Rentrée politique : Le grand entretien du Diplomate avec Julien Aubert

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Rentrée politique

A l’occasion de la rentrée politique et des universités d’été d’Oser La France qui se tiendront le 28 septembre prochain à Avignon, Le Diplomate revient avec son président, Julien Aubert, ancien député de Vaucluse, vice-président des Républicains et chroniqueur pour Le Diplomate, sur la situation politique française qui a été paralysée durant plus d’un mois depuis les dernières législatives et également sur la récente nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre

Propos recueillis par Angélique Bouchard

Le Diplomate : Comme à chaque rentrée politique, votre mouvement Oser la France va tenir ses universités d’été. Cette année elles se tiendront à Avignon le 28 septembre prochain et son thème sera « Les territoires oubliés de la République ». Pourquoi avoir choisi ce sujet ? Et comment avez-vous choisi vos intervenants ?

Julien Aubert : Ce thème nous a semblé s’imposer de lui-même et originellement a été proposé par mon vice-président en charge du comité scientifique, Jean-Philippe Mallé, ancien député PS des Yvelines. Tout le monde peut constater un mal-être républicain et national sur l’avenir de notre pays. Nous avons souhaité aborder quatre sous-thèmes se rattachant à cettegrande peur de la disparition qui donne le vertige à une grande partie de la population.

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Le premier concerne les territoires victimes de la disparition de l’état de droit, avec le sentiment que la République les oublie ou les passe par pertes et profits. Pour parler de ce qu’on appelle pudiquement « les quartiers », nous avons invité le général des banlieues, Emmanuel de Richoufftz qui porte depuis vingt ans un projet de redressement de l’ordre républicain dans les banlieues, une ancienne élue venue d’une gauche républicaine, Zohra Bitan, mais aussi le sénateur LR qui pilote la commission sénatoriale sur le narcotrafic, Etienne Blanc ou encore un représentant du syndicat Alliance 93.

Le second thème s’attaque à un sujet souvent mélangé avec le premier mais qui pourtant ne se recoupe pas forcément spatialement ou en termes d’enjeux : la dynamique communautaire. La France des ghettos, c’est celle qui rompt aussi la promesse de transmission d’une civilisation et d’une approche de la citoyenneté. Animée par un élu de Toulouse confronté au problème, Olivier Arsac, nous aurons Michel Aubouin, ancien préfet et auteur d’un rapport accablant sur le logement social et la manière dont il entretient le fait communautaire. En face de lui, Jean-Louis Borloo, emblématique ministre de la politique de la ville, si souvent décriée, et deux personnes venues de la Gauche mais réalistes sur le risque communautaire : François Pupponi, élu de Sarcelles où juifs et musulmans cohabitent avec difficulté, et Céline Pina, connue pour ses positions contre l’islamisme. Enfin, Karim Zeribi, ancien élu écologiste mais aussi président du conseil de la diaspora algérienne expliquera comment sa démarche s’articule (ou pas) avec la promesse républicaine.

L’après-midi, nous passerons à une autre France délaissée et oubliée, la France rurale et périphérique. Pendant que ghettos et banlieues font la Une des journaux, cette France se sent marginalisée. Pour parler de service public, de pouvoir d’achat, d’agriculture, nous aurons le spécialiste LR de l’agriculture au Sénat, Laurent Duplomb, la nouvelle député européenne Céline Imart, le maire de Beziers Robert Ménard et enfin, Matthieu Bloch, nouveau député du Doubs qui est membre d’Oser la France et siège avec Eric Ciotti.

Enfin, nous irons à l’autre bout du spectre territorial pour parler des ces territoires plus ou moins lointains qui parlent d’autonomie voire d’indépendance : la Corse évidemment, mais aussi les territoires ultramarins. Il sera intéressant de comprendre le point de vue local avec Jean-Felix Acquaviva, ancien député nationaliste de Corse, Mansou Kamardine, ancien député de Mayotte, Jean-François Carenco, ancien secrétaire général de Nouvelle-Calédonie et ancien ministre des Outre-Mers et Benjamin Morel, universitaire et auteur de « La France en miettes. Régionalismes, l’autre séparatisme ».

Chaque table-ronde a été pensée pour ne pas se focaliser sur un territoire précis mais comprendre les dynamiques communes, les défis à relever et surtout qu’il y ait du débat…   

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LD : Revenons à la situation politique nationale. Plus d’un mois s’est écoulé depuis la démission du précédent gouvernement, et la France n’a toujours pas de Premier ministre. Comment expliquez-vous cette attente ? Pensez-vous que cette situation reflète une faiblesse institutionnelle ou un calcul stratégique de la part du Président Macron pour affaiblir encore davantage ses adversaires politiques ?

JA : Depuis le début, Emmanuel Macron veut faire rentrer le génie dans la lampe. Le génie, c’est évidemment celui du peuple, qui est censé pouvoir choisir librement ses représentants et la politique de la nation. La lampe, c’est le crédo d’Emmanuel Macron : le dépassement du clivage droite-gauche et un gouvernement dont il serait le centre, l’alpha et l’oméga.

Il comptait sur les élections législatives pour faire exploser la NUPES, c’est l’inverse qui s’est produit. Il est cependant arrivé à enrayer la dynamique majoritaire et empêcher que le RN soit légitime pour gouverner en organisant des désistements contre-nature avec la Gauche. Après avoir marginalisé le RN, il ne lui reste désormais plus qu’à trouver un moyen de cornériser LFI. Alors, ne restera plus que la seule option souhaitable à ses yeux : le macronisme.

Il y a juste deux petits problèmes dans ce raisonnement : premièrement, les français se sont massivement déplacés pour rejeter cette option en juin ; deuxièmement, je ne suis pas certain qu’il existe une majorité pour cela.

Macron veut maîtriser la pendule, le problème est qu’il n’y a plus de mécanisme d’horlogerie.  

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LD : Les Républicains semblent confrontés à une crise existentielle, entre la pression exercée par le Rassemblement National et la tentation de certains de se rapprocher de la majorité présidentielle. Comment voyez-vous l’avenir des LR dans ce contexte ? Pour vous, quelles stratégies devraient être adoptées pour redynamiser le parti et redevenir une force incontournable de la droite française ?

JA : Un parti politique n’a pas d’intérêt s’il n’a pas sa singularité. Le drame du schisme de juin est qu’il a mis à nu ce que j’avais dénoncé il y a déjà dix ans : la division de la Droite en au moins deux blocs implantés territorialement dans des endroits différents. Une droite des villes, libérale et modérée. Une droite des campagnes, patriote et de plus en plus radicalisée. Au lieu d’accepter ceci, on a cherché à le masquer et lorsque nous sommes devenus faibles, la capacité d’attraction des partis voisins est devenue tellement forte que chacun a agi suivant le calcul lui assurant la meilleure survie personnelle.

La priorité n’est pas de nous positionner sur les sujets contingents – pour ou contre Macron ou Le Pen – mais d’opérer un diagnostic de la société française et de proposer une voie. Une fois ce choix fait, alors on verra avec qui nous allier.

Une autre erreur serait de réduire un projet pour le pays à une écurie présidentielle, sauf si évidemment ce candidat a un diagnostic et un chemin qui lui sont propres et qui créent un choc de confiance. Ce n’est actuellement pas le cas.

Oser la France, qui a des amis dans les deux camps, se concentre sur cet « essentiel ».

LD : Aujourd’hui, l’opposition en France apparaît divisée et affaiblie, que ce soit à droite ou à gauche. Selon vous, quels seraient les éléments clés pour que les différentes forces d’opposition, et en particulier Les Républicains, puissent reprendre l’initiative face à un Emmanuel Macron qui semble dominer la scène politique malgré tout ? Et que pensez-vous de la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre ?

JA : La première chose était de ne pas rentrer dans un gouvernement en laissant à LFI et au RN le monopole de l’opposition et de l’alternative. Je pense que le pacte législatif – je préfère parler d’agenda législatif – est une bonne idée si elle définit des lignes rouges. Quant à la nomination de Michel Barnier, elle crée une confusion car son gouvernement ne peut tenir qu’en s’entendant avec LREM. C’est donc plus un concubinage qu’une cohabitation. Je ne critique pas l’homme mais je crains que ce ne soit la poursuite du macronisme sous d’autres moyens. Il faut donc clarifier ceci d’entrée. 

LD : Comment voyez-vous le rôle de votre mouvement Oser la France dans cette situation ?

JA : Il est temps de passer à la vitesse supérieure et de jouer un rôle clé pour rapprocher tous ceux qui se désespèrent du macronisme mais ne trouvent pas non plus que le RN a les idées claires pour qu’au-delà des étiquettes et des partis, nous ayons une élection 2027 intéressante et décisive. Oser la France doit donc s’affirmer pour ce qu’il est : une plate-forme gaulliste dont les membres peuvent être liés à tel ou tel parti, mais qui est ne reconnaît aucun lien de vassalité avec quiconque, sauf la France. Pourquoi pas préparer les prochaines législatives et municipales dans ce cas en soutenant les candidats qui professent nos idées ?

A Avignon, il y aura des très proches d’Éric Ciotti ou de Laurent Wauquiez, ce qui fait d’OLF un pont, mais aussi des gens qui ne se reconnaissent nullement dans la Droite. Quoi de mieux que l’endroit où la Durance se jette dans le Rhône pour imaginer ce pont entre trois rives ? 

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LD : La gauche, notamment La France Insoumise, traverse une période de turbulences internes et peine à s’imposer comme une alternative crédible. Quelle est votre lecture de la situation à gauche ? Cela vous semble-t-il offrir une opportunité pour Les Républicains de récupérer des électeurs déçus par la gauche, ou cela renforce-t-il au contraire un clivage qui vous serait défavorable ?

JA : Il y a une Gauche responsable et républicaine qui a été totalement vampirisée par les socio-démocrates et l’extrême-gauche. Elle répugne à comprendre que son attachement à la République et à la Nation la place de facto dans ce que d’aucuns appellent « le camp national » mais qu’on pourrait aussi appeler « les nouveaux conservateurs », car ils défendent la France et la République « d’avant ». Je ne pense pas que LR puisse parler à ces gens, mais OLF oui, comme nous l’avions montré l’an dernier aux Rencontres de la Souveraineté de Nîmes organisées avec République Souveraine.

S’agissant des libéraux de Gauche, ils sont en réalité d’abord libéraux, et en fait libéraux-libertaires ce qui les conduit à rejoindre la Droite non-conservatrice qui fait de son portefeuille la première de ses valeurs.

Quant à la Gauche woke, elle est notre grand adversaire de demain. J’espère que nous parviendrons à arracher à ses griffes tous les jeunes Français pétris d’humanisme qui croient faire l’Histoire en défaisant leur civilisation et tous ceux issus de l’immigration qui n’ont pas compris que les petits gardes rouges sont aux antipodes de leurs valeurs sociétales.

LD : Dans un contexte où le Rassemblement National continue de gagner en influence et où le centre semble se consolider autour d’Emmanuel Macron, quel rôle spécifique Les Républicains peuvent-ils jouer pour ne pas être marginalisés ? Existe-t-il, selon vous, des figures ou des idées au sein des LR qui pourraient permettre de rallier un électorat large et redonner un élan à votre parti ?

JA : Tout ceci renvoie à l’incarnation et nous en avons déjà parlés : il faut quelqu’un capable de ne pas susciter de la défiance et qui porte un message nouveau. David Lisnard coche la première case, mais son positionnement très libéral le rend mon sens peu capable de parler au plus grand nombre. Laurent Wauquiez a un message nouveau, mais la défiance n’est pas encore partie. Je pense que LR ne ressuscitera pas tant qu’elle ne redeviendra pas un parti gaulliste. Il ne suffit pas de prendre les noms d’avant comme UDR mais d’avoir un programme authentiquement gaulliste. La réforme des retraites qui crée de l’injustice, ce n’est pas ma tasse de thé.

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