Élections américaines – Journal de campagne à J- 40 : le duel le plus serré de l’histoire aux Etats-Unis

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Campagne présidentielle américaine 2024
Kamala Harris et Donald Trump. Photomontage LeLab Picto Le Diplomate.

Par Angélique Bouchard

Cette campagne présidentielle américaine détonne !

Depuis le dernier sondage d’août dernier, nombreux furent les événements susceptibles d’influencer l’opinion des électeurs américains : la Convention nationale démocrate, le ralliement de Robert F. Kennedy à Trump, la double tentative d’assassinat de Donald Trump miraculeusement loupée, l’enquête du Congrès qui s’en est suivie sur l’incurie présupposée des services du Secret américain, le soutien apporté par l’ancien vice-président Dick Cheney et l’ancienne députée Liz Cheney à Harris, le dernier débat avec des punchlines mémorables sur la sauvegarde animale à Springfield.

La deuxième tentative d’assassinat sur la personne de Donald Trump a eu lieu aux trois quarts du nouveau sondage national réalisé par le New York Times.

Donald Trump à la recherche du vote musulman : mission réussie aux États-Unis

Un autre ralliement symbolique a agité la sphère politico-médiatique: celui du maire de Hamtramck, dans le Michigan, Amer Ghalib.

Il a fait la une des journaux le 23 septembre dernier, en soutenant la candidature de l’ancien président Donald Trump, mettant la seule ville à majorité musulmane des États-Unis sous les projecteurs nationaux. 

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Ghalib est devenu le premier maire musulman de Hamtramck, après avoir été élu en 2021.

Il est né au Yémen et a immigré aux États-Unis, à l’adolescence en 1997. Licencié en biologie au Henry Ford College et après avoir sanctionné 4 années d’études en médecine supplémentaires à la Ross School of Medecine à la Dominique, Ghalib a passé la majeure partie de sa carrière médicale dans cette enclave de Détroit de 28 000 habitants, ville connue comme une colonie majoritairement polonaise jusqu’à l’afflux ces dernières années d’immigrants du Moyen-Orient, qui en ont fait la première ville à majorité musulmane du pays.

Mettant fin à une série de plus de 100 ans de maires polonais- américains, Ghalib a fait de Hamtramck la première ville américaine avec un leadership totalement musulman, puisque les six sièges de son conseil municipal ont été remportés par des candidats musulmans.

Ce maire a également suscité la controverse au cours de son mandat en soutenant la résolution de 2023, interdisant l’affichage de drapeaux LGBTQ+ sur les bâtiments de la ville, affirmant que le « gouvernement municipal restera NEUTRE et IMPARTIAL envers tous ses résidents ».

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La même année, il a suscité davantage de controverses lorsqu’il n’a pas condamné l’un de ses bras-droits politiques, accusé d’avoir tenu des propos antisémites, Nar Hussein, membre de la Commission du Plan Hamtramck.

Ghalib et le conseil municpal de Hamtramck sont de nouveau entrés sous les feux de la rampe en début d’année 2024, lorsque la ville a voté à l’unanimité une résolution qui exigeait que la ville cesse d’investir dans des entreprises israéliennes ou celles qui « soutiennent l’apartheid israélien, selon un rapport du Detroit Free press :

« Pour l’instant, la ville fera de son mieux pour s’abstenir d’acheter, d’investir ou de contracter avec des entreprises qui soutiennent le génocide israélien » a déclaré Ghalib après le vote (Source : Who is Amer Ghalib, the Trump-endorsing mayor of the US’ only Muslim majority town, par Michael lee, Fox News, 23 septembre 2024).

Néanmoins Trump a fait un lobbying intense pour obtenir le soutien de Ghalib, selon un rapport du Detroit News, en organisant une réunion privée de 20 minutes avec le maire de Hamtramck, avant son événement à Flint, dans le Michigan. Ghalib affirme avoir remis au candidat Trump une lettre officielle avec quelques détails sur « les préoccupations de la ville » et une invitation.

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Ghalib a loué le candidat Trump sur Facebook : « un homme de principes ».

« Même si tout semble aller pour le mieux, il peut ou non gagner l’élection et devenir le 47ème président des États-Unis, mais je crois qu’il est le bon choix en cette période critique. Je ne regretterai pas ma décision, quel que soit le résultat et je suis prêt à en assumer les conséquences. Pour cette raison et pour bien d’autres, j’annonce mon soutien à l’ancien et, je l’espère, au prochain président des États-Unis »

Niveau sondages : une incertitude historique

Flashback : le 18 septembre dernier, Fox News révélait l’avance de Kamala Harris de 3 points sur son concurrent. Ce fut la première fois que Kamala Harris atteignait 50% des voix parmi les électeurs américains inscrits à l’élection présidentielle de 2024. Le résultat du scrutin d’essai était identique chez les électeurs inscrits et les électeurs potentiels.

Ce résultat était certes à nuancer.

Bien entendu les élections américaines sont décidées par le vote des grands électeurs des États, et non par la totalité des votes nationaux. Pour rappel, Hillary Clinton avait une marge de 2 points sur le vote populaire contre son concurrent Donald Trump en 2016, mais elle a perdu le Collège électoral 304-227. A l’inverse, la victoire de Biden a été acquise avec une avance de 4 points sur le vote populaire en 2020, et une victoire cumulative du Collège électoral 306-232.

Kamala Harris s’est assurée habilement, depuis le mois dernier, du vote des indépendants et des Hispaniques. Cette communauté qui soutenait Trump, avec une avance de 6 points, a changé de cap et penche aujourd’hui en faveur de la candidate démocrate, avec une solide avance de 12 points. Même trajectoire pour les électeurs « indépendants », qui soutenaient le candidat Trump, avec une avance de 8 points dans les sondages, pour finalement se rabattre depuis le mois dernier, sur Harris, là également, avec 12 points d’avance dans le sondage national. Rappelons-nous cependant que les estimations parmi les sous-groupes sociodémographiques sont extrêmement volatiles.

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Si le candidat Trump, obtenait ses meilleurs résultats, et ce sans surprise, auprès des électeurs plutôt blancs, ruraux, religieux, non-diplômés et masculins, Harris, elle, captait les électeurs noirs, urbains, jeunes (moins de 30 ans) ou retraités (+ de 65 ans), diplômés universitaires et plutôt une catégorie féminine. Elle devançait de peu Trump sur la catégorie des ménages syndiqués.

Toutefois, l’optimisme des Démocrates est à relativiser : ces chiffres sont également inférieurs à ceux de Joe Biden avant l’élection de 2020. De plus, les observateurs ont mis en avant l’avance de Donald Trump (de 50% sur 48%) dans les comtés où l’écart entre les deux candidats est serré, ainsi que son avantage dans les États clés combinés (Arizona, Géorgie, Michigan, Nevada, Caroline du Nord, Pennsylvanie et Wisconsin). Si Trump a 2 points d’avance sur Harris au niveau national, il gagnera probablement le Collège électoral.

Les « Topic Issues » ont été les sujets de société : l’avortement, la vague migratoire.

L’élection cependant ne se joue pas dessus. Près de 70% des électeurs américains évoluent négativement la situation économique aux États-Unis. Ce chiffre ne peut pas être plus désastreux que le record des 84% de sondés mécontents en juillet 2022, un record pour Biden, et cela remet le curseur au même niveau que le tout premier sondage au début de sa présidence.

L’avantage de l’ancien président Trump, sur le plan économique, vient du fait que la grande majorité des américains se souvienne de l’embellie économique sous son mandat.

Avec une solide marge de 17 points, les américains sont plus nombreux à dire que les politiques de l’administration Trump les ont plus aidés contrairement aux politiques de l’administration Biden, qui ont joué en leur défaveur, avec une marge de + 24 points.

De plus, l’enjeu fort qui pousse les américains à se rendre aux urnes reste la lutte contre l’inflation, à 39%, suivie de l’immigration (32%). L’avortement (27%), la race des candidats (9%) et le sexe des candidats (7%), ne reste que des sous-déterminants. (Source : Fox News Poll : Harris tops Trump by two points, par Dana Blanton, Fox News, le 18 septembre 2024)

Trump devance Harris dans les États clés que sont la Géorgie, l’Arizona et la Caroline du Nord

Donald Trump devance sa concurrente, Harris, en Arizona de 5 points (50%-45%) et détient une avance similaire (49-45%) en Géorgie. L’avance est toutefois plus réduite, mais bien réelle en Caroline du Nord (49-47%).  Le Times a mené son sondage du 17 au 21 septembre auprès de 2 077 électeurs potentiels dans les trois États.

(Source : Trump Shows Signs of Strength in Sun Belt Battlegrounds, Polls Find)

L’Arizona et la Géorgie seraient des victoires majeures pour le Républicain lors des élections générales, car ce sont les deux États que Joe Biden a remportés en 2020.  L’Arizona représenterait un point de bascule majeur pour Trump, là ou Kamala Harris menait la course de 5 points en août dernier. De nombreux sondeurs républicains affichent leur confiance quant aux chances de Trump, au regard des sondages nationaux. Si Hillary Clinton a battu Trump de 2 points d’avance sur le vote populaire en 2016, elle a néanmoins perdu le Collège électoral.

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Ce fameux Collège électoral, qui agace les Démocrates…

Preuve en est la sortie du Représentant démocrate du Maryland, Jamie Raskin, qui a fustigé le Collège électoral américain, en le qualifiant de « système obsolète datant du 18ème siècle et mortel pour les Américains ».

Il précise « Plutôt qu’un système alambiqué, ancien et obsolète du 18ème, qui, de nos jours, peut vous faire tuer comme cela a failli se produire le 6 janvier 2021 (…) Nous devions nous réunir au Capitole, juste à cause des formalités du 12ème amendement, qui stipule, que nous devions tenir une session conjointe pour compter les votes du Collège électoral envoyés par les gouverneurs. Mais nous savions qui avait gagné l’élection. Nous sommes toujours en train de suivre ces rituels du 18ème siècle et c’est ce qui a donné à Donald Trump, l’occasion d’invoquer la foule (…) 5 Américains qui ont perdu le vote populaire dans l’Histoire américaine sont devenus présidents, 2 au cours de ce siècle seulement, en 2000 et 2016. Je pense que la grande majorité des Américains veulent élire le président, en organisant simplement, une élection pour voir qui obtient le plus de voix, plutôt qu’un système alambiqué et bancal où le scrutin se résume à une poignée d’États, 6 ou 7, au lieu que le vote compte de manière égalitaire partout dans le pays » (Source : Democratic congressman claims Electoral College « can get you killed » blames for Jan. 6 Capitol riot, par Alexander Hall, Fox News, le 13 septembre 2024).

En effet, les prévisions « du gourou de la donnée statistique », Nate Silver, concernant ce scrutin présidentiel 2024, donne Trump vainqueur de la présidence grâce au Collège électoral, tandis que sa concurrente démocrate remportera le vote populaire.

Son modèle de prédiction électorale donne Donald Trump à 63, 8% de chances de remporter le Collège électoral dans une mise à jour des dernières prévisions. Harris n’aurait que 36% de chances de victoire sur le Collège électoral. Le sondage universitaire NYT/ Siena College, confirme, selon Silver, le changement de dynamique dans la course. (Source : Polling guru Nate Silver predicts Trump has 64% chance of winning the Electoral College in latest forecast, par Hanna Panreck, Fox News, 9 septembre 2024)

Harris, trop libérale, progressiste sur des questions clés ?

L’effet rebond de la convention n’a été que provisoire. Ainsi le Michigan et la Pennsylvanie, deux autres États clés, pourraient être un problème pour elle.

Nate Silver a publié sur X : « Si les moyennes de nos sondages donnaient Harris à +1,8 avant la Convention démocrate, Harris est actuellement à +1 point en Pennsylvanie. Dans le Michigan, la moyenne des sondages est passée pour Harris de +3,1 avant la Convention à 1,9 ».

Les éléments publiés par Silver dans le sondage du NYT, pointaient déjà que 47% des électeurs considèrent Harris comme trop libérale. Il lui sera difficile de sortir de cette perception. Son discours à la Convention était « agressivement centriste et orienté vers l’électeur blanc masculin ». Elle reproduit les erreurs de 2019. Biden a également souffert de ce problème- plus d’électeurs pensaient qu’il était trop libéral. Kamala Harris est confrontée, elle, à un défi supplémentaire, en tant que « femme noire ». Ses positions peuvent être considérées comme « plus libérales » que celles « d’un homme blanc ennuyeux ».

Selon lui, Harris a également « laissé passer une belle opportunité de se tourner vers le centre en choisissant Tim Waltz plutôt que Josh Shapiro » en accordant la priorité à la petite minorité de progressistes qui s’opposait à Shapiro pour une question de personne. Elle doit donc mener une campagne comme si elle avait deux points de retard, parce que si le sondage du Times est juste, elle l’est dans les faits.


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