Par Olivier d’Auzon
Le Moyen-Orient traverse une période de bouleversements géopolitiques majeurs. En quelques mois, l’Iran a vu deux de ses piliers stratégiques s’effondrer : la chute du régime de Bachar El-Assad en Syrie et l’affaiblissement militaire du Hezbollah au Liban.
Ces événements représentent un revers historique pour la République islamique, menaçant de briser l’« axe de la résistance » qu’elle avait patiemment tissé au cours des trois dernières décennies. Mais les répercussions de ces bouleversements ne se limitent pas seulement à l’Iran et au Liban. La Russie, qui a joué un rôle clé dans la défense du régime syrien, se retrouve également confrontée à de nouvelles dynamiques géopolitiques.
Une réorganisation géopolitique profonde
Le régime syrien, longtemps vu comme le maillon central du « croissant chiite » – un réseau stratégique reliant Téhéran à Beyrouth via Bagdad et Damas –, s’est effondré sous les coups des forces rebelles soutenues par des puissances extérieures. Après des mois de combats intenses, Bachar El-Assad a fui le pays, laissant un vide stratégique que l’Iran peine à combler. Le Hezbollah, bras armé de l’Iran au Liban, a également subi de lourds revers, notamment à la suite des frappes israéliennes ciblées. Bien que toujours actif, le groupe voit son pouvoir militaire et politique considérablement affaibli, compliquant ainsi la stratégie régionale de Téhéran.
La Syrie : Un point névralgique pour l’Iran et le Liban
Pour l’Iran, la Syrie n’a jamais été simplement un allié, mais un corridor vital permettant d’acheminer des armes et des ressources au Hezbollah. Depuis 2011, Téhéran a déployé des ressources colossales, y compris des milices chiites et une assistance militaire directe, pour maintenir le régime d’Assad en place. La perte de cette route stratégique fragilise non seulement la position de l’Iran, mais aussi celle du Hezbollah, qui voit ses lignes de ravitaillement menacées.
Le Liban, quant à lui, dépendait de ce réseau pour le soutien militaire et logistique au Hezbollah. L’effondrement du régime syrien expose davantage le groupe aux pressions internes et externes, et fragilise ses alliés politiques au Liban, notamment les partis affiliés à l’axe syro-iranien.
Un Liban fragilisé par l’instabilité régionale
La chute de Bachar El-Assad affecte directement la politique libanaise. Le Hezbollah, déjà affaibli par ses revers militaires, pourrait perdre de son influence politique. Des figures clés de l’axe pro-syrien, comme Sleiman Frangié, chef du mouvement des Marada, se retrouvent vulnérables. Frangié, qui avait longtemps utilisé sa proximité avec le régime Assad comme levier pour négocier des dossiers cruciaux pour le Liban, se retrouve sans cet allié stratégique.
L’affaiblissement de la coalition « 8 mars » pourrait redéfinir les alliances politiques internes, exacerbant les tensions communautaires dans un pays déjà profondément divisé. La situation crée une incertitude politique qui pourrait culminer lors de la prochaine élection présidentielle prévue le 9 janvier 2025, un test décisif pour les forces pro-iraniennes et pro-syriennes au Liban.
Les répercussions pour la Russie : Un partenaire isolé ?
La Russie, qui a été un allié clé de la Syrie et de l’Iran dans le soutien au régime d’Assad, se retrouve elle aussi confrontée à des changements géopolitiques majeurs. L’intervention militaire de Moscou en Syrie, lancée en 2015 pour sauver le régime d’Assad, avait permis à la Russie de consolider sa présence militaire dans la région. Mais avec la chute d’Assad, la Russie perd une base d’influence majeure au Moyen-Orient.
Pour Moscou, l’effondrement du régime syrien ne signifie pas seulement la perte d’un allié stratégique. Cela représente également un revers dans ses ambitions d’élargir son influence au Levant, notamment face aux États-Unis et aux puissances sunnites. L’incertitude qui plane sur l’avenir de la Syrie pourrait pousser la Russie à réévaluer ses alliances dans la région. Si l’Iran perd une partie de son influence en Syrie, Moscou pourrait se retrouver isolé, sans ses partenaires habituels pour soutenir ses ambitions régionales.
La Russie, entre soutien à l’Iran et recherche de nouvelles alliances
Alors que la Syrie se trouve dans une position de fragilité géopolitique, la Russie pourrait chercher à rééquilibrer ses relations avec d’autres puissances régionales, y compris les monarchies du Golfe, notamment l’Arabie saoudite. La perte de Bachar El- Assad pourrait inciter la Russie à redéfinir ses priorités au Moyen-Orient, s’orientant vers des alliances avec des acteurs sunnites pour compenser l’affaiblissement de l’axe chiite. Cependant, ce réalignement risque de se heurter aux intérêts conflictuels de la Russie et de l’Iran, partenaires de longue date.
Une recompositions des équilibres régionaux
L’effondrement du régime syrien et l’affaiblissement du Hezbollah ouvrent la voie à une recomposition des alliances. Israël et les puissances sunnites pourraient tirer parti de cette situation pour réduire l’influence de l’Iran au Levant. En parallèle, les groupes rebelles, désormais maîtres de Damas, joueront un rôle clef dans la redéfinition de l’ordre politique en Syrie.
Pour le Liban, ce bouleversement pourrait exacerber les tensions sectaires, en particulier si les soutiens du Hezbollah se retrouvent marginalisés. Les défis économiques et sociaux, exacerbés par la crise des réfugiés syriens, risquent également d’aggraver l’instabilité dans le pays.
La fin de l’Axe Chiite et ses conséquences globales
La chute du régime syrien marque la fin de l’« axe chiite » tel qu’il a été conçu. Pour l’Iran, ce revers soulève des questions sur ses capacités à s’adapter aux nouvelles dynamiques régionales. Le Liban, déjà fragilisé, pourrait être le théâtre de nouvelles tensions internes, alimentées par la fin de l’ère Assad. Quant à la Russie, elle se trouve à un carrefour stratégique, forcée de revoir ses relations avec ses alliés traditionnels, tout en tentant de se redéfinir au Moyen-Orient face à des défis inédits.
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