À l’occasion de la sortie de son dernier livre La Tempête qui vient, nous retrouvons Nicolas Vidal, auteur incisif et sans concessions. Ce pamphlet frappe fort : il s’adresse directement à ceux qui se sentent abandonnés et méprisés par la classe politique, tout en leur offrant une lueur d’espoir. Nicolas Vidal est le fondateur de Putsch Media et l’animateur de l’émission Putsch Live. Il est aussi matinalier chez Tocsin.
Propos recueillis par Philippe Pulice
Le Diplomate : Votre livre La tempête qui vient est un cri de révolte contre des élites politiques que vous accusez de privilégier leurs intérêts au détriment de ceux du peuple. Vos mots sont forts, à la hauteur de votre exaspération. Vous n’épargnez ni ceux qui gouvernent, ni ceux censés les contrer dans l’opposition. Personne ne trouve donc grâce à vos yeux ?
Nicolas Vidal : Je vous concède que j’aimerais vivre et profiter d’une société démocratique totalement apaisée, dans laquelle j’aurais pleine confiance en nos représentants politiques. Mais force est de constater que se complaire dans ce constat, comme le font encore près de 20 % de la population, me paraît dramatique. En réalité, nous assistons à une accélération de la sécession des élites, comme l’analysait Christopher Lasch dans son excellent livre du même titre.
Avec la dépossession et le pillage de notre pays par l’Union européenne, aggravés par la complicité de nos élites, nous ne sommes en réalité plus maîtres de notre destin, malgré une classe politique qui tente par tous les moyens de faire croire le contraire. J’en veux pour preuve le simulacre de vote organisé il y a quelques jours à l’Assemblée nationale, où nos députés devaient se positionner sur le traité de libre-échange du Mercosur. En réalité, nous savons tous que, dans la geôle de l’Union européenne, nous ne décidons de rien, notamment en ce qui concerne les accords commerciaux. Néanmoins, les députés fantoches de l’opposition ont siégé comme de bons petits soldats pour tenter de se donner un semblant de crédibilité et de justification à leurs généreuses indemnités, alors qu’en réalité, nous assistons impuissants à un vaste mensonge. Pendant ce temps, Ursula von der Leyen fait ce pour quoi elle a été nommée : souiller le peu qu’il reste de la souveraineté des États pour répandre la misère, corollaire de cette dépossession au profit de puissants intérêts privés.
L’Assemblée nationale, qui ne fait qu’enregistrer près de 80 % des injonctions européennes, n’a pas plus de pouvoir que le club de bridge local, si ce n’est pour organiser sa kermesse annuelle en y vendant ses gâteaux au yaourt.
Cela a renforcé immanquablement et avec force la défiance d’une grande partie du peuple envers notre classe politique, qui a aujourd’hui la consistance d’un pot de fleurs en plastique posé au fond du jardin de Bruxelles.
LD : Vous affirmez que la démocratie n’est plus qu’une vue de l’esprit, volée progressivement depuis près de 20 ans. À quel moment, selon vous, s’est produit ce point de bascule ?
NV : Le viol démocratique a eu lieu en 2008, lorsque Nicolas Sarkozy a fait passer en force le traité de Lisbonne devant le Congrès de Versailles, avec la complicité, une nouvelle fois, de la représentation parlementaire où droite et gauche étaient alliées. Ce fut à ce moment précis que nous avons assisté à la première grande trahison délibérée de notre classe politique contre le peuple souverain. À ce moment-là, la classe politique est devenue une véritable caste politique, parfaitement consciente de ce qu’elle était en train de faire, mais suffisamment abâtardie et déconnectée pour ne pas anticiper les conséquences gravissimes pour le pays à moyen et à long terme.
Avec le temps, notamment à partir de la crise historique des Gilets Jaunes, certains ont compris que la sécession dont je parlais plus haut avait fait son œuvre. Alors, pour tenter de se protéger de la colère populaire, ils se sont dissimulés derrière le seul élément de langage qu’ils jugeaient suffisamment crédible pour juguler le retour du peuple : « Je suis républicain ». Ainsi, ils ont pensé que le totem d’immunité de la République pourrait les éloigner des Français les plus vindicatifs, laissant croire que toutes les critiques dont ils étaient l’objet pourraient être contrées avec cette argumentation fallacieuse. Sans compter qu’ils auraient beau jeu de dire que ces Français en colère, en s’opposant ainsi à cette posture républicaine, seraient frappés du sceau de la sédition et de la faction brune.
Le règne brutal, violent et anti-démocratique d’Emmanuel Macron constitue, à mes yeux, la fin de ce processus anti-démocratique engagé depuis 2008, qui ne tient qu’avec des médias de complaisance, une garde prétorienne et une opposition politique en carton-pâte.
LD : Au fil de vos rencontres, vous décrivez une colère sourde qui ne cesse de grandir. Vous allez jusqu’à affirmer que l’affrontement est inévitable. Selon vous, quelle forme pourrait prendre ce soulèvement populaire ?
NV : Ce qu’on peut dire à cette heure, c’est que la prise de conscience de la trahison de notre classe politique fait irruption chez bon nombre de Français, quelle que soit leur obédience politique. Elle crée également le sentiment légitime qu’il n’existe plus d’incarnation politique d’un parti ayant à cœur de défendre la France et les Français, tout en les protégeant de la mondialisation néolibérale, dont l’Union européenne n’est que le cheval de Troie. Le renoncement politique du Rassemblement national à la sortie de l’Union européenne a été la dernière digue démocratique à céder, en 2019, avant les européennes, dans une indifférence générale. Il ne faudra pas attendre très longtemps pour que les millions d’électeurs du RN s’aperçoivent qu’ils ont été floués, aussi bien sur les questions d’immigration, d’identité, de sécurité que sur les questions économiques.
Du côté de la gauche, le constat est similaire, même si les poncifs idéologiques diffèrent. Ils sont mondialistes compatibles, même s’ils tentent péniblement d’utiliser la rhétorique inepte et creuse du progressisme, qui n’incarne aucune réalité dans la vie de millions de citoyens, bien au contraire.
Il en est de même pour la LFI, qui est devenue plus que timide dans son opposition frontale à Bruxelles. Il suffit, pour s’en convaincre, de revoir l’accolade très chaleureuse et les bisous de Manon Aubry à Ursula von der Leyen lors de son maintien absolument inadmissible à la tête de la Commission européenne, il y a quelques semaines.
Car il ne faut jamais perdre de vue que le modèle économique de notre classe politique repose sur des élus, des députés et des représentants au niveau national et européen financés par des fonds publics. Et comme toute entreprise, il n’est pas question de se fâcher avec ses principaux fournisseurs au risque de connaître un redressement judiciaire, puis la faillite. Alors, il ne reste plus que le théâtre d’opérette pour tenter, par tous les moyens, de se maintenir au pouvoir, en optant pour la faillite politique, qui leur permet encore de se financer. Mais pour combien de temps encore ?
LD : Vous dénoncez une atmosphère étouffante de totalitarisme, mais des voix critiques comme la vôtre peuvent encore s’exprimer librement ? Cela reflète-t-il cette métaphore que vous utilisez : « Pour éviter la colère d’Achille, il faut la ruse d’Ulysse » ? En somme, la démocratie ne serait-elle qu’une « illusion » savamment entretenue pour désamorcer la contestation ?
NV : Il est évident que nous vivons une époque plus que pré-totalitaire. Dans une nation comme la France, le recul de nos libertés fondamentales, amorcé depuis les Gilets jaunes et encore plus violemment saccagé pendant la crise sanitaire, marque une grave régression démocratique sans précédent. Mais cette régression n’est perçue que par les Français qui ont tenté de réfléchir, de dire, de dénoncer, de contester et de s’exprimer en tant que citoyens libres. La masse restante n’a pas vu de changement, puisqu’elle n’utilise pas la liberté d’expression, mais plutôt la liberté de zapper entre les séries sur Netflix ou de changer d’armoire chez Darty en fonction des promotions et du consternant Black Friday.
Nos élites, depuis 40 ans, ont patiemment élaboré l’abrutissement généralisé de la population, notamment par le sabotage de l’Éducation nationale. Il n’y a qu’à observer notre chute dans le classement Pisa pour s’en rendre compte. Les voix des médias indépendants ont subi toutes les censures, privations et insultes depuis la crise sanitaire. Moi-même, avec Putsch, j’ai connu la censure et des pressions dès la crise des Gilets jaunes.
Alors pourquoi pouvons-nous encore nous exprimer aujourd’hui ? Il faut d’abord identifier les canaux sur lesquels cela reste possible. Vous aurez sans doute remarqué qu’ils sont très réduits, car nous donner la parole relève d’un acte de journalisme engagé, comme vous le faites aujourd’hui. Et je vous en remercie. Néanmoins, les médias indépendants accumulent, depuis plusieurs mois maintenant, des audiences considérables, qui font pâlir de jalousie les médias du système, et ce, au prorata des moyens financiers et techniques dont nous disposons. Ces médias ont su agréger autour d’eux des communautés importantes et fidèles, qui n’hésitent pas à les soutenir et leur permettent d’exister.
LD : Vous critiquez une grande majorité des élites – politiques, médiatiques, intellectuelles – pour leur alignement sur le dogme du « no alternative » au projet européen et à la mondialisation heureuse. Selon vous, l’élection de Donald Trump, en remettant en cause ce consensus, pourrait-elle encourager davantage de dissidence et libérer la parole au sein des élites ?
NV : L’élection de Donald Trump représente clairement un renversement dans le schéma mondialiste, qui tente par tous les moyens de s’imposer aux peuples contre leur volonté. Les États-Unis, notamment par leur puissance économique (de plus en plus relative), leur système médiatique et leur place centrale dans le monde, captent l’attention internationale avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. D’ailleurs, plusieurs grands médias américains sont littéralement en train de s’effondrer en termes d’audience, ce qui confirme l’analyse que nous posons ici. Une partie des peuples est en train de faire, à son tour, le choix de la dissidence face à un ordre qu’on a tenté de leur imposer par tous les moyens, même les plus sournois.
L’élection de Donald Trump, tout comme celle de Robert Fico en Slovaquie, de Viktor Orbán en Hongrie ou de Călin Georgescu en Roumanie, est le marqueur pur d’un renversement puissant, poussé par le retour des peuples. Mais ces changements importants font l’objet d’attaques en règle et d’insultes violentes de la part des médias du système, qui les qualifient de poussées de fièvre populiste et d’extrême droite.
Pour ces médias, la situation devient absolument incontrôlable, car l’angle mort de la caste dirigeante reste, sans conteste, l’appauvrissement fulgurant des populations et leur déclassement, qui semblent ne plus avoir de limite. Et bien souvent, la tyrannie du frigo vide est le meilleur carburant des révolutions.
LD : Le projet mondialiste dans lequel s’inscrivent les dirigeants européens, dont les Français, détruit méthodiquement les nations et les peuples. Ces derniers, méprisés, ne se sentent plus représentés, et à juste titre. Cette défiance envers les élites est une caractéristique majeure du populisme. Pensez-vous que, dans le futur, le renouveau politique passera inévitablement par un engagement citoyen ?
NV : Il est certain que le plus grand handicap de ce pays réside dans l’apathie populaire de millions de nos concitoyens, qui se sont progressivement dissociés de la nation. Ils sont Français, vivent en France, mais n’ont plus conscience d’appartenir à notre pays, d’être les garants de notre histoire, de notre culture et de notre identité.
Ils sont comme des bulles de savon, ballotées au gré du vent, obsédées par l’idée de jouir de la seule grâce qu’on leur avait promise : la consommation. Par exemple, des millions de Français participent chaque année à la mascarade d’Halloween, tout heureux d’épouser une tradition qui n’a absolument rien à faire sur le sol français et qui me semble, à bien des égards, d’une stupidité sans fond.
Par contre, le matin du 11 novembre, ces mêmes Français sont incapables de situer le monument aux morts le plus proche de chez eux. Il ne leur effleure même pas l’idée d’aller en famille se recueillir en mémoire de nos soldats morts pour défendre la patrie. Voilà un exemple édifiant de l’effondrement culturel d’un peuple, à qui les « élites » ont scrupuleusement vidé la tête à grands coups de louche. Cette inconscience populaire est grandement responsable de la situation effroyable que nous traversons.
LD : Vous partez en tournée au Québec du 12 au 15 décembre avec Alexis Poulin. Quels sont vos objectifs pour cette série de conférences ? Par ailleurs, Alexis Poulin a exprimé son intention de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Envisagez-vous également un engagement politique, que ce soit à ses côtés ou indépendamment ?
NV : Je nourris un grand intérêt pour le Québec et notamment sur sa résistance à sauvegarder la langue française. J’y suis beaucoup allé pour travailler sur la notion d’indépendance et de nationalisme. J’y ai beaucoup d’amis. Je travaille aussi sur la situation là-bas que dénoncent de nombreux amis sur place concernant cette apathie populaire quant à l’effacement de l’identité française remplacée par le wokisme fédéral imposé par Ottawa et Justin Trudeau, l’ami indéfectible d’Emmanuel Macron qui sont animés de la passion de l’effacement et de la terre brûlée. De plus, il y a aussi au Québec une partie de la population qui a relevé la tête notamment pendant la crise sanitaire. Il est nécessaire d’aller à leur rencontre et d’échanger avec eux pour comprendre le mécanisme de la fabrication du consentement qui a été imposé et évoquer également ce sursaut citoyen qui les ont amenés à se réveiller. Nous évoquerons également lors de deux grandes conférences la liberté de la presse, l’avenir des médias et les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression. A noter que pour ceux qui ne seront pas sur place, Libre Media qui organise cette tournée a mis en place une billetterie pour assister à la retransmission de la conférence à Montréal le dimanche 15 décembre à 17H (heure de Paris) (Lien ici : https://t.co/Sk2qZx4bJG )
Enfin, je respecte l’engagement politique d’Alexis ainsi que celui d’autres personnalités qui ont passé le pas. Pour ma part, je n’ai jamais été affilié, encarté dans un parti, même plus jeune, et je suis très attaché à mon rôle de créateur de média indépendant et de journaliste, car c’est dans ce contexte que je me sens le plus utile. Mais je considère que chacun d’entre nous doit employer sa liberté à s’engager de la façon qui lui semble la plus efficace. Et nous aujourd’hui nous avons besoin plus que jamais de personnalités qui sortent du bois et qui se battent pour que la France redevienne la France libre.
À lire aussi : Interview de Nicolas VIDAL : le punch et le putsch !
##NicolasVidal, #LaTempêteQuiVient, #LittératureFrançaise, #EngagementPolitique, #ClassePolitique, #PutschMedia, #DémocratieFrançaise, #LibertéDExpression, #RévolteCitoyenne, #SouverainetéNationale, #UnionEuropéenne, #CrisePolitique, #Mercosur, #CritiqueDesElites, #FranceEnColère, #TrahisonPolitique, #ÉlectionsPrésidentielles, #MédiasIndépendants, #Populisme, #GiletsJaunes, #IdentitéNationale, #MondeMondialiste, #ConférencesQuébec, #LibertéDeLaPresse, #AlexisPoulin, #IndépendanceQuébécoise, #JournalismeLibre, #RésistanceCulturelle, #RéveilCitoyen, #LangueFrançaise