Par Angélique Bouchard
L’un des domaines clés sur lesquels Trump va probablement se concentrer lorsqu’il va réintégrer le Bureau ovale : l’immigration, une question qui est devenue une pièce maîtresse des deux dernières campagnes électorales.
La sécurisation de la frontière sud et la mise en œuvre d’une opération d’expulsion à grande échelle, sont les deux politiques prioritaires du président élu Donald Trump. Certains observateurs prédisent même qu’il s’attaquera à la question de l’immigration avec une approche plus systémique au cours de son second mandat.
Trump poursuit sa réforme du système d’attribution de Visas pour travailleurs qualifiés
L’une de ses premières réformes sera très certainement le programme de visa H-1B, une catégorie de visa attribuée aux travailleurs professionnels, titulaires au moins d’un diplôme universitaire de 4 années ou d’une expérience professionnelle équivalente. Ainsi, le travailleur « professionnel » éligible doit justifier au moins d’une licence ou d’un équivalent professionnel.
Sont visées les catégories socioprofessionnelles suivantes : les ingénieurs, les enseignants, les avocats, les comptables, les infirmières, les professionnels de l’informatique, les analystes d’études de marché, les analystes d’affaires, les économistes, etc.
Alors que le programme s’adressait initialement aux entreprises américaines pour leur permettre de combler les lacunes de main-d’œuvre américaine avec de la main-d’œuvre étrangère qualifiée, ses objectifs initiaux auraient été dévoyés. Les réformes envisagées par la seconde présidence de Trump, seront similaires à celles initiées durant son premier mandat, à savoir : protéger les travailleurs américains.
En période de sortie de pandémie COVID-19, de nombreux travailleurs américains ont perdu leurs emplois. Les entreprises de la « Tech » par exemple se sont beaucoup appuyées sur le programme H-1B pour répondre aux besoins de compétences pointues sur des postes technologiques.
Donald Trump considère, qu’à l’instar de beaucoup de programmes mis en place, le programme de visa H-1B s’est éloigné de son objectif premier, a été édulcoré et est devenu frauduleux. Il constitue une menace pour les travailleurs américains, qui selon lui, sont délaissés par certaines entreprises qui préfèrent embaucher une main d’œuvre, certes qualifiée, mais plus flexible et moins payée.
Lors de sa campagne électorale de 2016, Donald Trump avait déjà adopté un ton similaire et comptait « éliminer les abus généralisés du H-1B et mettre fin aux pratiques scandaleuses, telles celles qui se sont produites à Disney, en Floride, lorsque des Américains ont été contraints de former leurs remplaçants étrangers ».
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Trump pourrait déclarer l’état d’urgence à la frontière sud, dès le premier jour de son accession à la Maison Blanche
Donald Trump a consacré une bonne partie de sa campagne électorale à promettre de sécuriser la frontière et d’expulser les migrants illégaux. Les électeurs américains, l’ont élu, dans la grande majorité pour qu’il tranche avec l’administration Biden, qui elle, a enregistré un record de passages à la frontière sud, au cours des trois premières années de mandat démocrate.
Selon les derniers sondages, 75% des électeurs américains indiquent que la sécurité des frontières était un facteur important pour eux et déterminant dans le choix du candidat sortant, dont 61% ont soutenu Trump (Source : https://www.foxnews.com/elections/2024/general-results/voter-analysis).
Il est fort probable que Donald Trump cherchera à honorer la confiance populaire et ce, dès le premier jour de sa nouvelle administration.
Outre la déclaration de l’état d’urgence ou la fermeture de la frontière, Trump est susceptible d’annoncer des procédures accélérées d’expulsion des immigrants illégaux, notamment ceux qui ont commis des crimes sur le sol américain.
D’autres politiques pourraient connaître un changement rapide, notamment la fin du programme de libération conditionnelle du CHNV, pour Cuba, Haïti, Nicaragua et Venezuela.
Le 6 janvier 2023, l’administration Biden a inauguré un programme de libération conditionnelle humanitaire permettant à certains ressortissants de Cuba, Haïti, Nicaragua et Venezuela (CHNV) de demander l’entrée aux États-Unis pour un séjour temporaire d’une durée maximale de deux ans. Au cours de la période de libération conditionnelle, les personnes peuvent demander une aide humanitaire ou d’autres avantages en matière d’immigration. Si elles y sont admissibles, elles peuvent également travailler pendant cette période.
D’autres mesures phares peuvent revenir sur le devant de la scène comme « les descentes » dans les usines, ces fameux raids flash baptisés « worforce raids ».
Durant le premier mandat de Trump, nombreux furent les agents de l’immigration à effectuer ces descentes dans les usines et chantiers du pays. Cette méthode, largement décriée par les Démocrates, est qualifiée de violente et de perturbatrice. De plus, pour certains observateurs politiques, ce type de méthodes ne se serait pas systématiquement traduit par une hausse significative des expulsions.
D’autres leviers, en revanche, risquent de prendre plus de temps et une coordination rapprochée avec les autorités mexicaines comme le protocole « Remain in Mexico » ou « Restez au Mexique ».
Le sénateur américain du Kentucky, Rand Paul a déclaré qu’il dirigerait la commission sénatoriale de la sécurité intérieure et des affaires gouvernementales et a réaffirmé sa ferme intention d’examiner immédiatement le projet du président élu de rétablir une politique exigeant que les demandeurs d’asile attendent au Mexique pour être entendus par un tribunal d’immigration américain.
Environ 70 000 migrants ont été soumis à ce protocole, officiellement connu comme « protocole de protection des migrants » depuis son introduction par le président Donald Trump en janvier 2019, jusqu’à sa suspension par le président Joe Biden, le premier jour de son mandat en janvier 2021. Sur ces 70 000 migrants, bon nombre d’entre eux ont été autorisés à retourner sur le sol américain pour poursuivre leurs démarches au cours des premiers mois de la présidence Biden.
Le retour de cette politique impose cependant des coûts humains et un large investissement : davantage de financements pour finir la construction du mur frontalier, l’embauche de juges de l’immigration et d’autres personnels de sécurité aux frontières.
Or, aux États-Unis, la législation actuelle garantit aux migrants sans papiers le droit à une procédure régulière. Les procédures judiciaires en matière d’immigration sont nécessaires pour déterminer si un migrant peut- être expulsé, mais avec un arriéré de 3,7 millions de dossiers et seulement 700 juges, les audiences peuvent être retardées de plusieurs années. Expulser des millions de migrants illégaux par les canaux existants nécessiterait un financement substantiel pour accroître la capacité des tribunaux et des centres de détention. Les estimations pour une expulsion massive ponctuelle, dépassent les 300 milliards de dollars à l’heure actuelle (Source : https://www.economist.com/the-world-ahead/2024/11/20/donald-trump-will-try-to-upend-americas-immigration-system).
Donald Trump prévoit également d’invoquer « l’Alien Enemies Act » pour expulser tous les membres de gangs, trafiquants de drogues ou membres de cartels connus ou suspectés des États-Unis ; un effort, qui selon lui, mettra fin au « fléau de la violence, des gangs d’immigrés illégaux une fois pour toutes ».
Durant sa campagne, le président élu a déclaré notamment qu’il prévoyait de transférer d’importants pans de l’application de la loi fédérale en faveur de l’application des lois sur l’immigration… Comprenons par-là, la réaffectation de toutes les ressources nécessaires pour lutter contre « le fléau » : FBI, Département de la sécurité intérieure, la Drug Enforcement Administration, et le Bureau ATF (Alcool, Tabac et Armes à feu). Trump avait même évoqué le déplacement de milliers de soldats actuellement positionnés à l’étranger vers la frontière sud -américaine.
A ce titre, il ne serait pas impossible de voir la marine américaine imposer un blocus complet du fentanyl dans les eaux de la région en « arraisonnant et en inspectant les navires » pour bloquer la chaîne de production et de distribution de la drogue aux États-Unis.
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Thomas Homan, nommé le nouveau « Tsar des frontières » a de son côté un message très clair à adresser aux gouverneurs qui s’opposent à l’opération de « déportation massive de migrants illégaux » : Dégagez de là !
Cet ancien policier New- Yorkais de 62 ans, un tenant de la ligne dure, va diriger l’agence responsable du contrôle des frontières et de l’immigration (ICE).
« S’ils ne sont pas disposés à aider, alors dégagez de là, car l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) va faire son travail (…) Si vous ne voulez pas travailler avec nous, alors foutez le camp, nous allons le faire. Cela signifie que plutôt que d’envoyer 100 personnes à Boston, nous allons envoyer 200 agents » a déclaré Homan, suite à sa nomination le 10 novembre dernier. (Source : Trump’s « border czar » warns Dem gov rejecting Trump deportation plan : « Get the hell out of the way », par Adam Shaw, Fox News, 11 novembre 2024).
Certains gouverneurs démocrates, à l’instar de Maura Healey, gouverneure du Massachusetts, ont déclaré utiliser tous les outils pour « protéger les citoyens et les résidents de leurs États ».
Homan a reconnu que de nombreuses juridictions locales ont déjà travaillé et travailleront certainement en sous-marin avec la seconde administration Trump, surtout dans les cas d’agressions sexuelles et d’assassinats de femmes américaines. Il reconnaît toutefois qu’il serait utile, pour la nouvelle administration, d’avoir l’appui et le « levier multiplicateur de force » des gouvernements étatiques et locaux et que les agents aient accès aux prisons des comtés où sont enfermés les grands criminels immigrés illégaux.
Toutefois, précise-t-il, « l’absence de cette aide n’arrêtera pas les opérations ». Il ne s’agira pas d’opérations de « ratissage » massives dans les quartiers, ni de raids. Homan parle d’opérations de répression ciblée sur des immigrants illégaux ayant fait l’objet de condamnations ou d’accusations pénales, comme cela avait été le cas sous la première administration Trump.
Thomas Homan note cependant, que personne ne passera au travers des mailles du filet en cas de « hors -jeu » : « Si vous êtes entré illégalement dans un pays, vous avez un problème ».
Avec des millions d’entrées illégales par la frontière sud sous l’administration Biden, Homan estime qu’il y’aura des conséquences inévitables pour ceux qui ne présentent pas de demande d’asile valide.
« Il y aura une opération d’expulsion parce que nous avons eu une immigration illégale massive jamais vue auparavant, où 90% des personnes seront expulsées. C’est du bon sens » a –t-il déclaré.
De nombreux immigrants illégaux pourront également partir d’eux-mêmes lorsque les incitations à traverser la frontière seront supprimées. Le nombre de personnes expulsées, dépendra par contre, des ressources mises à disposition.
« La frontière sud est la plus grande vulnérabilité de sécurité nationale (…) Cela devrait être une question non partisane. Peu importe l’opinion des gens, nous allons y parvenir » confirme l’acteur clé de la nouvelle police aux frontières américaine.
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Diplômée de la Business School de La Rochelle (Excelia – Bachelor Communication et Stratégies Digitales) et du CELSA – Sorbonne Université, Angélique Bouchard, 25 ans, est titulaire d’un Master 2 de recherche, spécialisation « Géopolitique des médias ». Elle est journaliste indépendante et travaille pour de nombreux médias. Elle est en charge des grands entretiens pour Le Dialogue.