Tribune de Julien Aubert
La facilité avec laquelle Israël a inversé le rapport de forces stratégique au Proche-Orient est déconcertante. La moitié des forces du Hamas aurait été éliminée, de même que la hiérarchie du Hezbollah. L’utilisation de moyens non-conventionnels par Tel-Aviv pour éliminer les combattants adverses a également suscité chez ses ennemis un sentiment nouveau : la peur. On se souviendrait presque des mots de Charles Pasqua en 1986 « Il faut terroriser les terroristes ».
Cette efficacité n’a pas été critiquée par les capitales arabes qui, derrière les inévitables appels à la paix et la solidarité naturelle avec le peuple Palestinien, ont surtout peur de Téhéran, puissance chiite en passe de se doter de la bombe nucléaire. Ils ne peuvent le dire, mais secrètement espèrent la chute de Khamenei.
Ce constat appelle deux analyses distinctes, l’une géopolitique et internationale, l’autre franco-française.
Tout d’abord, chacun s’est étonné de la mollesse de la réaction de l’Iran. En réalité, on suppute que les forces armées de Téhéran ne sont pas de taille à challenger l’avance technologique d’Israël. C’est en partie exact, même si le dimensionnement humain penche coté iranien, qui a une armée de masse probablement quatre fois plus importante que Tsahal. Néanmoins, Saddam Hussein en son temps, qui disposait d’un demi-million d’hommes, apprit à ses dépens que cela ne suffisait pas. Derrière Israël pourrait se profiler, en cas de conflit, une coalition internationale susceptible de renverser le rapport de forces tactique.
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L’Iran éviterait donc de provoquer Israël pour conjurer une humiliante contre-offensive qui pourrait amener Tel-Aviv à détruire ses centres nucléaires. En effet, c’est la seule carte que le régime peut jouer pour se mettre à l’abri dans quelques années du différentiel technologique. Téhéran fait le dos rond – il n’y a plus qu’à attendre l’élection d’un nouveau président américain, qui saura retenir le bras de Netanyahou.
Le leader israélien a un agenda inverse. Il est à la fois résolu à ne pas offrir le cadeau d’une paix au Proche-Orient à Joe Biden et sait qu’il a éventuellement un mois pour frapper et détruire irrémédiablement le potentiel nucléaire iranien. Après début novembre 2024, surtout si Trump est battu, ce sera plus compliqué. Israël a donc méthodiquement frappé l’Iran et ses alliés. Téhéran, humilié au Liban, a fini par riposter mais c’est donc peut être l’occasion qu’attendait Tel-Aviv.
Nous sommes donc dans un tournant très particulier et très dangereux car même si les hypothèses ci-dessus semblent sérieuses, l’assurance de la supériorité technologique d’Israël reste à prouver, avec deux points d’interrogation. Premièrement, les nouveaux missiles iraniens, qui n’ont pas été mobilisés jusqu’à présent, pourraient percer le Dôme de Fer et faire des dommages substantiels. Deuxièmement, l’hypothèse comme quoi l’Iran ne disposerait d’aucun missile nucléaire n’est pour l’instant, à ma connaissance, pas démontrée. L’AIEA a détecté de l’uranium enrichi à 83% et le seuil militaire est à 90%.
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L’Histoire prouve que les guerres les plus dangereuses débutent lorsqu’un assaillant surestime sa puissance, du fait d’une asymétrie d’information. Hitler pensait pouvoir mettre à genoux la Grande-Bretagne en quelques mois. Le Kaiser allemand pensait pouvoir vaincre la France en quelques semaines. Etc.
La seconde réflexion, totalement détachée de la première, concerne la polémique lancée par le nouveau ministre Bruno Retailleau sur l’état de droit, ni intangible, ni sacré. Face aux terroristes du Hamas et du Hezbollah, Israël s’est largement écarté du droit international, mais a atteint un résultat qui, en Occident, rassure : il y aurait donc des moyens de frapper une pieuvre criminelle et de la décapiter ? De lui faire mal et de lui faire peur ? La France, concernée sur son sol par le militantisme d’une frange radicale de l’islam mais aussi par les réseaux de narcotrafic, ne parvient pas à les juguler en restant dans l’épure du droit.
Face au mal, une démocratie peut-elle accepter que trois années de procédure tombent pour un vice de forme ? La République acceptera-t-elle longtemps que des individus dangereux puissent évoluer en liberté car on les a relâchés ou parce qu’on ne peut pas les expulser ? Ces questions sont sur la table.
En sens inverse, il faut reconnaître que la quête d’efficacité a un prix : l’image d’Israël a été salie par les accusations de génocide et les images d’enfants tués ou mutilés. Une seule certitude : au-delà des tirades sur le droit, ce qui prime c’est qu’il est écrit par les vainqueurs. Les pères d’Hiroshima ont jugé les vaincus à Nuremberg, mais cela aurait pu être l’inverse, si Hitler avait gagné.
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