TRIBUNE – Point de vue sur la politique de Trump

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Stratégie géopolitique américaine
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Jean-François Geneste, 40 ans d’expérience dans les domaines aéronautique espace et défense. Il a été directeur scientifique du groupe EADS, devenu Airbus Group, pendant 10 ans. Il a été professeur au Skolkovo Institute of Science and Technology à Moscou. Il est actuellement le PDG de la startup WARPA qui vient de se voir attribuer un brevet pour son moteur de propulsion spatiale à impulsion spécifique infinie

Tribune libre du Cf2R N°170 / Décembre 2024

Nous parlons ici, bien entendu, de celle à venir et qui est annoncée dans les médias via des déclarations parfois tonitruantes. En voici un florilège rapide :

– Annexion du Canada,

– Annexion du canal de Panama,

– Achat du Groenland[1],

– Imposition aux pays de l’OTAN d’une dépense militaire de 5% de leur PIB[2],

– Condamnation à mort des pédophiles et associés[3],

– Remigration[4].

Bien que ces mesures puissent sembler disparates, elles ont, de notre avis, une cohérence et une signification.

On ne peut pas arriver président des États-Unis sans avoir le soutien de l’État profond, voire même sans en faire partie. Le virage effectué à 180° par le futur locataire de la Maison-Blanche est donc significatif d’une rupture interne, voire d’une guerre entre deux factions radicalement opposées. Mais au-delà de ces rivalités, qu’en est-il du pays et de son positionnement mondial ? Qu’est-ce qui a amené à de telles propositions et dans quel but ? Voici notre analyse.

STRATÉGIE INTERNATIONALE

Dans leur volonté d’expansion perpétuelle, les États-Unis ont fini par trouver un pays qui les a stoppés et il s’agit, bien évidemment, de la Russie lors du conflit ukrainien. Rappelons les paroles idiotes de Bruno Lemaire, alors ministre français des Finances, qui disait que les sanctions allaient mettre son économie à genoux. On ne peut faire cela d’un pays de 17 millions de km² ! Or, la superficie des États-Unis n’est que de 9,6 millions de km². Il faut donc que la grenouille se fasse aussi grosse que le bœuf pour pouvoir rivaliser. Cela tombe bien puisque le Canada fait environ 10 millions de km². De plus, il dispose d’une très grande frontière arctique qui permettrait de rivaliser un peu avec la doctrine russe de développement de la route du nord.

Néanmoins, cela ne suffit pas en la matière, et ce, pour plusieurs raisons. La configuration du plateau continental pour les revendications d’extension n’est pas favorable à l’Amérique. Il faut donc compenser avec le Groenland à 2,2 millions de km² et continuer une politique anglo-saxonne constante depuis maintenant deux siècles, à savoir celle de Mackinder, qui consiste à confiner le Heartland.

Passons au canal de Panama. Le futur président américain tonne que c’est un canal dirigé par les Chinois et que les coûts imposés à son pays sont exorbitants, alors que les États-Unis représentent 70% du trafic. C’est un peu vite oublier le projet qu’avaient les Asiatiques de creuser un canal concurrent à travers le Nicaragua. Mais Donald Trump s’en est déjà occupé[5] en 2018 ! C’est donc une position de monopole qu’il vise, tant commerciale que géostratégique. Le président actuel, Mulino, a eu le courage de s’opposer, verbalement, à cela, mais il ne pourra pas faire grand-chose contre.

On peut voir cette extension vers le Panama comme une provision pour le futur, en vue de l’annexion de tous les pays intermédiaires, à savoir le Mexique, le Guatemala, le Belize, le Honduras, le Salvador, le Nicaragua et le Costa Rica. Cela rajoute environ 2,5 millions de km². Et, bien entendu, avec les ressources potentielles.

Pour revenir à Mackinder, nous avons donc potentiellement en préparation la formation d’une sorte de Heartland concurrent des îles périphériques contre « l’île-monde ». Il ne faut toutefois pas oublier le confinement de l’adversaire et cela passe par l’augmentation substantielle du budget des membres de l’OTAN à 5 % exigés de leur PIB.

Remarquons tout d’abord que mettre l’objectif à ce niveau est indolore pour les États-Unis eux-mêmes compte tenu de la structuration financière mondiale. Il n’en va pas de même des autres. Il y a alors deux possibilités. La première, peu probable, serait un refus et une rupture pour sortir du statut de Rimland et renouer des relations multiséculaires avec la Russie. Le scénario le plus probable, hélas, reste un abaissement supplémentaire dans la vassalité européenne qui ne sera que taxée par l’Empire sans avoir jamais voix au chapitre. Dans ce cadre, le Danemark devrait céder son Groenland sans rechigner et nous verrons donc cela très bientôt. Peut-être cela réveillera-t-il les Européens qui réaliseront enfin la vacuité de leur système politique, mais rien n’est moins sûr.

STRATÉGIE SOCIO-CULTURELLE

Faisons alors le lien de tout cela avec la répression de la criminalité en général et de la pédophilie et du trafic d’enfants en particulier. Sous les administrations démocrates, on a assisté à la montée permanente du wokisme et il est un secret de polichinelle que les élites européennes sont largement compromises dans tout cela, et même bien pis. Les services américains, qui font et défont les gouvernants chez nous, les tiennent tous par ce biais et c’est donc le bâton qui sera utilisé pour faire obéir les récalcitrants. En France, en particulier, où la tradition est de ne pas s’occuper de la vie privée des gouvernants, nous serons une proie et une victime facile, puisque, lors des élections, les candidats ne seront pas passés à ce crible. Bien entendu, l’administration Trump et sa partie de l’État profond utiliseront aussi cet outil pour se débarrasser de leurs rivaux intérieurs. Gageons qu’ils réussiront.

Et nous allons maintenant attaquer la question de la remigration. Elle se fera, car les États-Unis sont un État par nature violent. Et probablement fort peu de compassion sera à l’œuvre. Mais c’est un piège contre l’Europe qui est d’une culture beaucoup plus civilisée et qui ne sera pas capable de faire cela alors que l’immigration massive lui a été imposée par l’Amérique qui cherchait à pallier des déficiences inhérentes à leur structure dite multiculturelle. Ainsi, les États-Unis deviendront un peu plus WASP que ce qu’ils ne sont actuellement, avec un penchant plutôt catholique à l’horizon 2050 grâce à l’immigration « latino », quand l’Europe va s’islamiser au même horizon avec une population exogène que les autorités n’auront pas su assimiler et qui restera donc avec une culture totalement étrangère à celle des racines historiques du continent. Nous aurons donc une divergence entre l’Amérique du Nord qui se recentrera et une Europe qui explosera, avec des populations musulmanes par ailleurs bien plus favorables à la culture anglo-saxonne, voire américaine, qu’à celles de l’Europe.

Nous terminerons ce tour d’horizon en nous focalisant rapidement sur un homme clé du dispositif Trump, dont le rôle est sous-estimé à ce jour : Elon Musk. Il est libertarien. Ce terme ne dit pas grand-chose au quidam européen. Néanmoins, ce qui a caractérisé les États-Unis dès le départ, est bien une liberté d’entreprendre qui n’existait pas ailleurs, et notamment pas dans les systèmes d’anciens régimes européens. Il faut donc voir l’arrivée de Musk comme un retour aux sources d’une Amérique conquérante et qui voudra faire la différence d’avec le reste du monde, via cette liberté recouvrée. Nous ne serons pas étonnés, donc, de voir les trusts de type Google démantelés et la mise en réelle compétition de tous les acteurs. Cela devrait être dévastateur pour la vieille Europe qui, non seulement a abandonné ses racines culturelles et ses traditions d’enseignement de haute volée, mais qui devient, de surcroît, de plus en plus, une sorte « d’UERSS », suradministrée par une caste aux ordres de Washington qui la tient par sa compromission et sa corruption, et qui veillera à ce que les esprits qui, naguère, créèrent le monde d’aujourd’hui, soient camisolés et ne sortent pas des limites de l’enclos dessiné par ceux qui ne sont, mentalement parlant et en moyenne, que des cowboys même pas dégrossis.

Make America Great Again ! Voilà le prix que nous allons payer ! Merci Ursula, Emmanuel, Olaf, Georgia et consorts ! A n’en pas douter, les prochaines guerres de l’Empire, se passeront comme suit : le peuple européen sera écrasé d’impôts pour acheter des armes américaines et fournira la chair à canon ! Au nom des valeurs ! Il ne fait nul doute que cela amplifiera encore le besoin en immigration qui coulera à grands flots pour des promesses de jours meilleurs qui n’engageront que ceux qui les écoutent, selon le bon mot de feu Jacques Chirac.

Chacun constatera la cohérence qui se cache derrière un discours soi-disant populiste. Décidément, en Europe, nous n’avons pas d’élites ou, tout au moins, ceux qui devraient en faire partie n’ont pas accès au pouvoir. C’est peut-être cela qu’il faut changer en priorité.


[1] https://www.lecho.be/economie-politique/international/usa/pourquoi-donald-trump-menace-le-panama-le-canada-et-le-groenland/10580333.html

[2] https://legrandcontinent.eu/fr/2024/12/20/trump-veut-que-les-europeens-consacrent-5-de-leur-pib-a-la-defense-cela-representerait-un-effort-supplementaire-de-544-milliards-deuros/

[3] https://www.rfi.fr/fr/en-bref/20241224-usa-donald-trump-veut-faire-appliquer-la-peine-de-mort-pour-les-violeurs-et-les-meurtriers

[4] https://www.humanite.fr/monde/donald-trump/expulsions-de-familles-entieres-fin-du-droit-du-sol-centres-daccueil-a-linternational-donald-trump-detaille-son-programme-xenophobe-contre-limmigration

[5] En 2018, à la suite d’une réforme de la Sécurité sociale, des manifestations quotidiennes sont réprimées. Des barricades sont organisées et les affrontements avec la police font en quelques mois entre 200 et 300 morts. En novembre 2018, Donald Trump signe un « ordre exécutif » déclarant le gouvernement du Nicaragua « menace pour la sécurité nationale » des États-Unis. En décembre, il approuve le « Nicaraguan Investment Conditionality Act », qui autorise des sanctions contre le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) et permet de restreindre l’accès du Nicaragua aux prêts internationaux.

À lire aussi : Ferdinand de Lesseps : le constructeur du canal de Suez


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