
Par Julien Aubert
Les États-Unis et la Russie ont donc décidé de négocier le sort de l’Ukraine en tête à tête. C’est moralement révoltant, juridiquement illégal, mais géopolitiquement révélateur.
Beaucoup d’analystes croient par conséquent revivre le partage de Yalta, comme par exemple Pierre Haski dans Le Nouvel Obs ou Patrick Forestier dans le Telegramme. En effet, en 1945, les futurs vainqueurs de la guerre s’étaient réunis pour tracer les contours du nouveau système international et les frontières de l’Europe, alors que l’Allemagne nazie s’apprêtait à être vaincue. On se souvient que c’est sur une nappe de papier que Staline et Churchill décidèrent du partage de l’Europe de l’Est, les occidentaux s’illusionnant sur la promesse d’installation de démocraties « populaires ».
La comparaison ne va cependant pas très loin. À Yalta, chaque puissance avait des objectifs de nature très différentes : l’Amérique cherchait à arracher à Staline la promesse d’une participation au système des Nations-Unies. La Russie, elle, voulait qu’on reconnaisse son glacis. Yalta a tenu plus du troc entre vision idéaliste et vision réaliste qu’une négociation.
Trump n’a aucune volonté de construction d’un ordre nouveau, juste la volonté de se débarrasser d’un problème coûteux. Sa logique court-termiste le conduit simplement à déconstruire le système rooseveltien.
Voilà pourquoi d’autres analystes agitent plutôt le spectre des accords de Munich, comme le fait Jérôme Pellistrandi dans la revue de La Défense nationale : « Février 2025 évoque Munich 1938, où les Européens cédèrent à Hitler. ». Zelensky est comparé au malheureux président tchèque Edvard Benes.
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Il vaudrait mieux agiter le spectre du pacte Molotov-Ribbentrop, signé à Moscou. Deux puissances révisionnistes, profondément ennemies sur le fond, se réuniraient dans le dos de l’Europe pour se partager un pays souverain. L’Ukraine serait devenue ainsi la Pologne moderne.
Munich ou Moscou, le tableau cadre déjà un peu plus. Trump, en réclamant l’annexion du Groënland ou du Canada, fait penser aux rhétoriques d’espace vital ou d’Anschluss qui avaient cours dans les années 30 en Allemagne ou au Japon. Néanmoins, la comparaison s’arrête là. Il n’y a aucune idéologie racialiste dans l’analyse de Trump : il ne s’agit pas de réunir tout le peuple anglophone ou anglo-américain. Sa logique est purement mercantile, c’est à dire qu’il utilise ses excès pour obtenir des concessions des pays concernés.
Poutine, pour sa part, se situe dans la droite ligne d’une pensée russe qui a toujours associé la conquête de l’espace à la puissance et à la sécurité. Cependant, il n’est pas comme Staline dans une stratégie défensive mais impériale.
Voilà pourquoi, il conviendrait mieux de désintoxiquer l’analyse des comparaisons idéologiques et de regarder un précédent historique plus neutre : la conférence de Berlin de 1885. Réunie pour fixer le sort du Congo, convoité par la France et la Belgique, cette conférence va servir de prétexte â un partage colonial du continent africain. Quatorze puissances participent à l’invitation de l’Allemagne à une conférence destinée à fixer les règles d’installation coloniale en Afrique. Les peuples et les rois africains sont évidemment tenus à l’écart de toutes les discussions.
Exactement comme l’Europe peste de ne pas être conviée aux négociations russo-américaines de partage de l’Ukraine et plus si affinités. Il faut juste y voir la reconnaissance d’un déclin lent qui ravale les puissances européennes au rang de rois locaux. Le problème est que les nations européennes, excepté la France – et encore – ont intériorisé cette soumission volontaire. Ils ont une mentalité de colonisés.
La décolonisation européenne débutera donc par une prise de conscience de ce piège mental dans lequel les dirigeants européens se sont enfermés depuis 1990. En claquant la porte de l’OTAN par exemple.
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