ANALYSE – Giorgia Meloni contre Emmanuel Macron : Deux trajectoires qui en disent long sur l’Europe

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Photo comparative de Giorgia Meloni souriante devant le drapeau italien et d’Emmanuel Macron préoccupé devant le drapeau français. Une illustration symbolique du contraste entre Rome qui rassure et Paris qui inquiète en Europe.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par la rédaction – Le Diplomate média

Quand Rome rassure et Paris inquiète

En Europe, les trajectoires de l’Italie et de la France sont devenues un miroir inversé. À Rome, Giorgia Meloni a su ramener le déficit public de 7,2 % du PIB en 2023 à 3,4 % en 2024, avec un objectif crédible de passer sous les 3 % en 2026. Cette discipline, jugée convaincante par Bruxelles comme par les agences, a conduit Fitch à relever la note souveraine de l’Italie à BBB+ en septembre 2025. Paris, en revanche, affiche un déficit de 5,8 % en 2024, après 5,4 % en 2023, l’un des plus élevés d’Europe. La France est sanctionnée par une double dégradation de sa signature : Standard & Poor’s en mai 2024 (AA-), puis Fitch en septembre 2025 (A+). Malgré un niveau d’endettement inférieur (113 % du PIB pour la France, 135 % pour l’Italie), c’est Rome qui inspire aujourd’hui confiance, et Paris qui inquiète.

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Croissance et investissement : Une surprise italienne

Longtemps moquée comme l’homme malade de l’Europe, l’Italie surprend par sa résilience. Elle enregistre une croissance de 0,7 % en 2024 et prévoit de se maintenir entre 0,7 et 0,9 % en 2025-2026. La France, elle, peine à garder le cap : après un 1,1 % en 2024, elle devrait ralentir à 0,6-0,8 % en 2025. Le contraste se retrouve dans l’investissement : alors qu’il recule de 1 % en France, il progresse de 0,5 % en Italie. Le taux d’investissement transalpin, proche de 22 % du PIB, reste supérieur à celui de la France.

Cet écart est d’autant plus frappant que la France se prévaut d’un appareil productif plus diversifié et d’un État hyper-centralisé censé amortir les chocs. En réalité, Paris mobilise des prélèvements massifs et des dépenses publiques record (57 % du PIB) sans parvenir à transformer cette manne en dynamique économique. Rome, avec des marges budgétaires plus étroites, investit dans l’industrie nationale et attire à nouveau des capitaux.

Emploi et climat social

L’Italie a enregistré un taux de chômage à 6 % en 2025, son plus bas historique, avec un taux d’emploi de 62,8 %. Ces résultats sont le fruit de mesures ciblées : baisses de charges pour les bas salaires, simplification de l’impôt sur le revenu et soutien aux secteurs stratégiques. La France reste bloquée à 7,5 % de chômage au deuxième trimestre 2025.

Sur le terrain social, le contraste est encore plus net. L’Italie, pourtant habituée aux gouvernements instables, vit une période politique relativement apaisée depuis 2022, avec une coalition Meloni solide. En France, en revanche, les crises institutionnelles se succèdent : motion de censure contre Michel Barnier en décembre 2024, dissolutions envisagées, tensions croissantes avec un Parlement éclaté. La perception à l’étranger est simple : Rome donne l’image d’un pays qui, malgré ses fragilités, avance. Paris celle d’un pouvoir empêtré dans des querelles internes et incapable d’imposer une ligne claire.

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Politiques économiques : Cohérence contre zigzags

La différence tient surtout à la cohérence des choix. Giorgia Meloni a ancré sa politique dans trois axes : discipline budgétaire, soutien au travail, et souveraineté industrielle. La réforme de l’IRPEF, ramenée à trois tranches (23 %, 35 %, 43 %), simplifie et clarifie le système fiscal. Les baisses du « tax wedge » (écart entre le coût du travail et le salaire net) visent à rendre l’embauche plus attractive. Le Fondo Nazionale per il Made in Italy, enfin, constitue un outil stratégique pour défendre les filières productives et sécuriser les approvisionnements critiques.

À Paris, Emmanuel Macron multiplie les improvisations fiscales et les ajustements budgétaires à court terme. Les annonces se succèdent, souvent retoquées par le Parlement ou le Conseil constitutionnel, sans trajectoire lisible. Les dépenses publiques gonflent, mais sans réorientation vers des priorités claires. Cette instabilité désoriente les ménages comme les entreprises, nourrit le scepticisme des investisseurs et alimente la défiance politique.

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La sanction des marchés

Les marchés financiers reflètent cette divergence. Le spread entre obligations italiennes (BTP) et obligations allemandes (Bund) est tombé à son plus bas niveau depuis quinze ans en 2025, signal clair de confiance retrouvée. Dans le même temps, les titres français ont vu leur prime de risque augmenter après la dégradation de Fitch, renchérissant le coût de la dette. Paradoxalement, l’Italie, plus endettée, emprunte désormais dans de meilleures conditions que la France. La souveraineté budgétaire, loin d’être une abstraction, s’exprime directement en milliards d’euros économisés ou perdus.

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Les limites italiennes et les contradictions françaises

Il serait trompeur d’idéaliser l’Italie. Sa dette reste colossale, son tissu productif souffre d’un déficit de productivité et le fameux « superbonus » immobilier continue de peser lourdement sur les comptes publics. De plus, son taux d’emploi, bien qu’en hausse, demeure inférieur à la moyenne européenne. Mais ces fragilités ne doivent pas masquer une vérité : Rome a retrouvé une crédibilité budgétaire et politique qui fait défaut à Paris.

La France, elle, conserve des atouts structurels : une démographie plus dynamique, un appareil de recherche reconnu et une attractivité culturelle et financière qui dépasse celle de l’Italie. Mais sans discipline budgétaire et sans stabilité institutionnelle, ces avantages risquent d’être dilapidés. Les chiffres actuels ne sont pas une fatalité : ils traduisent une orientation politique. L’Italie a choisi la cohérence, la France s’égare dans les zigzags.

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Le parallèle entre Meloni et Macron illustre deux conceptions de l’action politique en Europe. L’une, inspirée par la Realpolitik et par une approche souverainiste, met la discipline et la stabilité au service de la souveraineté nationale. L’autre, prisonnière d’une gouvernance erratique et d’une dépense publique incontrôlée, mine la crédibilité du pays sur la scène européenne et internationale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Rome rassure, Paris inquiète. Et dans un monde multipolaire où la puissance dépend de la capacité à inspirer confiance, la France, jadis référence, donne aujourd’hui l’impression d’avoir perdu le cap.

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Annexes — Sources principales et données
  • France : déficit 2024 à 5,8 % du PIB ; dépenses publiques à 57 % du PIB (INSEE, Eurostat).
  • Italie : déficit à 3,4 % en 2024, trajectoire vers 2,9 % en 2026 (ISTAT, Commission européenne).
  • Dette publique : France 113 % du PIB, Italie 135 % (Eurostat, 2024).
  • Notes souveraines : Fitch relève l’Italie à BBB+ (sept. 2025) ; Fitch dégrade la France à A+ (sept. 2025).
  • Croissance : France +1,1 % en 2024, prévisions 2025 à +0,6-0,8 % ; Italie +0,7 % en 2024, prévisions 2025-2026 à +0,7-0,9 % (Commission, INSEE, ISTAT).
  • Investissement : recul de -1 % en France, progression de +0,5 % en Italie (Eurostat 2024).
  • Chômage : Italie 6 % en 2025, France 7,5 % (INSEE, ISTAT).
  • Spreads : écart BTP-Bund au plus bas en 15 ans (Reuters, 2025).
  • Limites italiennes : dette très élevée, productivité inférieure, effet négatif du « superbonus » (Banque d’Italie, OCDE).
  • Atouts français : démographie, recherche, culture, mais fragilisés par la dette et l’instabilité politique (Banque de France, INSEE).

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