ANALYSE – L’Afrique dans l’ombre du conflit Iran-Israël

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Conflit Iran Israël en Afrique
RéalisationLe Lab Le Diplo

Olivier d’Auzon

Le soleil brûlant de Djibouti frappe les quais du port, où des dockers observent à distance le ballet silencieux des navires de guerre occidentaux. Depuis plusieurs semaines, les bâtiments de la marine américaine et britannique croisent en Mer Rouge, réponse à la menace croissante des Houthis, ces combattants yéménites armés et financés, selon Washington, par l’Iran. Une guerre lointaine, pensent certains. Mais à y regarder de plus près, l’Afrique se retrouve bel et bien prise dans l’engrenage du conflit entre l’Iran et Israël.

Le professeur Ali Mahfouz, politologue à l’Université de Nairobi, esquisse un constat sans appel : « Ce qui se joue au Moyen-Orient ne peut être dissocié des dynamiques africaines. Israël et l’Iran se livrent une guerre silencieuse sur notre continent, à travers les alliances, les financements occultes et la stratégie du chaos. »

Quand l’Afrique devient un terrain de manœuvre

Depuis des années, Téhéran et Tel-Aviv s’affrontent à distance. L’un arme des milices chiites et finance des réseaux clandestins, l’autre noue des alliances stratégiques et développe des coopérations militaires. Mais la guerre de Gaza, déclenchée après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, a bouleversé la donne. L’onde de choc a traversé la Méditerranée, atteignant le Sahel, la Corne de l’Afrique, et même l’Afrique de l’Ouest.

À Johannesburg, la rue vibre au rythme des manifestations propalestiniennes. L’Afrique du Sud, qui a saisi la Cour internationale de justice contre Israël, mène la fronde diplomatique. À l’opposé, le Maroc renforce ses liens avec l’État hébreu, entérinant la normalisation amorcée par les Accords d’Abraham. L’Afrique se divise, oscillant entre solidarité historique avec la Palestine et pragmatisme diplomatique.

Mais l’influence iranienne ne se limite pas à la diplomatie. À Dakar, à Cotonou ou à Abidjan, des cellules affiliées au Hezbollah prospèrent dans les zones grises du commerce et des transferts financiers. « Depuis des années, l’Iran tisse sa toile en Afrique de l’Ouest », explique un ancien officier de renseignement français. « Il finance des écoles coraniques, investit dans des entreprises locales et construit des mosquées chiites. »

Mer Rouge : une Ligne de front invisible

Sur les quais de Port-Soudan, l’inquiétude monte. « Les attaques des Houthis bouleversent nos routes commerciales », confie un armateur égyptien. Depuis décembre 2023, les insurgés yéménites multiplient les assauts contre les cargos en transit, officiellement en soutien à Gaza, mais surtout dans le cadre du bras de fer entre l’Iran et l’Occident. L’impact est immédiat : les coûts d’assurance flambent, les retards s’accumulent, et certaines compagnies maritimes préfèrent contourner l’Afrique par le Cap de Bonne-Espérance, rallongeant leurs trajets de plusieurs semaines.

Face à cette menace, Israël réagit. L’État hébreu, qui collabore déjà avec plusieurs pays d’Afrique de l’Est en matière de cybersécurité et de surveillance, renforce sa coopération militaire avec le Kenya et l’Éthiopie. « Israël a depuis longtemps compris l’importance de l’Afrique », souligne un rapport du Centre d’études stratégiques de Tel-Aviv. « Il s’agit d’un continent clé pour la sécurité de ses approvisionnements et pour contrer l’influence iranienne. »

L’Afrique au cœur d’une guerre silencieuse

À Bamako, un officier malien, sous couvert d’anonymat, résume la situation d’une phrase : « Nous sommes les pions d’un jeu qui nous dépasse. » La guerre de l’ombre se joue loin des projecteurs, dans les échanges discrets entre diplomates, dans les transferts de fonds vers des groupes armés, dans les corridors du Sahel où se croisent trafiquants et idéologues.

Car l’Iran ne se contente pas d’un affrontement militaire et idéologique. Il investit le champ du discours, cultivant un anti-impérialisme qui séduit une partie des élites africaines. « Téhéran joue habilement la carte de la résistance face à l’Occident », analyse Mahamat Souleymane, chercheur tchadien en relations internationales. « Dans certains pays où la défiance envers la France et les États-Unis grandit, ce discours trouve un écho. »

À mesure que le conflit entre Israël et l’Iran s’intensifie, l’Afrique se retrouve face à un choix : rester spectatrice, au risque d’être instrumentalisée, ou tenter d’affirmer une autonomie stratégique. Mais dans un monde où les alliances se nouent et se dénouent au gré des intérêts, la neutralité est un luxe que peu de nations africaines peuvent encore se permettre.

À lire aussi : ANALYSE – Turquie, Azerbaïdjan, Israël : Le triangle pétrolier et la pression sur l’Iran


Sources :

  • Journal of Central and Eastern European African Studies, 2024
  • Centre d’études stratégiques de Tel-Aviv
  • Témoignages recueillis auprès de chercheurs et d’analystes africains et européens

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