HISTOIRE – La politique étrangère du royaume de France, de sa naissance (987) à la Révolution française (1789) – PARTIE 1

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politique étrangère du royaume de France
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Michel Leblay

Vieille d’un millénaire, héritière des civilisations méditerranéennes, grecque et romaine, chrétienne par cette dernière, nourrie aussi par les invasions de peuples venus de l’est et du nord de l’Europe, qui s’assimilèrent pleinement, la France a vécu huit siècles sous un régime monarchique qui l’a façonnée et l’a amenée à ses sommets. Elle est née d’un partage de l’empire carolingien à partir duquel se constituèrent deux espaces culturels et politiques dont la rivalité domina une grande part de l’histoire de l’Europe et qui aboutit aux cataclysmes du XXème siècle. Au XXIème siècle, force est de constater, malgré les entreprises de rapprochement et de réconciliation, qu’une opposition demeure, attestant que les nations et les cultures ne sauraient se fondre.

Les bouleversements intervenus dans l’ordre politique et social durant ces huit siècles d’histoire obligent à distinguer deux grandes périodes :

  • Le Moyen Age tout au long duquel l’État va développer progressivement une emprise en s’imposant face à la structure féodale laissant ainsi émerger l’idée de peuple et de nation (PARTIE 1) ;
  • Les Temps modernes où les concepts de relations internationales et de politique de puissance prennent toute leur réalité (PARTIE 2)

I La politique extérieure du royaume de France au Moyen Age

L’idée d’Etat national, que l’on peut définir comme un espace territorial tendant à l’unité culturelle et politique, émerge aux alentours du VIème siècle, dans l’Espagne wisigothique, sur les ruines de l’Empire romain d’Occident[1]. Plusieurs siècles seront encore nécessaires avant que n’émerge le royaume de France. Il était l’une des composantes de cet ensemble parcellisé formant la carte politique d’une Europe catholique et qui s’étendait à l’origine de l’Elbe à l’Atlantique et des rives Sud de la Baltique à la Méditerranée.

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A la pointe sud de l’Europe, bordant la Méditerranée et l’Atlantique, la péninsule ibérique subissait au VIIIème siècle, dès 711, le joug d’un envahisseur musulman arabo-berbère. La population chrétienne qui fuit ce joug se réfugia dans le royaume des Asturies, au Nord. A partir de ce territoire débuta la Reconquista qui s’acheva en 1492.

A l’Est, l’Empire romain germanique, politiquement rassemblé à partir du Xème siècle sous l’appellation de Saint-Empire romain germanique, entama au XIIème siècle une marche de conquêtes vers l’Est, au-delà de l’Oder : le Drang nach Osten.

Dans l’espace politique européen qui s’était progressivement constitué au Haut Moyen-Age, la création du royaume de France trouve son originedans les serments de Strasbourg, prononcés le 14 février 842, par Charles le Chauve et Louis le Germanique, deux fils de Louis le Pieux, lui-même fils de Charlemagne. Charles et Louis formèrent une alliance contre leur frère aîné, Lothaire 1er, afin de se partager l’Empire carolingien. Les textes racontent que Louis le Germanique s’exprima alors en langue romane à l’adresse des soldats de Charles le Chauve, tandis que ce dernier utilisait la langue tudesque pour s’adresser à la troupe de son frère. Dans cette circonstance précise, avec l’usage de ces deux langues, s’affirma ainsi l’existence de deux univers culturels différents.

Il s’écoulera près d’un siècle et demi avant qu’Hugues Capet ne soit élu, en 987, roi des Francs, fondant ainsi la dynastie capétienne. Mais, jusqu’à Philippe-Auguste, la désignation du monarque resta formellement élective. Néanmoins, la succession sur le trône revenait systématiquement au fils aîné.

A la fin du premier millénaire, l’Europe carolingienne subit à l’Ouest l’invasion de tribus scandinaves appelées Vikings. Ces Vikings s’emparèrent de l’Angleterre où ils y constituèrent un royaume.

C’est alors qu’apparaît peu à peu le système féodal, organisation due à un ensemble de facteurs, dont le premier d’entre eux tient à l’absence d’un pouvoir central capable d’asseoir son autorité et d’assurer la défense du territoire. Le système reposait sur des liens vassaliques qui limitaient l’autorité du suzerain et donc du premier d’entre eux, le roi de France. Celui-ci, décidé à imposer et à étendre son pouvoir recourut pour se faire à la force mais aussi à des jeux d’alliances, d’héritages, d’achats et de distributions d’apanages. La diplomatie, sans s’inscrire dans une organisation formelle, occupa ainsi une place essentielle dans la conduite des rapports féodaux marqués, bien sûr, par l’usage de la violence.

Un long moment de l’Histoire de France, cinq siècles exactement, commence avec l’avènement de la dynastie capétienne. Il s’achève sous le règne de Louis XI, au cours duquel s’estompent dans le pays les ultimes spécificités propres au Moyen Age, avant que ne débutent, sous la conduite de Charles VIII, les campagnes d’Italie. Celles-ci auront, entre autres, une incidence majeure sur l’art en France. En effet, ces événements vont infléchir le style spécifiquement français de ce que l’on a appelé la “Première Renaissance française” dans le sens d’une expression nettement plus « italianisante ».

 Au fil d’une mutation très profonde de la société et de son organisation politique, le Royaume de France trouvait ainsi une assise, tandis que se formait progressivement ce que l’on peut nommer un Etat moderne. Ce mouvement d’ensemble, qui allait ouvrir la voie à la grandeur du pays, fut ponctué d’aléas et de crises, suivis de la guerre dramatique de Cent ans qui devait menacer l’existence même du pays.

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Usant d’habileté, ou recourant à la contrainte, négociant avec ses ennemis, ou les forçant par les armes, tout en réformant les institutions, le roi de France, « qui ne doit tenir de nul », selon la théorie de l’abbé Suger[2], eut pour but d’étendre l’assise géographique de son royaume, en même temps que d’y imprimer son autorité.

Mais, dans ce Moyen Age profondément imprégné de foi religieuse, les monarques se heurtaient, dans l’exercice de leur souveraineté, à la volonté du Pape qui voulait soumettre l’autorité temporelle à l’autorité spirituelle. Le roi de France “légitimé” par le droit divin, s’attacha à maintenir sans cesse sa suprématie politique, et lorsque le conflit éclata, en 1303, sous le règne de Philippe le Bel, celui-ci déterminé et bien conseillé, l’emporta, car il considérait qu’il ne pouvait être que l’unique détenteur du pouvoir dans son royaume.  

Qui plus est, la France dut affronter l’une des plus dures épreuves de son Histoire, la guerre de Cent ans, qui l’opposa à l’Angleterre dans une confrontation où son existence même comme Etat indépendant pouvait être remise en cause.

A deux reprises au moins, le pays faillit sombrer : à la suite du désastre de Poitiers (1536) et la captivité de Jean le Bon ; avec la folie de Charles VI et ses conséquences. Charles V et Charles VII, les fils et successeurs respectifs de ces deux souverains, surent par leur habileté, leur intelligence de la situation, leur sens de la négociation, redresser, ces deux fois, le pays de façon inespérée. S’agissant de Charles VII, c’est d’abord à Jeanne d’Arc qu’il doit le rétablissement.

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L’expansion du domaine royal

A l’origine, la dynastie capétienne disposait d’un domaine territorial fort réduit, en gros l’Ile de France. Il se situait dans l’espace formé par la Francie occidentale dont avait hérité Charles le Chauve. Les Capétiens comme les Valois-Orléans qui leur succédèrent étendirent, au fil des années, leur pouvoir et leurs possessions, dont la surface, à la fin du XVème siècle, confinait aux frontières naturelles du pays.

C’est avec Louis VI le Gros (1081-1137) que la monarchie prend son essor par l’affirmation, d’abord à l’intérieur du domaine royal du pouvoir du souverain, au détriment des pouvoirs féodaux. Louis VI s’appuya dans son entreprise, quand il y trouvait son intérêt, sur l’émergence des communes comme centres politiques, en leur octroyant le droit de s’administrer elles-mêmes sous l’autorité d’un maire. Dans cette organisation communale, il veilla, comme le souligne Jacques Bainville, à contrôler tout dérapage de l’autonomie communale, à l’inverse de ce que l’on pouvait observer « en Flandre, en Allemagne, en Italie ». 

Jusqu’à la fin du règne de Louis XI, onze souverains devaient succéder à Louis VI, qui marquèrent leur mainmise territoriale au travers d’avancées et de replis successifs, en rattachant en fin de compte à la France, la Picardie, la Champagne, le Duché de Bourgogne, le Dauphiné, la Provence, le Languedoc, la Guyenne, l’Anjou, le Maine et la Normandie ; l’union de la Bretagne et de la France devait se faire par le mariage d’Anne de Bretagne et de Charles VIII en 1532.  

En ces temps où la domination politique était encore mal assurée, le fondement de l’autorité tenait aux qualités personnelles du monarque. Force est de constater, qu’à l’exception du règne de Charles VI, dont les conséquences furent dramatiques, la monarchie a permis d’élever la France en un Etat unifié, qui se plaça au premier rang des puissances européennes. Jusqu’au XVIIIème siècle, en effet, elle ne connut d’égal en puissance que l’Empire des Habsbourg, celui-ci toutefois étant parcellisé.

L’affermissement et l’expansion du pouvoir royal par le recours aux armes furent ponctués de victoires mémorables. Sans évoquer la guerre de Cent ans, on peut citer la plus célèbre des victoires, celle de Philippe-Auguste à Bouvines, le 27 juillet 1214, contre la coalition des armées de Jean Sans Terre et d’Othon II de Brunswick.  Mais il y eut aussi celle de la Roche-aux-Moines, qui précéda Bouvines de vingt-cinq jours ; enfin le siège de la Rochelle sous Louis VIII avec Taillebourg, victoire remportée par le futur Louis IX.

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Ces affrontements armés n’empêchèrent pas l’action politique de tenir une place non moins déterminante, faite d’alliances matrimoniales, d’héritages, d’acquisitions, de revendications juridiques… Mariages et successions constituaient des moyens importants dans le jeu complexe des pouvoirs au sein de la société féodale fondée sur le fief et les rapports de vassaux à suzerains. Le roi se situait au sommet de cet enchevêtrement. Il attribuait régulièrement des apanages à ses fils puinés. Cette pratique devait à l’origine compenser, vis-à-vis des cadets, la dévolution héréditaire de la couronne au fils aîné, au contraire de la règle du partage des terres royales aux époques mérovingiennes et carolingiennes.

Si ces constructions politiques permirent d’accroître progressivement les possessions royales, il n’en reste pas moins vrai, qu’elles n’allèrent pas sans aléas et sans retournements, ceux-ci brisant des avancées, ou provoquant les causes d’un nouveau conflit.

Les comtés d’Artois, d’Amiens, d’Alençon, du Perche, entre autres, furent ainsi réunis à la couronne par des mariages ou des héritages.

En démonstration des difficultés qui peuvent résulter de ce genre de situations, l’on peut citer le rattachement du comté de Provence au royaume qui n’intervint qu’en 1482 sous Louis XI. L’une des quatre filles de Raymond-Berenger IV, Marguerite, avait épousé Louis IX en 1234. Sa sœur, héritière du comté de Provence épousa Charles d’Anjou, frère de Saint Louis et futur roi de Naples. A l’extinction, par la mort de la reine Jeanne en 1382, de cette première maison capétienne d’Anjou, le comté revint à la dynastie royale, car Jeanne avait adopté le second fils de Jean Le Bon, Louis 1er d’Anjou. Finalement, c’est Charles III du Maine qui, à sa mort en décembre 1481, légua au royaume le comté de Provence, amputé entre-temps de la viguerie de Nice.

Il faut évoquer aussi le rattachement du comté de Toulouse par lequel Philippe Auguste eut l’occasion de montrer toute son habileté. Face à l’hérésie albigeoise, comme le fait remarquer Jacques Bainville, le roi n’intervint pas directement dans la répression, et laissa Simon de Montfort conduire la croisade avec l’appui du Pape. A l’issue de cette expédition, et après l’amputation du comté de Toulouse, la province de l’Albigeois fut annexée au royaume, tandis que le Pape obtenait le Marquisat de Provence. Mais à la mort de Raymond VII de Toulouse, le reste du comté échut au domaine royal.

Il va sans dire que la séparation d’Aliénor d’Aquitaine et de Louis VII fut d’un effet désastreux. Par son mariage, Aliénor apportait au royaume le duché d’Aquitaine, vaste ensemble territorial comprenant une partie du Sud-Ouest et du centre de la France. Mais la mésentente entre les époux ayant conduit à une séparation, Aliénor épousa en secondes noces Henri II d’Angleterre, premier roi Plantagenêt, héritier des comtés d’Anjou, du Maine et de Touraine, et du duché de Normandie. Cela représentait un bouleversement profond du rapport des forces entre les rois de France et ses homologues anglais, qui sera à l’origine de la guerre de Cent ans.

S’agissant de celle-ci, remarquons que l’apanage n’était pas sans menace. En témoigne, l’histoire du duché de Bourgogne, que Jean le Bon avait remis à son frère Philippe le Hardi ; le petit-fils de ce dernier, Philippe le Bon, après l’assassinat de son père, Jean sans Peur, contractera une alliance avec les Anglais. Quoi qu’il en soit, ce n’est qu’après la mort de Charles le Téméraire[3], que le duché de Bourgogne reviendra dans le giron du royaume de France.

Parmi les acquisitions, la plus marquante fut probablement celle du Dauphiné, terre d’Empire. Elle se fit par le seul moyen de la négociation. Les tractations, auxquelles participa le Pape durèrent sept ans. Elles débutèrent sous Philippe VI et s’achevèrent avec Jean le Bon. Réunie au royaume, la province du Dauphiné, tout en conservant son autonomie, aura, dorénavant, l’héritier du trône pour seigneur. De cette conception de la souveraineté va émerger l’appellation de “dauphin”, qui qualifiera désormais l’héritier royal.

Le droit a eu également sa place comme élément de coercition, et de la même façon comme facteur d’unité juridique. Dans le premier cas, il s’agissait de la confiscation des biens, dénommée encore « commise du fief ». Philippe Auguste en fut l’initiateur, qui l’utilisa contre Jean-sans-Terre en prétextant de sa part un comportement qu’il qualifia de “criminel”, car celui-ci s’était emparé du duché de Normandie et des provinces de Touraine, d’Anjou et de Saintonge.

Qui plus est, Saint-Louis, en instituant pour tous les sujets du royaume, la possibilité de faire appel d’une décision devant la justice du roi, créait ainsi un ordre judiciaire coiffé par le Parlement de Paris. Cet acte souverain devait constituer une étape importante vers la cohésion de tous les territoires dépendants de la couronne.

Le Pape et le Souverain

Au Moyen-Age, le Pape, évêque de Rome, symbole de l’Empire romain disparu, qui avait amené les barbares à la conversion religieuse, chef d’une Eglise qui sut maintenir la civilisation face à l’effondrement politique, voulut marquer sa prépondérance vis-à-vis des souverains temporels. Cela entraina la querelle dite “des investitures” avec l’Empereur germanique, Henri IV, qui fut contraint par le Pape, en 1077, d’aller faire pénitence à Canossa.

Bien que très chrétiens, les rois de France ne se subordonnèrent à aucun moment à l’Eglise, car ils avaient toujours à cœur de donner priorité aux intérêts du royaume. Comme le souligne Jacques Bainville : « la piété, la sainteté même de Louis IX, le rendaient plus indépendant qu’un autre dans ses relations avec l’Eglise, parce qu’il était insoupçonnable du point de vue de la foi ».

Le différend entre l’Eglise et le roi de France se fit jour à l’époque de Philippe le Bel. Car celui-ci, dans son besoin d’accroître ses recettes fiscales, décida de soumettre à l’impôt les biens de l’Eglise, sis dans le royaume. Boniface VIII, après y avoir consenti dans un premier temps, édicta en 1302 une bulle, Unam Sanctam, par laquelle il affirma la suprématie du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel. Cette bulle, probablement inspirée par Gilles de Rome, procède, pour une partie, de l’interprétation de la pensée de Saint-Augustin dans la Cité de Dieu, que Monseigneur Arquillière[4] qualifiera en 1934 “d’augustinisme politique”.

Le roi de France, fort de l’appui de son peuple et du soutien des ecclésiastiques, riposta par l’arrestation du Pape à Anagni, le 7 septembre 1303. Boniface VIII, qui fut souffleté à cette occasion, mourut un mois plus tard.

Les légistes du roi, prolongeant alors l’argument précédent tiré d’une décrétale d’Innocent III, datée de 1202, qui stipulait : « le roi de France ne reconnaît absolument pas de supérieur au temporel », proclamèrent derechef que « le roi est empereur en son royaume ». Le principe de souveraineté étant ainsi posé, le roi devenait ainsi l’égal de l’Empereur germanique, non seulement vis-à-vis du Pape mais au sein de l’Europe chrétienne dans sa totalité.

La guerre de Cent ans

Epoque de bouleversements de l’ordre politique et social, la guerre de Cent ans, au-delà de ses péripéties militaires, va marquer l’affermissement des souverainetés, comme aussi le passage à une forme primitive d’organisation des services diplomatiques, favorisée par la réunion de négociateurs et de juristes.

A propos des liens entre le diplomate et le juriste, il est possible de citer deux textes que l’on peut considérer comme des documents de référence : le Songe du Vergier et le Songe du Vieil Pelerin. Le premier, datant environ de 1376 ou 1378, couvrant un ensemble de questions a probablement été écrit par Evrart de Trémaugnon, évêque et conseiller du roi Charles V.

Usant du prétexte d’une discussion entre « un clerc et un chevalier », l’auteur du Songe du Vergier plaide en fait pour l’indépendance du pouvoir temporel face à l’emprise théocratique de Rome. De cette discussion écrite, s’ensuivit la reconnaissance de la pluralité des royaumes souverains au sein de l’Europe chrétienne. Il devenait évident que cette reconnaissance d’une souveraineté d’ordre national, ne pouvait en conséquence qu’affecter les relations politiques à l’intérieur de la société féodale. Et il va sans dire par conséquent, que le roi de France pouvait de ce fait exiger « hommage, ressort et souveraineté » du roi d’Angleterre en son fief de Guyenne.

Philippe de Mézières, éducateur et conseiller de Charles VI, prôna au travers de son ouvrage, le Songe du Vieil Pelerin, la constitution d’un réseau diplomatique constitué de messagers auprès de souverains européens d’une part, et de ceux de Turquie et d’Egypte en Méditerranée orientale, d’autre part. Déjà le roi de France s’entourait d’experts choisis, négociateurs et juristes, pour son action extérieure. On comprend dès lors que la compétence prévalait sur le rang.

Pour en revenir à la guerre de Cent ans, qui fut jalonnée de batailles, dont les récits ont retenu plus souvent les défaites de la France que ces victoires (Formigny, Castillon), finalement décisives pour l’issue du conflit, elle a été à l’origine de plusieurs traités et de trêves exigeant des négociations difficiles et complexes.

Parmi ces traités, le plus funeste pour les conséquences qu’il aurait pu avoir sans l’irruption de Jeanne d’Arc fut celui de Troyes, le 21 mai 1420, qui laissait, à la mort de Charles VI, la couronne de France à Henri V d’Angleterre. 

Figure aussi dans ces actes diplomatiques, le traité d’Arras (20 septembre 1435), conclu à l’issue de ce que l’on pourrait qualifier de “première conférence européenne”. Elle fut réunie afin de mettre un terme à la guerre que se menaient Armagnacs et Bourguignons. Pour faire cesser cette guerre civile, on réunit, outre les représentants du roi de France et du duc de Bourgogne, des émissaires de la papauté, l’Empereur germanique, notamment, avec des envoyés des rois de Pologne, de Castille, d’Aragon.

Ces accords qui permirent de rétablir la position de la France et l’autorité royale sous Charles V et Charles VII, exigeaient une remarquable habileté diplomatique dans un contexte où l’adversité surgissait de toutes parts. Il y avait l’Anglais, bien sûr, le Bourguignon, ainsi que les bourgeois de Paris et encore d’autres difficultés. Mais les rois, bien conseillés, en les divisant, surent réduire leurs adversaires. Ce qui favorisa le réveil d’un sentiment national, qui s’avéra être le contrecoup de loin le plus important.

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Ces observations sur les grands traits de ce qui pourrait être qualifié de nos jours comme la politique extérieure du Royaume de France, ne comportent aucune référence aux Croisades. Certes, celles-ci constituèrent un évènement majeur de cette période. Et il va sans dire que les rois de France y prirent une part essentielle. Mentionnons en passant que Saint-Louis mourut lors de sa deuxième Croisade, la huitième menée dans l’ordre de ce type d’expéditions. Mais pour autant, ces Croisades ne marquèrent pas la singularité de l’action extérieure du monarque français.

Tous les souverains de l’Europe chrétienne romaine en effet se joignirent à cette entreprise. Ils purent y montrer des attitudes personnelles, y poursuivre des rivalités, telle celle de Philippe Auguste et de Richard Cœur de Lion.

Mais si les Croisades n’eurent pas de poids déterminant sur l’avenir historique du royaume de France, on peut cependant remarquer que la participation des grands féodaux à ces conquêtes lointaines qui les éloignaient de la terre de France, ont grandement facilité la mainmise du pouvoir sur le royaume par les monarques de ce temps-là.

La suite la semaine prochaine…


[1] Voir, notamment, Des Goths à la nation Gothique – Les origines de l’idée de nation en Occident du Ve au VIIe siècle – Suzanne Teillet – Editions Les Belles Lettres.

[2] Abbé de Saint-Denis, Suger fut le conseiller des rois Louis VI et Louis VII.

[3] Le comté de Bourgogne (Franche-Comté), les duchés de Luxembourg et de Brabant et les comtés de Flandre et de Hainaut reviendront aux Habsbourg.

[4] Mgr Arquillière définit l’augustinisme politique dans un ouvrage publié en 1934 intitulé : « L’augustinisme politique, essai sur la formation des théories politiques au Moyen Age.»


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