Sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye, la Fédération de Russie cherche à signer après celui de Sao-Tomé cet automne, un nouvel accord de coopération militaire avec Dakar, tandis que les responsables russes poussent aussi pour un partenariat économique avec le Sénégal, rapporte Pierre-Elie de Rohan Chabot d’Africa Intelligence. Cette offensive discrète de la Russie prend des airs de diplomatie militaire et économique, observée de près par Paris.
Un document classé secret défense, estampillé du symbole de l’aigle bicéphale russe, se trouve actuellement sur le bureau du ministre sénégalais des forces armées, Birame Diop. Numéroté 3098-R, ce protocole d’accord militaire a été soumis pour la première fois en novembre 2023 par le Premier ministre russe Mikhaïl Michoustine, peu avant les élections présidentielles sénégalaises. Ce projet d’accord a été récemment remis sur la table par le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et son ambassadeur à Dakar, Dmitri Kourakov.
Depuis l’élection de Bassirou Diomaye Faye et la nomination de son Premier ministre Ousmane Sonko, la Russie redouble d’efforts pour établir des liens militaires et économiques avec le Sénégal, souligne Africa Intelligence.
Après Sao- Tomé, la Russie cherche en effet des alliés stratégiques le long de la côte atlantique de l’Afrique de l’Ouest, en particulier pour sécuriser sa flotte militaire dans le golfe de Guinée, une zone cruciale pour le commerce international. En août 2024, Yacine Fall, ministre sénégalaise de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, a été reçue à Moscou pour des discussions centrées sur la défense, au cours desquelles Lavrov a insisté sur la coopération anti-terroriste et en cybersécurité, faisant pression pour le protocole de novembre 2023. Face à cette insistance, Fall a indiqué que la décision finale reviendrait au ministre des forces armées, le général Birame Diop.
D’après le document consulté par Africa Intelligence, la Russie propose d’étendre la collaboration militaire à des exercices conjoints en mer (tout comme celui signé avec Sao-Tomé, autorisant ainsi ses navires de guerre à faire escale au Sénégal.
Moscou aspire également à réduire sa dépendance vis-à-vis du transport aérien, actuellement privilégié pour livrer des équipements militaires à ses alliés du Sahel, comme au Mali et au Burkina Faso. Le protocole d’accord propose aussi une assistance en matière de lutte contre la piraterie et des formations pour la marine sénégalaise, y compris en hydrographie des eaux territoriales, où se trouvent des réserves d’hydrocarbures.
L’intérêt de la Russie ne se limite pas à la sécurité. En se positionnant sur le secteur pétrolier sénégalais, Moscou espère renforcer son partenariat économique, notamment depuis que le Sénégal est devenu producteur de pétrole. Le géant Lukoil a même entamé des discussions avec le gouvernement de Sonko, à la recherche d’un partenaire pour exploiter le gisement de Yakaar-Teranga, suite au retrait de BP.
La Russie compte également renforcer ses liens dans le secteur des nouvelles technologies. Lors de la visite de Yacine Fall à Moscou, des échanges ont eu lieu avec Rostelecom, le géant russe des télécommunications, concernant l’exportation de la plateforme de services publics électroniques Gosuslugi en Afrique.
Malgré cette campagne de séduction, Pierre-Elie de Rohan Chabot note que le succès de l’initiative russe n’est pas assuré. Paris suit de près l’influence grandissante de Moscou au Sénégal, la France soupçonnant même les services de renseignement russes de soutenir des mouvements anti-français dans le pays.
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