
Walz a fustigé Trump pour ses prétendus efforts visant à inciter les Républicains à voter contre un projet de loi sur la question de la frontière sud.
« Dès lors que le projet de loi a été adopté et que nous avons commencé à nous attaquer à ce problème, Donald Trump s’y est opposé, parce que cela lui donne un sujet de campagne. De quoi parlerait-il si nous l’avions appliqué ? » a déclaré Walz.
Sur le même sujet, les modérateurs ont interrogé Vance pour savoir si le duo républicain soutiendrait la séparation des familles dans le cadre d’une « déportation massive » proposée par le candidat républicain, s’il était élu.
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« Le ministère de la Sécurité intérieure a perdu 320 000 enfants », a expliqué Vance.
« Certains d’entre eux ont été victimes de trafic sexuel, d’autres espérons-le, sont désormais chez eux avec leurs familles. Certains d’entre eux ont été utilisés comme « mules » pour le trafic de drogue. La véritable politique de séparation des familles dans ce pays, est malheureusement cette frontière sud, ouverte par Kamala Harris. Et, je demanderais à mes compatriotes américains, de se rappeler que lorsqu’elle est arrivée au pouvoir, elle a annoncé les choses qu’elle a faites. Un véritable leadership consisterait à dire : Vous savez, j’ai fait une erreur. Nous allons revenir à la politique frontalière de Donald Trump. »
Walz a riposté en déniant que les enfants avaient été utilisés comme des « mules pour le transport de drogue » et a défendu le bilan de Kamala Harris, en affirmant qu’en tant qu’ancienne procureure générale de Californie, elle avait « poursuivi des gangs transnationaux pour trafic d’êtres humains et de drogue ».
Vance a marqué des points décisifs dans ce débat en qualifiant le bilan de Biden et de Harris en matière d’immigration de « Honte ».
« Pendant trois ans, Kamala Harris s’est vantée d’avoir l’intention de démanteler la politique frontalière de Donald Trump. C’est exactement ce qu’elle a fait. Nous avons enregistré un nombre record de passages illégaux. Nous avons enregistré un nombre record de fentanyl entrant dans notre pays (…) La seule chose qu’elle a faite en devenant vice-présidente, quand elle a été nommée en charge de la gestion des frontières du pays, c’est d’annuler les 94 mesures exécutives de Donald Trump et d’ouvrir la frontière. Ce problème a conduit à des problèmes massifs aux États- Unis d’Amérique. Des parents qui ne peuvent plus accéder aux soins de santé, aux écoles saturées. Cela doit cesser et cela cessera quand Donald Trump sera président ».
Walz a fustigé ensuite Vance pour ses allégations concernant les migrants haïtiens de Springfield, dans l’Ohio, affirmant qu’il les avait « diabolisés ».
« Regardez, à Springfield, dans l’Ohio, et dans les communautés de tout le pays, vous avez des écoles qui sont débordées, des hôpitaux débordés, vous avez des logements totalement inabordables parce que nous avons fait venir des millions d’immigrants illégaux pour concurrencer les Américains » a déclaré Vance.
3. JD Vance rappelle aux modérateurs de CBS les règles du débat : Pas de vérification des propos des colistiers en direct, ni de corrections durant le débat
CBS s’était engagée à ne vérifier aucun propos en direct pendant le débat, et ce précisément pour éviter la polémique suscitée par la gestion partisane du premier débat présidentiel par ABC News. La chaîne a donc proposé aux téléspectateurs un QR code sur lesquels ses reporters ont vérifié en temps réel les assertions des deux colistiers sur son site Web.
La modératrice Margaret Brennan est intervenue pour corriger Vance, après que ce dernier ait suggéré que les immigrants illégaux étaient arrivés en masse dans l’Ohio et saturaient les équipements et services publics de l’État.
« Juste pour clarifier les choses pour nos téléspectateurs, Springfield, dans l’Ohio, compte un grand nombre de migrants haïtiens qui ont un statut légal, un statut de protection temporaire » a déclaré Brennan.
« Les règles étaient que vous ne deviez pas vérifier mes propos » a rappelé Vance. « Et puisque vous vérifiez les faits, je pense qu’il est important de dire ce qui se passe réellement ».
Alors que le colistier de Donald Trump expliquait le processus d’obtention d’un statut légal en corrélation avec le système mis en place par l’administration démocrate, les modérateurs de CBS l’ont remercié sarcastiquement pour avoir « décrit le processus juridique » avant de couper son micro.
4. Les Indépendants et les Démocrates ont majoritairement approuvé la position du gouverneur du Minnesota, Tim Walz, sur l’avortement : « un droit humain fondamental »
Concernant la question de l’avortement et des droits reproductifs, autre sujet majeur de l’élection présidentielle de 2024, Walz a maintenu que le binôme démocrate soutenait le libre choix, tandis que Vance a déclaré que les Républicains « devaient faire beaucoup mieux pour regagner la confiance du peuple américain sur cette question ».
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« Je veux que le Parti républicain soit favorable à la famille dans le plein sens du terme. Je veux que nous soutenions les traitements contre l’infertilité. Je veux que nous fassions en sorte qu’il soit plus facile pour les mères d’avoir des enfants. Je veux que les jeunes familles puissent acheter plus facilement une maison afin qu’elles puissent y élever leurs enfants. Je pense que nous pouvons faire beaucoup plus sur le plan des politiques publiques pour offrir aux femmes davantage de choix, dès maintenant ».
Vance a rappelé la position de Donald Trump sur l’avortement, soutenant la décision de la Cour suprême de renvoyer la responsabilité de l’examen de cette question aux États, en soutenant certaines exceptions tels que le viol et les cas d’inceste ou encore la mise en danger de la vie de la mère.
« Laissons les États décider de leur politique en matière d’avortement. Je pense que c’est ce qui fait sens dans un pays aussi grand et diversifié et soyons honnêtes, parfois, très très désordonné et divisé » poursuit Vance.
De son côté, lorsque Tim Walz a été interrogé afin de savoir s’il soutenait l’avortement jusqu’au neuvième mois, étant donné que le Minnesota est l’un des États les moins restrictifs en matière d’accès à l’avortement, ce dernier a répondu : Ce n’est pas ce que dit notre projet de loi ». Il a poursuivi en faisant cas d’une femme en Géorgie, Amber Thurman, probablement morte à cause des « lois restrictives » sur l’avortement dans cet État, après l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade.
« Amber Thurman se trouvait par hasard en Géorgie, dans un État restrictif. A cause de cela, elle a dû parcourir une longue distance jusqu’en Caroline du Nord pour essayer d’obtenir des soins. Amber Thurman est morte au cours de ce voyage aller-retour. Le fait est que nous pouvons dire, en tant que nation, que notre vie et nos droits, aussi fondamentaux que le droit de contrôler notre propre corps, sont déterminés par la géographie. Il y’a une réelle chance que si Amber Thurman avait vécu dans le Minnesota, elle serait en vie aujourd’hui. C’est pourquoi il faut rétablir l’arrêt Roe v. Wade » a affirmé Walz.
En effet, la loi géorgienne, en matière d’avortements provoqués chimiquement, stipule « qu’aucun avortement ne doit être pratiqué si l’enfant à naître à un rythme cardiaque humain détectable, sauf en cas d’urgence médicale »
La question de l’avortement est un terrain miné pour les Républicains.
Walz a affirmé que les républicains souhaitaient engager un « registre des grossesses » dans le cadre de Project 2025, une initiative du groupe de réflexion conservateur Heritage Foundation.
« Cela va rendre plus difficile, voire impossible l’accès à la contraception et limiter, voire éliminer, l’accès aux traitements contre l’infertilité » a déclaré le gouverneur du Minnesota.
5. Résoudre la question de la violence armée aux États-Unis : un rare moment de civilité durant un débat vice-présidentiel
Sur la question de la violence armée aux États- Unis, Vance a offert ses sympathies à son concurrent en apprenant que le fils de Walz, âgé de 17 ans, avait été témoin d’une fusillade dans un centre d’accueil alors qu’il jouait au volley-ball a proximité.
Rare moment de civilité dans un débat politique aux États- Unis, qu’il soit vice-présidentiel ou présidentiel, Vance a déclaré : « Je ne savais pas que votre fils de 17 ans avait été témoin d’une fusillade. Je suis désolé pour ça. Seigneur, aie pitié ».
Les deux colistiers ont ensuite échangé sur la question des fusillades dans les écoles et de leurs projets pour résoudre le problème de la violence armée en milieu scolaire.
Pour le Républicain, « Nous devons mieux verrouiller les portes, les rendre plus solides, nous devons augmenter le nombre d’agents de sécurité dans les écoles. L’idée selon laquelle nous pouvons, par magie, agiter une baguette magique et retirer les armes des mains des ennemis ne correspond pas tout simplement à la réalité des faits récents ».
Pour le démocrate Walz, il faut aller plus loin : « Même si le taux de possession d’armes à feu reste élevé dans le pays, il y a plusieurs choses raisonnables à mettre en œuvre pour faire la différence. Cela ne porte pas atteinte au deuxième amendement. Et l’idée de laisser certaines armes en circulation n’a aucun sens ».
6. JD Vance appelé à répliquer à l’affirmation selon laquelle « Trump serait une menace pour la démocratie »
Vance avait déclaré qu’il n’aurait pas voté en faveur de la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2020, le 6 janvier 2021.
Ce dernier a déclaré « qu’il était vraiment fort de la part des dirigeants démocrates de dire que Donald Trump est une menace, alors qu’il a cédé pacifiquement le pouvoir le 20 janvier », allant même plus loin, en rappelant aux Américains, que « pendant des années dans ce pays, les Démocrates ont protesté contre les résultats des élections ».
« En 2016, Hillary Clinton a déclaré s’être fait voler l’élection par Donald Trump et Vladimir Poutine, parce que les Russes avait acheté pour 500 000 dollars de publicités sur Facebook. Cela dure depuis longtemps et si, nous voulons dire que nous devons respecter les résultats de l’élection, je suis partant. Mais si nous voulons dire, comme le dit, Tim Walz, que ce n’est qu’un problème qui concerne les Républicains, je n’y crois pas gouverneur », a précisé Vance.
« Malheureusement, ce n’est pas la menace de la démocratie dont il s’agit. C’est de la menace contre la censure. Ce sont les Américains qui mettent de côté des amitiés de longue date à cause de désaccords politiques. Ce sont les grandes entreprises de la Tech qui réduisent au silence leurs concitoyens » poursuit-il.
Le dernier sondage national Fox News, à l’issue du débat vice-présidentiel donne le démocrate Tim Walz légèrement au-dessus de la moyenne avec 43% d’opinions favorables contre 40% d’avis défavorables. La dynamique semble contraire pour le colistier de Donald Trump, avec une équation 38% d’opinions favorables contre 50% de défavorables. (Source : Vance, Walz spar over abortion and immigration in first and only VP debate, par Brooke Singman et Paul Steinhauser, Fox News, publié le 1er octobre 2024).
Les deux colistiers ont repris la campagne électorale en sillonnant, dès le 2 octobre dernier, deux des sept États clés qui seront déterminants dans le résultat final de l’élection du 5 novembre 2024. Si Vance, se concentre sur le Michigan, Walz participe à une tournée en bus dans certaines régions du centre de la Pennsylvanie, notamment Harrisburg, la capitale de l’État.
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Diplômée de la Business School de La Rochelle (Excelia – Bachelor Communication et Stratégies Digitales) et du CELSA – Sorbonne Université, Angélique Bouchard, 25 ans, est titulaire d’un Master 2 de recherche, spécialisation « Géopolitique des médias ». Elle est journaliste indépendante et travaille pour de nombreux médias. Elle est en charge des grands entretiens pour Le Dialogue.