Eber Haddad est un analyste politique vivant aux États-Unis. Pour Le Diplomate, il répond à nos questions afin d’analyser l’élection présidentielle américaine et ses enjeux pour les États-Unis et le monde…
Propos recueillis par Angélique Bouchard
Le Diplomate : Comment percevez-vous l’état actuel de la course à la présidentielle de 2024 aux États-Unis ? Quels sont, selon vous, les facteurs clés qui influenceront les résultats ?
Eber Haddad : Si je me base sur les sondages qu’on nous présente à la télévision ou sur les médias traditionnels, ça reste une course serrée où ne peut encore pas déterminer qui sera élu. C’est très difficile de prévoir les résultats d’une élection présidentielle américaine car elle ne se décide pas au suffrage universel direct mais par l’élection de « grands électeurs » plus ou moins nombreux selon la population de chaque état, et dans le cas présent on ne « sait pas officiellement » avec certitude quel sera le résultat des états où la majorité change d’une élection à l’autre, tels que le Michigan, la Géorgie, la Caroline du Nord, la Pennsylvanie, le Wisconsin ou le Nevada, mais on peut aussi avoir des surprises avec d’autres états. En revanche, si on prend en compte les résultats des sondeurs plus « indépendants et impartiaux », il semble bien que Trump ait un avantage sur Kamala Harris dans les états charnières qui vont désigner le vainqueur. On voit les Démocrates paniquer, utiliser des coups bas ; par exemple depuis une semaine Trump est systématiquement comparé ad nauseum à Hitler, au nazisme et autres qualificatifs péjoratifs, c’est dire le désespoir du camp Démocrate, ainsi que l’utilisation répétée de mensonges et histoires inventés indignes d’une puissance comme les États-Unis. Kamala a rameuté le ban et l’arrière-ban du parti Démocrate jusqu’à l’ancien président Obama qui fait carrément campagne pour elle comme s’il était le candidat. Elle a payé des sommes folles à des stars comme Beyoncé pour l’aider à attirer la foule dans ses meetings. Il y également une centaine de notables travaillistes britanniques appelés à la rescousse pour aider bénévolement la candidate Démocrate à s’en sortir. Dans ces cas de figures, ces manœuvres semblent plutôt contreproductives car d’une part, Obama ne bénéficie plus de la côte d’amour qu’il avait en 2008, particulièrement dans la communauté afro-américaine et d’autre part, « l’importation » des membres du Labour est perçue comme une ingérence étrangère dans des élections nationales. Quant aux stars et leurs présences dans des meetings politiques, très peu de personnes sont dupes et savent faire la différence entre un hameçon et un programme politique et surtout économique car c’est là que le bât blesse. Ne parlons même pas d’Hitler inconnu de la majorité de la jeunesse américaine et qui n’est plus considéré comme un épouvantail ou une ligne rouge tellement il est rentré dans les poubelles de l’Histoire depuis bien longtemps et les Américains ont la mémoire courte.
Les facteurs clés de ces élections sont l’inflation galopante, qui paupérise une grande partie des Américains même dans les classes moyennes supérieures, inflation non maitrisée à ce jour depuis janvier 2021 sans qu’aucun plan n’ait été proposé par Kamala Harris pour en venir à bout et le scandale absolu de la frontière sud non contrôlée, à dessein, par l’Administration Biden, qui a vu rentrer au moins 11 (Onze, ce n’est pas une faute frappe) millions de personnes. Certains pensent que le nombre serait plus élevé encore, venant des quatre coins du monde avec parmi eux, des trafiquants de drogue, particulièrement la Fentanyl qui fait des ravages et a provoqué la mort par surdose de plusieurs milliers d’Américains, des criminels sortis de leurs prisons locales d’Amérique du Sud ou Centrale et même d’autres pays, des malades mentaux sortis des hôpitaux de leurs pays et envoyés par groupes aux États-Unis et des terroristes de différentes obédiences mais un grand nombre à la solde de l’Iran qui auraient pour but principal d’assassiner le candidat Trump, au moins dans un premier temps…
LD : Donald Trump semble rester une figure centrale de la politique américaine malgré l’acharnement de l’establishment américain contre lui. Quelles sont, selon vous, ses réelles chances de remporter la présidence ? Peut-il réitérer sa victoire de 2016 ?
EH : Sans triche, sans instrumentalisation de la justice, locale ou fédérale, sans l’inscription de non-citoyens illégaux sur les listes électorales, sans assassinats – deux tentatives ont déjà été déjouées de justesse et jusqu’à présent ni les Services Secrets, ni le FBI, ni le « Department of Justice » nous ont fait part des résultats de leurs enquêtes respectives – sans traquenards ou autre coup monté, Donald Trump a toutes les chances de remporter ces élections.
LD : Kamala Harris, actuelle vice-présidente et adversaire démocrate de Trump est-elle la meilleure pour le battre ? Quels sont ses qualités et ses défauts ?
EH : Un non absolu pour Kamala sauf si les conditions de malversations, dont j’ai parlé plus haut sont réunies mais ça pourrait tout aussi bien être Mickey Mouse dans ce cas. Il y a de nombreux politiciens de qualité chez les Démocrates, à commencer par le Gouverneur de Pennsylvanie que Kamala devait prendre comme vice-président, mais bien d’autres encore et qui font partie du centre du Parti Démocrate, aujourd’hui marginalisé par les « woke », l’extrême-gauche radicale et les islamistes qui, bien que très minoritaires, ont détourné ce parti de sa vocation traditionnelle, qui auraient été capables d’affronter Trump et peut-être même de le vaincre. Il n’y a malheureusement plus de leader charismatique chez les Démocrates.
Ça va paraitre exagéré mais je ne vois aucune qualité à Kamala qui n’a absolument rien fait en quatre ans sauf dissimuler la sénilité de Biden. Elle n’a aucune compétence en économie, ni en politique étrangère. Elle aurait pu avoir la qualité de bien s’entourer mais le choix de son vice-président montre que là-aussi elle est totalement incompétente. Ce choix a d’ailleurs été une surprise pour tout son clan.
LD : Elon Musk vient de rejoindre le candidat républicain. Comment évaluez-vous son influence croissante, notamment sur des sujets comme la liberté d’expression ou l’intelligence artificielle ?
EH : Elon Musk est un génie des affaires. Il semble bien informé sur de nombreux points politiques tels que la faiblesse de la démographie, la liberté d’expression et, bien entendu, l’Intelligence Artificielle, dont il connait les tenants et les aboutissants. Il a de l’influence sur Trump mais je pense qu’elle est nettement surestimée. Il pourrait jouer un rôle dans une administration Trump particulièrement sur les trois sujets évoqués plus haut.
LD : Si Trump ou Harris devenaient président, quelles seraient, à votre avis, les conséquences sur la politique américaine vis-à-vis de l’Ukraine et du conflit avec la Russie ? Voyez-vous une différence d’approche notable entre les candidats principaux sur cette question ?
EH : Pas de certitudes à ce sujet mais il est évident que Trump ne laissera pas une guerre pareille s’éterniser. Les distributions d’armes au compte-gouttes à l’Ukraine tout en mettant des conditions à leur utilisation s’arrêteront. Seule la sénilité de Biden et la méconnaissance de la géopolitique actuelle et des affaires étrangères de son équipe ont permis la poursuite de cette politique stupide et ignoble car responsable de milliers de morts. Ce sera une approche totalement différente avec, probablement, un accord entre l’Ukraine et la Russie à la clé même si c’est douloureux de part et d’autre. L’Europe n’aura pas d’autre choix que de s’aligner car une guerre de cette ampleur à ses portes ne peut pas arranger ses affaires.
LD : Le Moyen-Orient est de nouveau au bord d’un conflit généralisé. Selon vous, un changement de leadership aux États-Unis, qu’il s’agisse de Trump ou Harris, pourrait-il avoir un impact significatif sur la politique américaine dans la région, notamment vis-à-vis d’Israël, de l’Iran et des accords d’Abraham ?
EH : Selon le leadership l’impact sera différent. Tout sénile qu’il était, Biden avait une expérience politique de 50 ans passés à Washington où il a rencontré presque tous les leaders de la planète et a été confronté à quasiment tous les conflits d’après-guerre. C’est une expérience que Kamala Harris n’a pas et elle est tout à fait incompétente dans ce domaine. Israël est un allié précieux des États-Unis et réciproquement, et il n’est pas certain que la candidate Démocrate sache avoir la politique adéquate avec ce pays. Si elle continue à vouloir ménager l’Iran, comme ses prédécesseurs Obama et Biden, on s’achemine vers un dénouement tragique. L’Iran l’a déclaré à maintes reprises, que son seul but était de supprimer Israël de la carte. Tout arrangement avec les Mollahs ne peut que rendre ce projet plausible et Israël ne se laissera pas faire. On peut craindre avec l’ignorance de Kamala, qui n’a pas de grande sympathie pour Israël, que le dénouement soit tragique surtout si elle veut mettre des conditions à la livraison d’armes à Israël, pays qui lutte pour sa survie depuis 75 ans. On peut craindre le pire car si Israël est acculé à cause d’un mauvais calcul américain, le résultat pourrait avoir des conséquences dramatiques au minimum à l’échelle régionale voire mondiale.
Ce sera tout à fait différent avec Trump qui a modelé les « accords d’Abraham » qui ont tenu malgré plus d’un an de guerre. De nombreux pays Arabes sunnites ont accepté Israël comme faisant partie de la région et songent, lorsque ce n’est pas déjà le cas, à commercer, échanger et coopérer technologiquement avec ce pays. Il est fort probable que Trump, adepte d’une diplomatie musclée et efficace, saura trouver une solution aussi bien pour Gaza que pour le reste de la région même si c’est douloureux pour toutes les parties. Ce qu’il cherchera à faire c’est à pérenniser la paix dans cette région en mettant hors-jeu les trouble-fêtes.
LD : Enfin, quel message pensez-vous que les résultats des prochaines élections américaines enverront au reste du monde, tant au niveau des alliances géopolitiques que des défis globaux comme la montée en puissance de la Chine ou les conflits en cours et les tensions militaires ?
EH : De nombreuses conséquences. Les Européens, Merkel et Macron en tête, détestent Trump mais ils ne peuvent rien faire contre lui. Merkel n’est plus là et Macron ne veut plus rien dire. Il n’a plus d’amis, plus de parti, plus de majorité et la France est surendettée. Il peut à peine jouer la mouche du coche… et encore. Dans son premier mandat, Trump s’était attaqué à l’OTAN à cause de la part disproportionnelle des États-Unis dans le budget de cette organisation. En 2024, les États-Unis couvrent toujours 68% du budget malgré les promesses faites par un certain nombre de pays européens. Même l’Allemagne ne les a pas tenues à la hauteur de ce à quoi elle s’était engagée à payer. Je pense qu’en raison de la situation différente de celle de 2016 en Europe, Trump sera moins exigeant mais il demandera avec force une plus grande participation des Européens d’autant plus que deux pays riches, la Suède et la Finlande, viennent de s’y associer. Les Européens ont sous-traité leur défense nationale aux États-Unis et rien n’exaspère plus Trump que de voir les centaines de milliards de dollars aller vers une organisation qui n’est pas toujours très reconnaissante et ne paye pas sa quotepart. Il devrait y avoir des arrangements car il n’est de l’intérêt de personne de voir l’OTAN disparaitre.
Quant à la Chine, c’est la grande inconnue. Une guerre à Taiwan serait ruineuse pour elle et ne lui rapporterait rien à part renforcer Xi par rapport à ses nombreux opposants et ce serait trop cher payé pour la Chine. Taiwan n’a aucune ressource autre que sa matière grise qui peut disparaitre vers d’autre pays en une seule nuit. Les relations de la Chine avec les États-Unis deviendraient plus compliquées et ce pays reste son plus gros client. Les deux autres contentieux sont d’ordre commercial, le dumping, les droits de douanes, la manipulation de sa monnaie et celui de la technologie, microprocesseurs, cartes graphiques et espionnage industriel entre autres. Si Xi Jin Pin demeure au pouvoir et qu’il a en face de lui Trump, il fera son possible pour mettre de l’eau dans son vinaigre tout en sauvant la face. Si son interlocutrice est Kamala, il abusera de son pouvoir et les relations se détérioreront. Ce n’est qu’une partie de la relation sino-américaine et il faudrait plusieurs pages pour en faire le tour. Nul doute qu’elle joueront un très grand rôle dans le prochain mandat et il est très difficile d’en prévoir le dénouement tant qu’on ne saura pas le nom du prochain président des États-Unis. Et il y a aussi l’Inde dont personne ne parle, plus grande démocratie du monde, et qui émerge à toute vitesse et sera à court terme un facteur dont on devra tenir compte.
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Diplômée de la Business School de La Rochelle (Excelia – Bachelor Communication et Stratégies Digitales) et du CELSA – Sorbonne Université, Angélique Bouchard, 25 ans, est titulaire d’un Master 2 de recherche, spécialisation « Géopolitique des médias ». Elle est journaliste indépendante et travaille pour de nombreux médias. Elle est en charge des grands entretiens pour Le Dialogue.